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NESTORIUS, SES FORMULES THEOLOGIQUES


instant, qu’elle est méritée, qu’elle fut susceptible d’accroissement.

S’il n’est pas impossible de découvrir en Théodore des mots qui justifieraient partiellement de si redoutables accusations, hâtons-nous de dire qu’on en chercherait vainement de semblables flans toute l’œuvre de Nestorius. Sa pensée est extrêmement claire sur ce point ; il se met exclusivement au point dt> vue de la psychologie. Considérant tel acte de l’humanité du Christ, il le voit comme s’accordant. smis l’influx de la grâce d’union (le mot n’est pas de lui, mais correspond à sa pensée) avec la volonté divine. Sa spéculation ne porte pas plus loin ; il ne se demande pas si cet acte, dont la source prochaine est l’humanité, n’a pas une source éloignée dans la personne divine où elle subsiste. Encore une fois, ce problème d’ordre métaphysique lui demeure étranger ; ce qui lui importe c’est de sauvegarder la vérité de la nature humaine.’H Se xotTa tt]v 6éX-/jaiv evojenç xal tt ( v èvepyeîav àipintouç aùràç (les natures) TTjpst xoù àSiflapé-rouç, jiiav oc’jtcov Sstxvùaa 7rs7roi.r / (ji£vv]v ttjv 6sÀ7]at.v xal t/)v èvepyelav. Nestor., p. 21 !). 1. 20 ; cfl p. 220, 1. 4. A la vérité Loofs considère comme 1res douteuse l’authenticité de ces passages, mais c’était avant la découverte du Livre d’Héraclide ; or. il se rencontre en celui-ci des expressions sensiblement parallèles, cf. p. 85 : « l’union est volontaire » ; p. 158 : « L’union de Dieu le Verbe avec ceux-ci (le corps et l’âme) n’est pas hypostatique ni naturelle, mais volontaire. » Et la fin de ce développement indique, de façon non moins claire, que l’union « volontaire » empêche dereporter au Verbe, comme à leur sujet immédiat, les souffrances et la passibilité. Ces « passions » restent le fait de la nature humaine, ce que l’on ne pourrait dire, pense Nestorius, dans le cas d’une union hypostatique ou physique.

d. L’union est une union personnelle. — Mais, telle qu’elle vient d’être présentée, l’union « volontaire » reste encore un concept négatif : elle exprime, en dernière analyse, que ni l’une ni l’autre des natures ne perdent leurs propriétés, leur activité. Le soupçon peut toujours se glisser que ces deux réalités sont bien plutôt juxtaposées qu’unies, qu’on pourrait les considérer comme deux individualités distinctes, bref, que, parlant au concret, l’on aurait affaire avec deux Fils. Cette difficulté Nestorius l’a sentie. Dès la première phase de la controverse, il a prononcé le mol d’union des natures en une seule personne. En réponse aux plaintes de Cyrille il écrit : « Le nom de Christ signifie l’union de l’essence impassible et de celle qui est passible dans une unique personne, tîjç à7ra00ûç xal Tra0r ( T7Jç oùaïaç èv (xovaSixcô npooconco gt^ocvtixy] » ; et il ajoute qu’il a été heureux de voir que Cyrille lui-même faisait la distinction des deux natures, el parlait de leur union en une seule personne, —rrçv toûtwv etç évôç repoo-eoTOU auvâçeiav. Nestor., p. 170, 1. 6 et 12. Les autres citations énumérées par Loofs, table, p. 405, sous le mot Tcpéacorrov, sont beaucoup plus douteuses. C’est surtout dans le Livre d’Héraclide que celle expression revient à saliété, voir la table, p. 388, au mot Prosôpon. Par malheur, bien qu’il utilise fréquemment le mot, ébauchant par là une justification de ses dires, Nestorius n’a pris nulle part la peine de le définir de manière précise, et les exégèles de sa pensée sont fort loin de s’être mis d’accord sur le sens à donner à ce terme de prosôpon. La discussion sur ce point est d’autant plus stérile, que l’on ne peut raisonner que sur la médiocre édition de la médiocre version syriaque ; et il semble bien qu’en fait les commentateurs se soient plus laissé guider par leurs impressions que par une analyse philologique des différents cas. S’il nous est permis de nous laisser aussi guider par les nôtres, voici ce que nous proposerions, salvo melioris judicio.

Dans l’espèce, le mol prosôpon aurait sensiblement, . pour Nestorius, le sens de notre mot français personnalité, en mettant l’accent sur le sens psychologique du mot, et en laissant plutôt dans l’ombre le sens métaphysique. Nous disons d’un homme qu’il est une « forte personnalité » ; et si nous analysons ce par quoi il l’est, nous détaillons les divers éléments qui constituent son moi : le contenu de sa conscience psychologique avec son substralum physiologique, etc. Le prosôpon ne serait donc pas seulement l’apparence extérieure ; c’est cela, mais avec ce qui intérieurement justifie cette apparence. Toujours du point de vue de la psychologie, le mot pourrait se traduire par individu ; nous parlons d’une individualité puissante, à peu près dans le même sens que d’une forte personnalité. Cette donnée psychologique en suppose, , comme de juste, une autre d’ordre ontologique, c’est à savoir que la personnalité, l’individualité est constituée par un centre à quoi se rapportent toutes les propriétés naturelles, soit générales, soit particulières. En d’autres termes, et pour demeurer davantage sur le même terrain que Nestorius, disons que le prosôpon désigne l’ensemble des qualités individuelles.

Appliquons ces idées au problème christologique et considérons d’abord les deux natures séparément. Il est clair que, au sens qui vient d’être précisé, chacune d’elles a son prosôpon. Nestorius le dit expressément : une nature ne peut être sans prosôpon, sans hypostase ; Héracl., p. 193 ; et la suite de son développement éclaire bien ce qu’il veut dire. « Cyrille, continue-t-il, reconnaît, il est vrai, deux natures, reconnaissance purement verbale, car l’homme pour lui n’est rien qu’un nom, qu’une apparence. » Peu importe ici la pensée de Cyrille ; mais par opposition l’idée de Nestorius ressort très nettement. Jésus, cet homme qui a paru, en tel point du temps et de l’espace, en tel milieu social, en telles circonstances précises, avait, comme de juste, son individualité. Son humanité, pour parler abstrait au lieu de concret, avait toutes ses caractéristiques individualités, elle avait un prosôpon. Il va sans dire que le Verbe, s’il est permis de lui appliquer nos catégories, a lui aussi son individualité, ce proprium quid qui le distingue du Père et de l’Esprit-Saint, en même temps que ces attributs divins qui lui sont communs avec les deux autres personnes.

Considérons maintenant les deux natures unies : Si l’on envisage chaque nature, comme un yroupe de propriétés individuelles, il faut bien dire que chaque nature conserve son prosôpon. En conclura-t-on que le Christ est en deux prosôpons, en deux personnes ? Non pas ; et sur ce point Nestorius est aussi formel que sur celui de l’unité de Christ, de Fils, de Seigneur, , cf. plus haut, col. 144 (c’est d’ailleurs la même réponse à la même question). Il a dit et répété usqne ad nauseam que, quand l’on considère l’Homme-Dieu, le Christ historique, on ne doit parler que d’un prosôpon unique. Installerait-il donc la contradiction au cœur de son système en affirmant que 1+1 = 1 ? Non certes, si l’on se reporte aux définitions données plus haut. Qui empêche, en effet, qu’un groupe de propriétés individualités, s’addilionnant à un autre groupe de propriétés individualités ne constitue un troisième groupe ? Auquel cas, au lieu de l’absurdité mathématique de tout à l’heure, nous obtenons, en représentant par a + b + c le groupe des propriétés humaines, par A + B + C l’ensemble des propriétés divines, l’identité suivante :

(a + b + c) + (A + B + C) = (A + B + C + rt + 6 + r). Et pour trad.irc la chose dans le langage de l’exégèse et de l’histoire : le Christ historique nous apparaît comme réunissant dans l’unité de sa personne les propriétés de l’humanité et celles de la divinité. C’est un Juif, fils de Marie, élevé à Nazareth, ayant grandi