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    1. NKSTORIUS##


NKSTORIUS, EXPRESSION SPONTANÉE DE SES IDÉES

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de la meilleure foi du monde, déformer la pensée de l’auteur. Du moins celle circonstance permet-elle de conclure que les passages recueillis sont vraisemblablement les plus criminels. Si N’est orius avait quelque part exposé de manière parfaitement claire l’adoptianisme qui lui a été attribué, ces passages, sans aucun doute, figureraient au dossier.

Pour rechercher la pensée de Neslorius, deux procédés s’offrent à l’esprit, l’un plutôt historique, l’autre plutôt dialectique ; ce dernier consisterait à exposer d’abord le système philosophico-lhéologique du condamné d’Éphèse, et à disculer le sens des termes métaphysiques employés par lui ; on comparerait ensuite à ce système les exposés, plus ou moins oratoires, qu’il a faits de sa pensée. Ce procédé, commode peut-être, présente des inconvénients qui sautent aux yeux. Il ne faut pas oublier que l’archevêque de Constantinople est avant tout un orateur ; l’affaire nestorienne a pris naissance à partir de manifestations oratoires, et c’est en des recueils de sermons qu’on a trouvé la preuve de son hétérodoxie. Ce n’est pas en des compositions de ce genre que se développent d’ordinaire les théories métaphysiques. Celles-ci seront rédigées plus tard, dans un livre à tendance apologétique, où l’auteur s’est elîorcé de raccorder, tant bien que mal, à l’expression spontanée de sa pensée les concepts ontologiques qui lui étaient sousjacents

Expression spontanée de la pensée de Neslorius.


1. Ce qui l’a provoquée.

Les manifestations oratoires de Nestorius n’ont pas eu lieu sans motif et par simple besoin déparier. Elles sont une protestation contre certaines tendances qu’il croit percevoir dans son nouveau champ d’action. Dans ses deux lettres au pape Célestin, ci-dessus col. 99, dans celle à Jean d’Antioche. col. 92, l’archevêque parle d’erreurs christ ologiques graves qui se sont révélées à lui. Nous avons d’autant moins le droit de contester ses dires que, dans les années qui suivirent sa chute, il s’est manifesté dans les milieux visés par lui une très réelle hétérodoxie. Nestorius ramène à deux tendances les erreurs en question : arianisme, apollinarisme ; simple schématisme provenant de l’inconsciente tendance d’étiqueter, à l’aide de vocables historiques, les erreurs que l’on remarque autour de soi.

En réalité, dans les cercles monastiques visés par l’archevêque, l’arianisme n’avait aucune chance de trouver audience. Ce que Nestorius veut dire, c’est que des expressions, comme celles de Deus temporaliler nalus, de Deus passas que l’on y employait couramment, s’apparenteraient logiquement et extérieurement aux concepts ariens du Verbe produit dans le temps, et ne possédant pas toutes les perfections de l’absolue divinité. Il ne semble même pas que la critique de l’archevêque ait visé une conception (rappelant plutôt, d’ailleurs, Marcel d’Ancyre qu’Arius), suivant laquelle le Logos n’aurait pris définitivement hypostase que par sa naissance dans le temps. Ainsi il faut écarter de la pensée de Nestorius la crainte d’un réel péril arien. Pour ce qui est de l’apollinarisme, c’est autre chose. Sans doute, nul ne se rencontrait à Constantinople qui osât expressément nier l’existence en Jésus d’une âme humaine raisonnable et, d’une manière générale, de tout ce qui constituait l’humanité. Mais il ne devait pas manquer de gens qui concevaient de manière assez confuse et l’existence de cette âme humaine, et surtout la réalité de ses opérations, qui, sans y voir malice, attribuaient en gros au — Bon Dieu ». sans autre souci de précision, tout ce qui était dit de Jésus ; ces personnes pouvaient bien avoir aussi une manière à elles de dire que Jésus « n’était pas un homme comme les autres » qui ne laissait pas d’inspirer quelque soupçon.

Tout cela était-il de bien grave conséquence ? On peut en douler. Tant que cela ne sortait pas des milieux populaires ou monastiques, ne pouvait —on passer condamnation sur le vague des termes employés, lesquels ne devenaient inexacts que par des raffinements de précision ? Persuadé pour sa pari que cet à peu près constituait un danger, l’archevêque veut Inculquer au populaire le sens des distinctions élaborées par la théologie anliochienne. Sur cette dernière nous reviendrons aux articles Théodore de Mopsueste et Throdoret ; on ne cherchera donc ici que les trails essentiels.

2. Point de départ. Dans sa lutte si justifiée contre l’apollinarisme, l’école antiochienne s’est appliquée, non sans succès, à n’user qu’à bon escient des divers noms qui peuvent s’appliquer à Jésus, Dieu et homme tout à la fois. Des mots comme Dieu, Verbe et les qualificatifs qui s’y rapportent ne doivent être employés que quand l’on considère en Jésus ce par quoi il dépasse infiniment l’humanité. Des noms comme celui de « grand-prêtre », par exemple, des qualificatifs comme ceux de < souffrant », de « mourant » ne peuvent s’appliquer à lui que si l’on considère ce par quoi il nous est « semblable en tout, hormis le péché ». Il est au contraire des expressions mixtes, Christ, Fils de Dieu, Seigneur, Sauveur qui peuvent tout aussi bien faire ressortir ses. attribut s divins que ses attributs humains.

Nestorius se met en tête d’imposer à son monde le respect de cette terminologie : et voici qu’il rencontre sur son chemin deux expressions qui ne peuvent rentrer dans ce schématisme : celle de Deus passus. celle de Théolokos (qui correspondrait à une expression symétrique de la première : Deus nalus). Bien que la formule Deus passus revienne beaucoup moins souvent dans la controverse que celle de Théolokos (on la voit plutôt critiquée dans le Livre d’Héraclide, voir lable alphabétique, p. 382), il ne faut pas laisser d’en tenir compte. Mais c’est surtout à la formule Théolokos que s’en prend Nestorius. Ne cherchons point en ceci un manque de respect à l’endroit de la sainte Vierge ; seuls des préjugés confessionnels ont pu faire découvrir dans les expressions de l’archevêque une critique de la « mariolâtrie » (Loofs : Bethune-Baker). Si Nestorius dit en propres termes « qu’il ne faut pas faire de Marie une déesse », Nestor., p. 353, 1. 20, ce mot n’est pas dit avec l’accent qu’il a en des controverses plus modernes. Le blâme s’adresse au sens de l’expression Théolokos que Nestorius critique avec véhémence : < Marie n’a pas enfanté la divinité. « Porte ouverte, qu’il se donne la joie d’enfoncer à grand fracas. Voir les références aux divers passages dans Nestoriana. table, p. 402, au mot Maria, et dans Héraclide. p. 386, aux mots Marie et Mère de Dieu.

Comment faut-il donc appeler la sainte Vierge ? Le vocable de Mère de l’homme, ivGpco7TOT6xoç, proposé par certains, ne serait-il pas le nom spécifique de Marie ? II est correct, dit Nestorius, en ce qu’il exprime que l’être humain, que nous sommes bien obliués de confesser dans le Sauveur, a pris naissance en son chaste sein. Voir références dans Nestor., lable, p. 402, au mot Maria. Il ne laisse pas d’être dangereux, s’il est exprimé tout seul, car il tendrait à faire croire que Jésus n’est qu’un homme : qui dicunt tantum àvOpcoTiOTÔxoç, et isti sunt memhra Ecclesiæ, sed spiritalis inopes medicinx. Nestor., p. 312, 1. 13. (Il est vrai que ceci est dit après réception de l’ultimatum romain : antérieurement l’orateur a pu se montrer moins réservé.) Mais il est un mot tout indiqué pour désigner très exactement la Vierge : c’est celui de ypioTOTÔxoç, qui a l’avantage de réunir en lui-même ce qu’il y a d’acceptable dans les deux mots d’àv0pto7TOTÔxoç e’de QeotôV.oç. Ce dernier mot