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NESTORIENNE (L'ÉGLISE) SOUS LES SASSANIDES

évêques de Perse fut réuni, que Pâpâ fut frappé de paralysie au moment où il touchait le livre des saints évangiles, qu’il fut déposé et remplacé par Simon bar Sabbâ'ê, qui était probablement déjà son archidiacre. Mais cette sentence ne fut pas maintenue : Pâpâ reprit, pour autant que sa santé le lui permit, le gouvernement de son diocèse et Simon, réduit à n'être d’abord que son auxiliaire, ne devint qu’après la mort de Pâpâ le véritable titulaire du siège. La tradition attribue ce revirement à une intervention des « évêques occidentaux », par où il faut entendre des évêques appartenant à l’empire romain. Mais la plus ancienne attestation de cette intervention, qui se trouve dans les actes du synode de Dadiso' en 424, ne donne aucune précision sur l’identité des « Pères occidentaux », non plus que sur la démarche par laquelle on eut recours à eux.

Suivant la Chronique d’Arbèles, Pâpâ, discuté par les fidèles et les clercs des Villes Royales, se serait adressé à l'évêque d'Édesse, Sà'dâ, et aux autres évêques d’Occident, par crainte de l’opposition que menait son archidiacre Simon, dont la famille avait des liens particuliers avec la cour. Les évêques d’Occident auraient écrit à Constantin, en lui représentant que « de même qu’en Occident c’est-à-dire sons l’empire des Romains, il y avait plusieurs patriarches, ceux d’Antioche, de Rome, d’Alexandrie et de Constantinople, ainsi fallait-il qu’en Orient, c’est-à-dire sous l’empire des Perses, il y eût au moins un patriarche. » Éd. Mingana, p. 45, trad., p. 121-123. fl y aurait quelque vraisemblance, en effet, que l'évêque de Séleucie se soit tourné d’abord vers Édesse, d’où la tradition fait dériver l'évangélisation de tout l’Orient extra-romain, mais l’anachronisme est brutal, qui prête aux évêques antérieurs au concile de Nicée (Sâ'dâ est mort en 323 ou 324) un raisonnement en faveur de Séleucie, dont l'évêque de Constantinople eut bien du mal de tirer parti en 381, après plus d’un demi-siècle de contact avec une cour chrétienne, où son influence n’avait pas cessé de grandir. Cette donnée de la Chronique d’Arbèles sera d’autant plus justement suspectée qu’elle ignore le synode des évêques de Perse et la déposition de Pâpâ, si fortement attestés par la passion de saint Miles et les actes du synode de Dadiso'.

Quoi qu’il en soit, la soi-disant décision des Pères occidentaux a réglé, au moins à partir du ve siècle, les relations des Églises de Perse entre elles et avec les Églises du monde romain. Le document de base, ignoré des historiens grecs et dont le synode de Dadiso' ne donne qu’une exquisse, n’a pas tardé à être surchargé de toute une correspondance apocryphe, conservée en particulier dans les manuscrits du Sgnodicon, traduite en allemand et annotée par O. Braun, Das Briefwechsel des Katholikos Papa von Seleucia, dans Zeilschrifl fur kalholische Théologie, t. xviii, 1874, p. 164-182 et 546-565. Le jacobite Barhébrreus raconte que certains accusaient le catholicos Joseph I er († 575) d’avoir composé cette correspondance, J.-B. Abbeloos et T. J. Lamy, Gregorii Barhebrsei Chronicon ecclesiaslicum, t. iii, Paris et Louvain, 1877, p. 31, dont M. Braun voudrait sauver quelque chose. Mais la question de savoir, quand et comment le corpus de la correspondance de Pâpâ a reçu sa forme définitive, n’a aucune importance pratique, puisque la lettre des Occidentaux est demeurée sans conteste la charte du siège « patriarcal » de Séleucie-Ctésiphon, insérée sous sa forme définitive dans la collection juridique d'Ébedjésus, qui la suppose écrite la quarantième année après la mort des apôtres Pierre et Paul, 280 ans avant le concile de Nicée, traité IX, c. v, dans A. Mai, Scriplorum vêlerum nova colleclio, t. x, Rome, 1838, p. 323-325, trad.,

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p. 161-163 ; cf. l’addition de Slibà au Livre de la Tour d’Amr, sous le patriarcat d’Ahadabûhi, édit. Gismondi, p. 7-12, trad., p. 4-7.

Voir pour cette période Mari, édit. Gismondi, p. 8-16, trad., p. 7-14 ; Amr et Sliba, p. 13-15, trad., p. 8 sq. ; Labourt, Le christianisme…, p. 15-28 ; W. A. Wigram, An introduction to the liistory of the assyrian C/iurc/i, p. 31-35.

La persécution de Sapor II.

Nonobstant ces

fluctuations d’une tradition postérieure, il faut tenir que le droit du catholicos et l’organisation intérieure de l'Église de Perse sont dus à l’initiative de Pâpâ. Il était temps : tandis que le christianisme triomphait dans l’empire romain avec Constantin, l’empereur rendu victorieux par la croix, une terrible tempête allait se déchaîner sur les jeunes chrétientés soumises au Roi des rois. Loin que les chrétiens de l’empire romain aient été alors en mesure de rendre service à leurs frères d’Orient, la faveur dont ils jouissaient fut précisément une des raisons qui déclenchèrent la malveillance de Sapor II, une fois qu’il eut repris la lutte contre ses voisins de l’Ouest.

Le décret de persécution fut lancé probablement à la fin de 340 ; cf. P. Peeters, Le « l’assionnaire d’Adiabène », dans Analecla bollandiana, t. xlii, 1925, p. 266, n. 1. Le clergé semble avoir été particulièrement visé ; parmi les premières victimes figure l’ancien auxiliaire de Pâpâ et son successeur, Simon bar Sabbâ'ê. Sapor lui avait enjoint de lever sur ses ouailles une double capitation, sans doute afin de pourvoir aux dépenses extraordinaires occasionnées par la guerre. Le catholicos ayant refusé de collaborer à une monstrueuse oppression de ses fidèles, pauvres pour la plupart, est appréhendé avec deux de ses prêtres les plus anciens, amené à la résidence royale de Karkâ d’Ledân, et introduit enchaîné devant le monarque. Simon est invité à se prosterner devant le souverain et à rendre au soleil les honneurs divins. Il refuse ; le roi le condamne, mais lui laisse avant l’exécution une nuit de répit. Le lendemain, vendredi saint, 17 avril 341, Simon est mis à mort après une centaine de captifs, ecclésiastiques de tout rang, évêques, prêtres, diacres et moines, qui attendaient leur sort dans les cachots de la ville. Le massacre se généralise, mais il prend fin dans le cours de la semaine suivante, pour devenir plus méthodique, après qu’on a trouvé parmi les victimes le cadavre d’un eunuque favori de Sapor.

Le récit de ce martyre figure en tête d’un recueil hagiographique, qui, si utilisé qu’il ait été, n’a pourtant pas été traité comme il le mérite. Les fol. 80219 du manuscrit Vatican syriaque 160 sont le vénérable reste d’un manuscrit de tous points semblable, comme écriture et ponctuation, au fameux Additionnai 12150 du Musée Britannique, écrit en 411. Il ne peut y avoir de doute qu’il ait été écrit dans la première moitié, sinon dans le premier quart, du ve siècle. Or cette circonstance lui donne, lorsqu’il s’agit des martyrs de la persécution de Sapor II, une importance qui ne peut être exagérée. Mais les Assémani ont déclaré que ces feuillets avaient été écrits au x° siècle, Bibliothecx Aposlolicæ Valicanæ codicum manuscriptorum calalogus, t. i, Rome, 1759, p. 324, et Etienne Évode s’est si bien arrangé pour mêler dans les Acta sanctorum marlyrum orienlalium les passions provenant de ce manuscrit unique avec celles de rédactions plus tardives, que la valeur exceptionnelle de la collection a été perdue de vue. Quel qu’ait été l’auteur des récits contenus dans le Val. syr. 160, Marouta de Maypherqat ou le catholicos Ahaï, voir Marouta de Maypherqat, t. x, col. 146 sq., ou quelque autre, l'âge du manuscrit qui les contient oblige à leur donner un traitement particulier. Voici