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ORDRE. LA THEOLOGIE MODERNE


diquent l’ordination sacerdotale. Quoi qu’il en soit, la conclusion du cardinal Gasparri paraît ici devoir s’imposer : Argumenta peremptoria pro una aliave senientia non sunt. Nos igitur puiamus alleram sententiam (celle qui admet la validité de la consécration du simple diacre) esse vere probabilem tum intrinsece, lum extrinsece, propter tôt tantorumque doctorum auctoritalem. Op. cit., n. 26. Pratiquement, il faudrait aujourd’hui réitérer la consécration, mais sous condition. Quant aux i or.sécrations faites dans les premiers siècles, élevant un simple diacre à l'épiscopat, elles étaientcertainement valides : l’intention del'Église était de conférer la plénitude du sacerdoce et les formules employées n'étaient pas limitatives de l’intention comme le sont celles d’aujourd’hui.

L’origine de la juridiction épiscopale.

Cette

question n’appartient que fort indirectement au traité de l’ordre. Posée néanmoins dans la xxme session du concile de Trente, elle fait corps avec l’ensemble de la doctrine que nous avons exposée jusqu’ici. Il convient donc de s’y arrêter, tout au moins brièvement.

Les discussions passionnées qui se produisirent au concile, lors de la discussion des textes de la session xxiii, ne pouvaient laisser indifférents les théologiens postérieurs. La controverse, on le sait, voir col. 1354, n'était pas dirimée et chacune des parties adverses pouvait garder son opinion. Il s’agissait, on l’a vii, de savoir si la juridiction ordinaire est donnée aux évêques immédiatement par Dieu ou immédiatement par le souverain pontife. L’argumentation de Laynez, juste dans sa substance, avait néanmoins laissé plus d’un point dans l’obscurité. A la longue, les positions respectives des deux opinions ont été mieux précisées, et le débat plus exactement délimité.

Il serait totalement faux de croire que la thèse t immédiatiste » n’a trouvé de partisans que chez les gallicans, les jansénistes, les fébroniens : elle a eu des défenseurs d’une note catholique incontestable, tels que Vasquez, disp. CCXL, c. iv, n. 41 ; François de Vitoria, Rêlect. II, De potestate Ecclesiee, q. ii, les théologiens de Wurzbourg, De legibus, n. 104 (Neubauer) ; Colet ; Philipps, Kirchenrecht, i, n. 186 sq., etc. Mais ceux-ci ont précisé qu’ils n’entendaient nullement supprimer la dépendance des évêques à l'égard du souverain pontife. La controverse a été bien exposée par Muncunill, De Christi Ecclesia, Barcelone, 1914, p. 492.

La juridiction épiscopale procède immédiatement de Dieu en ce sens que, d’institution divine, il doit toujours exister dans l'Église des évêques, lesquels, sous l’autorité du pape, régissent, par un pouvoir ordinaire, le peuple fidèle qui leur est confié. Épiscopi sunt aposlolorum successores atque ex divina instilutione peculiaribus Ecclesiis præficiuntur quas cum potestate ordinaria regunt sub auctoritate romani pontiflcis. Code, can. 329, § 1. Sur ce point, tout le monde est d’accord.

Mais la question se pose de savoir si chaque évêque pris individuellement reçoit immédiatement de Dieu sa juridiction.

Sans contestation possible, aucun évêque ne peut recevoir, retenir, exercer une juridiction quelconque contre la volonté du souverain pontife. C’est-à-dire que personne ne peut être constitué évêque sans l’intervention du pape, soit que le pape le désigne personnellement, soit que le choix s’effectue par un délégué du pape et selon les règles posées par la loi de l'Église ou les conventions fixées par le Saint-Siège. Il serait en effet contraire à la constitution même de l'Église que les pasteurs des Églises particulières pussent être constitués sans l’assentiment de celui qui, comme pasteur suprême, gouverne l'Église universelle. Aujourd’hui encore, dans les Églises

orientales, les patriarches, autrefois, dans les Églises occidentales, les métropolitains confirmaient les nominations épiscopales, mais en vertu de l’autorité et de la délégation du souverain pontife, dont ils tenaient eux-mêmes leur autorité. Voir Élection des évêques, t. iv, col. 2250 sq. Aujourd’hui, le pouvoir de centralisation est plus accentué : Cuilibel ad episcopatum promovendo… necessaria est canonica provisio seu inslitutio qua episcopus uacantis diœcesis con$tiluitur, quicque ab uno romano pontifice datur. Canon 332, § 1.

Étant donnée la nécessité de cette institution canonique, faite par le souverain pontife seul — nécessité qui n’est contestée par personne — la question se pose de savoir si la juridiction est conférée à chaque évêque, immédiatement, par Dieu, à l’occasion de cette institution canonique, ou si elle est communiquée directement par le pape dans cette institution canonique.

Les immédiatistes dont nous avons cité tout à l’heure les principaux représentants estiment que la juridiction est conférée immédiatement par Dieu aux évêques, soit au moment de leur sacre, soit de tout autre façon, de telle manière que l’institution canonique ne fait que limiter cette juridiction à une portion déterminée du troupeau des fidèles, ou réaliser la condition sans laquelle le Christ n’accorderait pas la juridiction aux évêques. Voilà pourquoi, dans une formule brève, nous disions : juridiction accordée par Dieu à l’occasion de l’institution canonique.

Les théologiens médiatistes, soit dès le Moyen Age : (Albert le Grand, In IV am Sent., dist. XIX, q. xi ; S. Thomas, In 7Vum Sent., dist. XX, q. i, a. 4, sol. 2 ; dist. XXIV, q. ni, a. 2, sol. 3, ad lum ; In II am Sent., dist. ult., q. ii, a. 3, expositio textus ; Cont. Génies, t. IV, c. lxxii ; S. Bonaventure, Breviloquium, vi, 12 ; In 7Vum Sent., dist. XVIII, part, ii, q. iii, concl. ; Durand de Saint-Pourçain, InIVum Sent., dist. XXIV, q. v, a. 5), soit avant le concile, (saint Antonin, Cajétan), soit après le concile (Bellarmin, Suarez, Benoît XIV, et la plupart des théologiens modernes et contemporains), enseignent que la juridiction épiscopale dérive du Christ comme de sa cause première et principale, mais est conférée immédiatement par le souverain pontife, dans l’acte même qui institue les évêques pasteurs de leurs Églises. Aussi disions-nous que, selon cette opinion, la juridiction est accordée, dans l’institution canonique.

On peut ramener à cinq les arguments principaux en faveur de l’opinion médiatiste : 1° Le pape possède une juridiction pleine et entière sur l'Église universelle et sur chaque partie de l'Église : on ne voit pas le pourquoi d’une intervention spéciale de Dieu, alors que le pape peut très bien communiquer, de la plénitude de son pouvoir, la juridiction nécessaire pour le gouvernement d’une portion déterminée de l'Église. 2° Le pape est le pasteur suprême, ordinaire et immédiat, de toute l'Église : il semble donc nécessaire que toute autorité ecclésiastique inférieure descende de son propre pouvoir. 3° Il y a corrélation entre juridiction et sujets. Là où il n’y a pas encore de sujets, il ne peut encore exister de juridiction. Or, les fidèles deviennent les sujets de l'évêque par la désignation du souverain pontife. Donc, c’est par cette désignation même que les évêques acqu'èrent juridiction sur eux. 4° Il ne saurait être question, comme quelquesuns l’ont imaginé, d’une juridiction accordée par Dieu à l'évêque dans sa consécration. Le pouvoir de juridiction est distinct du pouvoir d’ordre, et les évêques, même non consacrés, peuvent exercer leur juridiction dès lors qu’ils ont pris possession cano niquement de leur siège (can. 334). 5° Enfin, la juridiction des évêques peut être modifiée, accrue, res-