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ORDRE. THÉOLOGIE DU XVie SIÈCLE


provenant d’un délit. — Réclamation contraire à l'équité et à la modération canonique affirmée par le concile de Trente, dérogeant à l’autorité et aux droits de l'Église.

5. Le synode prescrit de rejeter sans distinction et d’une manière générale toute dispense autorisant la collation au même sujet de plus d’un bénéfice résidentiel, affirmant que c’est certainement l’esprit de l'Église que personne ne puisse jouir de plus d’un bénéfice, si minime qu’il soit. - Dans sa généralité, cette proposition déroge à la modération du concile de Trente.

Sur l’histoire des doctrines au concile de Trente, toutes les sources antérieures, tous les travaux précédents doivent aujourd’hui céder le pas à la collection de la Gœrresgesellschaft, dirigée par Mgr Elises, et à laquelle on s’est constamment référé en ce paragraphe. Toutes les histoires modernes du dogme, celle notamment de Schwane, doivent être contrôlées à la lumière de cette documentation exhaustive.


VII. La théologie moderne. —

Le concile de Trente a solidement établi les positions dogmatiques de la théologie du sacrement de l’ordre. Tout le progrès consistera désormais, dans le cadre tracé par le concile, à mieux préciser le sens et la valeur des preuves scripturaires et patristiques sur lesquelles on les appuie.

Dans cet ordre d’exposition théologique, une place à part doit être faite à Bellarmin dans ses Controverses sur l’ordre. Ce théologien est vraiment, à la fin du xvie siècle, l’initiateur du traité moderne du sacrement de l’ordre, où la théologie spéculative ne s’exerce qu’en se conformant aux exigences de la théologie positive. Toutefois, il restera encore, de ce chef, un grand progrès à accomplir, et ce sera la gloire de certains auteurs du xvir 3 siècle d’avoir su ramener l’esprit théologique à la considération des faits de l’histoire. Les travaux de Petau, de J. Morin, de Mabillon, de Martène, de Chardon, de Ménard permettront à la théologie de l’ordre de s’orienter, sur certains points, dans des voies nouvelles. Le beau traité de Hallier sera l’un des meilleurs fruits de ces efforts réunis. Et il n’est pas jusqu’aux sorbonistes du xviir 8 siècle, Tournély en tête, qui n’en ressentiront les effets.

Pour exposer avec ordre et synthèse à la fois la théologie moderne de l’ordre, nous esquisserons d’abord les grandes lignes du mouvement théologique, puis abordant la théologie proprement spéculative, nous en condenserons les conclusions autour de quelques chefs principaux.

I. LES GRANDES LIGNES OU MOUVEMENT THÉOLO01QUE. — 1° La théologie immédiatement postérieure au concile. — Il y a lieu de faire une place spéciale à Bellarmin, en face des autres théologiens ses contemporains.

1. Bellarmin (j 1621). — Nous nous inspirerons de J. de La Servière, La théologie de Bellarmin, Paris, 1908, p. 495-496. Le traité de l’ordre est condensé par Bellarmin en un seul livre, divisé en six chapitres, t. v, Paris, Vives, 1872, p. 21-35.

a) L’ordre est un vrai sacrement. — Contre Luther, Illyricus, Chemnitz, Calvin, Mélanchthon, dont il rappelle au c. i les erreurs, Bellarmin démontre, au c. ii, par l'Écriture, l’existence du sacrement de l’ordre. On trouve, en effet, dans l'Écriture le rite sensible de la consécration des ministres du culte, c’est-à-dire l’imposition des mains, Act., xiv, 23 ; I Tim., iv, 14 ; v, 22 ; II Tim., i, 6 ; la promesse de la grâce attachée à ce rite, I Tim., iv, 14 ; II Tim., i, 6 ; enfin l’institution divine. Pour prouver l’institution divine, Bellarmin admettrait volontiers que Jésus-Christ aurait employé le rite de l’imposition des mains pour

ordonner les apôtres (voir col. 1206). Mais cet argu ment est sans grande valeur. Il vaut mieux rappeler que c’est sur l’invitation même de Dieu que Saul et Barnabe sont « séparés » pour son service, Act, xui, 2 ; que les évêques, les pasteurs et docteurs sont « placés dans l'Église, pour la gouverner », « donnés à l'Église par l’Esprit-Saint », Act., xx, 23 ; Eph., iv, 11. Le seul fait que la grâce est attachée à l’imposition des mains montre l’institution divine de ce rite. La tradition (c. iii) est également claire sur le sacrement de l’ordre. Les Pères et les conciles comparent l’ordination avec des sacrements unanimement reconnus comme tels, par exemple le baptême ; ils lui donnent souvent le nom de sacrement ; ils en règlent les rites avec un soin que seul peut mériter un signe efficace de la grâce ; ils condamnent les simoniaques, parce que c’est vendre la grâce de Dieu. Les scolastiques enfin, à la suite du Maître des Sentences, voient unanimement dans l’ordination un sacrement proprement dit, et les conciles de Florence et de Trente ont consacré cette thèse. La raison elle-même (c. iv), nous persuade que l’ordre doit être un sacrement, puisqu’il donne le pouvoir de conférer d’autres sacrements, lesquels sont productifs de la grâce dans l'âme.

b) Quels ordres sont sacrements et conjèrent la grâce ? — Il n’est pas question du simple sacerdoce qui très certainement appartient au sacrement de l’ordre. Mais, contre Dominique Soto, In /Vum Sent., dist. XXIV, q. ii, a. 3, Bellarmin pose, comme plus probable, que la consécration épiscopale est un vrai sacrement (c. v). En effet, c’est de la consécration épiscopale qu’il est question dans presque tous les textes apportés pour prouver que l’ordre est un vrai sacrement. Cette consécration imprime un caractère, puisqu’on ne peut la réitérer, ou tout au moins une extension du caractère sacerdotal. Elle est également cause de la grâce qu’elle communique, sans aucun doute, à l'évêque, en même temps que le pouvoir de confirmer et d’ordonner. Mais Bellarmin adopte néanmoins l’opinion de saint Thomas, que l'épiscopat n’est pas un ordre distinct du sacerdoce, et pour les mêmes raisons que saint Thomas. Il y a seulement deux degrés dans le sacerdoce ; le prêtre, dans l’exercice de son pouvoir de consacrer, est soumis à l'évêque il ne peut, comme l'évêque, communiquer ce pouvoir.

Le diaconat (c. vi) est un sacrement ; sans être certaine de foi, cette thèse est très probable, pour ne pas dire certaine, à cause de l’enseignement unanime des théologiens. Elle se fonde sur le rite de l’imposition des mains qui, dès les temps apostoliques, est le rite de l’ordination du diacre et sur le grand rôle joué par les diacres dans l'Église primitive.

Le sous-diaconat (c. vu) ne peut pas être dit avec certitude un sacrement : car au sous-diacre, on n’impose pas les mains, et l'Écriture ne fait pas mention du sous-diaconat. Il est plus probable cependant, que le sous-diaconat est un sacrement, à cause du vœu solennel de chasteté qui lui est joint et du pouvoir qu’a le sous-diacre de toucher les vases sacrés. De plus, on ne peut réitérer le sous-diaconat ; il imprime donc un caractère ineffaçable.

Les ordres mineurs (c. vin) ne présentent pas les mêmes raisons d'être considérés comme des sacrements ; et pourtant, Bellarmin retient ici encore l’opinion de saint Thomas et considère comme plus probable que ces ordres soient sacrements. Le fait qu’on ne peut les réitérer semble indiquer qu’ils impriment un caractère, et les conciles de Florence et de Trente sont plus favorables à cette opinion. Toutefois, même en les considérant comme des sacrements, il faut n’admettre qu’un seul sacrement