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I. Les origines de la hiérarchie anglicane. — I. Le schisme et l’hérésie. II. Le sacre de Parker. III. Le sacre de Barlow.

I. LE SCHISME ET L’HÉRÉSIE DANS L’ÉGLISE AN-GLICANE. — Nous n’avons pas à raconter ici dans ses détails la séparation de l’Église d’Angleterre du centre catholique, ni l’introduction dans son sein des erreurs luthériennes d’abord, calvinistes ensuite. Il sufïira de noter les faits qui peuvent jeter un peu de lumière sur la question des ordinations anglicanes.

Blessé par le relus de Clément VII de proclamer la nullité de son mariage avec Catherine d’Aragon, Henri VIII se sépare de Rome ; il se fait proclamer chef suprême de l’Église d’Angleterre, impose aux évêques et aux personnages considérables du royaume la reconnaissance de sa suprématie religieuse, la fait ratifier par le Parlement (1534). Rien cependant n’est changé dans la doctrine ; le protestantisme ne pénètre pas plus après qu’avant le schisme dans le royaume de celui à qui Léon X avait décerné le titre de « Défenseur de la foi » ; aucun changement n’est apporté au culte et aux croyances. Cf. Articles aboul the religion devised by Ihe King’s Highness, 1536 ; Institution oj a Christian mm, 1537 ; Necessary doctrine and érudition of any Christian man, 1543.

Avec Élouard VI (1547-1553), sous l’influence d’Edouard Seymour, duc de Somerset, et de Cranmer, archevêque de Cantorbéry, le protestantisme se superpose au schisme. Le roi, âgé de neuf ans, ne peut que se laisser conduire par son conseil de régence, gagné aux idées des nouveaux réformateurs. Le culte se transforme rapidement : le 17 décembre 1547, le Parlement vote le bill sur le Sacrement, établissant la communion sous les deux espèces et supprimant dans la messe tout ce qui suit la communion ; l’Acte d’uniformité de février 1549, impose l’usage d’un Praijer Book, mutilation du Missel de Sarum, où l’on vote déjà mises en pratique les idées de Cranmer, ainsi que celles de Ridley, évêque de Londres, contre la messe sacrifice ; cf. Cranmer, Lord’s Supper, t. ii, p. 346 sq. ; Ridley, Œuvres, p. 321 et app. vi. En 1552, un second Prayer Book est publié, apportant de nouveaux hangements, dont le but est d’effacer de la liturgie toute trace de la messe.

Dans l’intervalle de la publication de ces deux « Livres de la prière commune », était établi un Ordinal, par une commission composée de douze personnes, dont six prélats ; approuvé par le Parlement en janvier 1550, avant sa publication, il entre en usage au printemps de la même année. Il est inséré avec quelques changements dans le Prayer Book de 1552 ; de légères modifications y seront faites un siècle plus tard, en 1662.

De la publication de cet Ordinal à l’avènement de la reine Marie, 6 juillet 1553, six évêques furent consacrés suivant le nouveau rite : Jean Poynet, évêque de Rochester, 29 juin 1550 ; Jean Hooper, évêque de Gloucester, 8 mars 1551 ; Miles Coverdale, évêque d’Exeter, 30 août 1551 ; Jean Scory, évêque de Rochester, 30 août 1551 ; Jean Taylor, évêque de Lincoln, 26 juin 1552 ; Jean Harley, évêque d’IIereford, 26 mai 1553. Il est impossible de fixer, même approximativement, le nombre des prêtres et des diacres qui furent ordonnés suivant le nouveau rituel : il dut être assez considérable, puisque l’usage de l’ancien Pontifical était interdit ; cf. D. Gasquet, J. Moyses et O. Flemming, Ordines anglicani, 1896, p. 35 et app. vi.

L’avènement de la reine Marie Tudor (155$1-$2558) amena la réconciliation de l’Angleterre avec Rome, l’abandon du Prayer Book et de l’Ordinal d’Edouard VI, le rétablissement intégral de l’ancienne liturgie. Les évêques tombés dans l’hérésie furent réconciliés ou déposés ; ceux qui avaient été ordonnés suivant l’Ordinal d’Edouard VI furent déposés.

La mort de Marie Tudor fut fatale à la restauration catholique ; avec Elisabeth (1558-1605), le schisme et l’hérésie s’installent définitivement ; le 28 avril 1559, l’Acte d’uniformité impose à nouveau le Prayer Book et l’Ordinal d’Edouard VI ; le lendemain, 29 avril, l’Acte de suprématie abolit toute juridiction étrangère et donne à la reine le titre de « Régulatrice Suprême » de l’Église. Le Serment de suprématie est imposé aux évêques ; tous refusent de le prêter, sauf un seul, Kitchen, évêque de Llandafî, qui parvint à conserver son siège grâce à une réponse évasive ; mais il s’abstint, dans la suite, d’exercer les fonctions épiscopales.

Il fallait donc créer de toutes pièces une nouvelle hiérarchie. Un ancien chapelain de la reine, Mathieu Parker, choisi par Elisabeth, fut élu par le chapitre archevêque de Cantorbéry, le 1 er août 1559. Le 17 décembre 1559, il était sacré dans la chapelle du palais archiépiscopal de Lambeth, selon le rite de l’Ordinal de 1552, par Barlow, évêque destitué de Bath, assisté de Hodgkins, suffragant de Bedford, consacré sous Henri VIII, avec l’ancien Pontifical, de Scory et de Coverdale, évêques déposés de Chichester et d’Exeter, ordonnés le 30 août 1551, d’après le premier Ordinal d’Edouard VI. Du 21 décembre 1559 au 1 er septembre 1560, Parker sacra lui-même treize évêques. La hiérarchie de l’Angleterre était ainsi reconstituée. Tout entière, elle dépend du sacre de Parker, ordonné suivant le nouveau rite. Nous étudierons plus loin la valeur de ce rite. Mais dès maintenant, il importe d’élucider deux faits qui ont été mis en doute : la réalité du sacre de Parker et le caractère épiscopal de Barlow, le consécrateur.

II. LE SACRE DE PARKER. — La cérémonie de Lambeth eut lieu secrètement, à cinq heures du matin. Elle resta longtemps ignorée du public catholique. Les anglicans eux-mêine ; ne trouvaient rien à répondre aux adversaires qui les interrogeaient sur le sacre de Parker ; cf. la discussion entre le controversiste catholique Harding et l’évâque anglican de Salisbury, en 1565, dans Estcourt, The question oj anglican ordinations discwised, 1873, p. 119 sq. Le récit de la cérémonie de Lambeth ne fut connu qu’assez tard ; Fr. Mason en parle le premier dans sa Vindication of thî anglican Church, 1. IL c. xv, publiée en 1641 : il y avait déjà fait allusion dans la première édition de cet ouvrage, en 1613. Les catholiques avaient raison de trouver étrange ce silence gardé durant tout le règne d’Elisabeth, sur un point que les anglicans avaient tant d’intérêt à éclaircir.

Ce silence fit naître une légende, qu’on rencontre pour la première fois dans A. Champney, De vocatione ministrorum. Douai, 1616, p. 497 ; à la cérémonie du sacre dans la chapelle de Lambeth est substituée une comédie qui se serait jouée à Cheapside, dans une auberge, ayant pour enseigne une tête de cheval (Nag’s Head). Scory aurait imposé une bible sur la tête de Parker, en disant : Accipe potestatem prsedicandi verbum Dei in sua puritate. Champney cite sa source : Maître Thomas Bluett, « homme grave, érudit et prudent, qui disait avoir entendu ce récit de Maître Neale, homme honorable et versé dans les lettres, lequel, au temps où ceci se passait, faisait partie de la maison de Bonner, évêque de Londres… » C’est une légende calomnieuse, à peu près universellement reconnue comme telle aujourd’hui. Lingard, le célèbre hislorien catholique anglais, la rejette. Histoire d’Angleterre, trad. sur la 3e éd., Paris, 1846, t. ii, c. xiv. p. 444 et 606. De même, Estcourt, op. cit., p. 154, On la trouve encore opposée sérieusement aux anglicans