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NESTORIENNE (L'ÉGLISE) SOUS LES SASSANIDES


des anathèmes, des ordinations simoniaques, etc., Elisée s’appuyant sur Bèroë et brandissant des édits royaux, jusqu'à ce qu’enfin Narsai mourut. Mais lorsqu'Élisée croyait son triomphe assuré, le roi commanda de le déposeï, et Paul, archidiacre de Suse, qui était resté sur la réserve pendant tout le schisme, fut élu sur l’ordre de Khosrau Ie ' Anusirvan. Il mourut deux mois plus tard, le dimanche des Rameaux de l’année 537, d’après la Chronique de Séerl, P. O., t. vii, p. 117-153 [55-61 ], ou plutôt en 539, car il ne semble pas qu’il y ait eu une longue vacance du siège ; cf. infra.

L'Église de Perse, horriblement désorganisée par ce long schisme, trouva le réformateur dont elle avait besoin dans la personne d’Abâ I" (souvent appelé Maraba dans les histoires récentes). Né dans la religion mazdéenne, entré dans l’administration et secrétaire d’un marzban, il se convertit à la suite d’un prodige, ayant été arrêté à deux reprises dans la traversée du Tigre par une tempête soudaine, après qu’il eut refusé le passage sur son embarcation à un jeune chrétien qui le lui avait demandé comme une faveur. Baptisé, il était allé à Nisibe pour s’instruire dans les sciences ecclésiastiques et y avait obtenu le titre d’interprète, puis il était parti pour l’Occident, afin d’y étudier le grec. Son biographe ie montre expulsé d’Alexandrie par les jacobites, jaloux du succès de son enseignement, puis à Constantinople, d’où il s’enfuit avec d’autres docteurs persans pour ne pas avoir à prononcer l’anathème contre Diodore, Théodore et Nestorius. De retour à Nisibe, Abâ voulait se retirer au désert, mais les évêques le contraignirent d’enseigner. Il jouissait donc d’une réputation considérable, lorsque les suffrages unanimes l’appelèrent au siège de Séleucie. Au témoignage de la Chronique de Séert, suivie par Amr et Barhébræus, cette élection aurait eu lieu dans la sixième année de Khosrau (537). mais d’après Elias Djauhari, métropolite de Damas, cité par, J. S. Assémani, Bibliolheca orientalis, t. m b, p. 78. et surtout d’après les manuscrits du Synodicon, p. 73, trad. 326, cf. p. 318, n. 3, elle n’aurait eu lieu que la neuvième année, janvier 540. Avant la fin de cette même année, en octobre, dès que la paix eut été établie dans la chrétienté des Villes Royales, Abâ, accompagné de plusieurs évêques, commençait une visite des diocèses les plus troublés par le schisme : de Kaskar on se rendit à Perat d’Maysan, Hormizdardasir, Rewardasir, où l’on déposa l'évêque Acace, à Suster, où un soi-disant évêque, invalidement ordonné, fut autorisé à exercer les fonctions de l’ordre presbytéral, à Beit Lapât enfin, où un usurpateur du titre de métropolite, relaps après une première pénitence, fut destitué et excommunié. Sijnod. orient., p. 70-80, trad., p. 321-332. Ne pouvant aller jusque dans le Ségestan, Abâ et neuf évêques qui l’assistent, décident un démembrement temporaire du diocèse, afin que les deux évêques vivants en aient chacun une partie, l’unité du siège devant être rétablie en faveur du dernier survivant. Ibid., p. 85-89, trad., p. 338345. Quelques années plus tard, l'Église de Beit Lapât étant veuve et l'évêque de Nisibe étant persécuté per ses ouailles, Abâ empêché d’aller sur place écrit une encyclique à tous les métropolites ou évêques de sa juridiction, pour les avertir qu’il se réserve le contrôle de toute élection et ordination en faveur de. ces deux sièges. Ibid., p. 89-95, trad., p. 345-351.

Le catholicos, qui regrettait de ne pouvoir se rendre dans les diocèses qui avaient besoin de sa présence, était alors sans doute exilé dans lvzerbeidjan, où il demeura sept ans ; il ne manquait pas de raisons pour le punir, puisqu'étant né mazdéen, il était légalement coupable d’apostasie aux yeux des fonctionnaires de la religion nationale Ceux-ci lui en voulaient

|en outre à cause de son zèle et de son excellente administration des affaires ecclésiastiques, laquelle devait contribuer grandement au développement du christianisme. Mis en danger par les intrigues d’un renégat, ancien évêque déposé, qui cherchait à le tuer au lieu de son exil, Abâ s'échappa avec Jean, évêque légitime de la province, et revint à Séleucie, où il demeura pendant trois ans, traité comme prisonnier. La persécution, qui s'était déclenchée en 540, au moment où Khosrau partait en guerre contre l’empire byzantin, s'était apaisée en 545, lorsque la paix avait été conclue avec Justinien. On peut s'étonner que le catholicos n’ait pas été mis à mort ; il dut sans doute son salut à sa valeur personnelle, qui semble avoir fait grande impression sur le monarque. Lorsque, vers la fin de sa vie, un de ses fils, Anosazad, s’insurgea contre lui, Khosrau eut recours à l’influence du catholicos sur les chrétiens de Beit Lapât pour obtenir par eux que les portes de la ville où le rebelle s'était fortifié fussent ouvertes à ses troupes. Abâ le Grand mourut peu après dans la nuit du deuxième vendredi de carême, 29 février 552. P. O., t. vii, p. 145-170 [62-78] ; O. Braun, Das Buehder Synhados, Stuttgart et Vienne, 1900, p. 93-97 : vie anonyme, édit. Bedjan, dans Histoire de Mar Jabalaha, de trois autres patriarches, d’un prêtre et de deux laïques nestoriens, Paris et Leipzig, 1895, p. 206-274.

Soucieux d'éviter les troubles qui avaient suivi la mort de Sila, Abâ avait déterminé la façon dont devrait être élu le catholicos, à savoir par les évêques de la province de Séleucie-Ctésiphon et les quatre métropolitains de Beit Lapât, Perat d’Maysan, Arbèles et Beit Slok, accompagnés chacun par trois évêques. L’ordination devait se faire dans la grande église de Kokè. Synod. orient., p. 543-545, trad., p. 553-555. Pourtant Abâ eut un détestable successeur. Joseph avait vécu longtemps en Occident et y avait appris la médecine : présenté à Khosrau par le marzban de Nisibe qui l’avait pris en amitié, il soigna le monarque et dut à ses succès médicaux d'être le candidat du Roi des rois. Il fut ordonné régulièrement en mai 552, tint à Séleucie en janvier 554 un synode, dont les prescriptions sont remplies de sagesse. Mais, après trois ans de pontificat, Joseph se mit à pratiquer la simonie et à maltraiter indignement les évêques et les prêtres, causant la mort de Simon d’Anbar, chassant l'évêque de Zâbê, qu’il remplaça par un médecin, favori de Khosrau, arrachant à l'évêque de Darabgerd le décret royal qui mettait fin à la persécution dans son diocèse, sous prétexte qu’il l’avait obtenu sans l’intervention du catholicos. P. O., t. vii, p. 176178 [84-6]. Les chrétiens, outrés à la vue de ses crimes, le rayèrent bientôt des dyptiques, mais il fallut plusieurs années pour qu’on obtînt du Roi des rois la permission de le remplacer, ce qui arriva grâce à l’apologue de l'éléphant donné par un roi à un pauvre, qui ne pouvant ni le faire entrer par la porte trop petite de sa maison, ni le nourrir, le ramène à son bienfaiteur. Les évêques se réunirent en février 567 pour élire un autre catholicos et tombèrent d’accord sur le nom d'Ézéchiel, le médecin devenu évêque de Zâbë. Mais des partisans de Joseph ayant protesté, Khosrau interdit de procéder à l’ordination. Ibid., p. 181 sq. [89 sq. ]. Pendant trois ans l'évêque de Kaskar demeura locum tenens.

Après la mort de Joseph, les électeurs du catholicos se réunirent à nouveau, et la majorité des suffrages avait déjà désigné un certain Isaï, lorsque plusieurs évêques déclarèrent qu’ils tenaient au candidat précédemment désigné, Ézéchiel de Zâbê. L’affaire fut soumise au roi, qui autorisa l’ordination. Encore que sa carrière antérieure promît peu, le nouveau catho licos gouverna bien : par sa bienveillance, il gagna