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NESTORIUS, ÉPILOGUE DE LA CRISE


avoir raison ni les promesses, ni les menaces ; il fallut procéder contre eux. Une quinzaine d’évêques orientaux furent ainsi déposés et envoyés en exil ; le plus excité d’entre eux, Alexandre de Hiérapolis, fut même expédié aux mines d’Egypte. Liste de ces condamnés dans Synod., n. 279 (190), p. 203 ; P. G., col. 803.

N’estorius lui-même fut atteint au même moment. Depuis la fin de 431, il continuait à résider à Antioche. Déjà le pape Célestin avait pris ombrage de son séjour dans la capitale de l’Orient ; on n’avait point songé pourtant à l’éloigner, et l’archevêque déposé avait du suivre, d’un œil intéressé, l’agitation antiochienne autour des anathématismes et de l’Acte d’union. Il n’a pas dû se priver d’y intervenir, et c’est vraisemblablement dès cette époque qu’il rassemblait les diverses pièces de sa Tragédie. (Voir ci-dessus col. 81.) Tout cela était fort gênant pour Jean d’Antioche. Puisque l’on voulait à tout prix la pacification de l’Orient, il fallait prendre des moyens énergiques. Le patriarche se décida à demander à l’empereur l’éloignement de Nestorius. Un ordre de la cour au préfet du prétoire, Isidore, prescrivit de l’expédier à Pétra, en Arabie ; en même temps l’on confisquait tout ce qui lui appartenait personnellement à Constantinople. Vaticana, n. 110, A. C. O., i, 1, 3, p. 67 ; Mansi, t. v, col. 256. Bientôt même on trouva cette relégation trop douce encore ; un nouvel ordre impérial l’envoya au fond du désert de Lybie, à la grande Oasis. Ceci devait se passer vers 436-437.

Beaucoup plus grave encore était une loi qui figure au Code Théodosien, XVI, v, 66, sous la date du 3 août 435 (date inexacte, selon une remarque de E. Schwartz, voir Vaticana, n. 111, A. C. O., i, 1, 3, p. 68 ; Mansi, t. v, col. 413). « Nestorius, disait cette loi, ce chef d’un enseignement monstrueux, ayant été déjà condamné, il reste à frapper les partisans de son impiété et à les désigner d’un nom caractéristique, afin que nul ne puisse s’y tromper. Nous décidons en conséquence que les partisans de l’opinion impie de Nestorius seront désormais appelés simoniens. Car il est juste que ceux qui ont imité Simon (le Magicien) dans sa lutte contre Dieu, reçoivent une appellation, manifestant cette ressemblance, de même que les ariens, selon une loi de Constantin, ont été appelés porphyriens, en souvenir des attaques de Porphyre contre le Christ. Que personne n’ose donc posséder, lire ou transcrire les livres impies du scélérat et sacrilège Nestorius, relatifs à la sainte religion et contraires aux dogmes du synode d’Éphèse. Ces livres seront recherchés avec soin par Pautorité publique et brûlés. De cette manière, la racine de l’impiété ayant été tranchée, le peuple ne pourra plus être trompé. Dans toute discussion sur ces matières, on n’appellera plus les partisans de cette erreur que simoniens ; ils n’auront droit de tenir de réunions nulle part, même à la campagne ou dans les faubourgs des villes, à peine de confiscation de tous leurs biens. » Une ordonnance des préfets de prétoire prenait aussitôt les dispositions nécessaires pour que ces mesures fussent appliquées dans toute leur rigueur. Vaticana, n. 112, ibid., p. 69 ; Mansi, t. v, col. 416. Un ordre impérial s’abattait au même moment sur le comte Irénée, l’intime ami de Nestorius. « Pour s’être fait le défenseur de celui-ci, et avoir causé par là du trouble en de nombreuses provinces, il serait dépouillé de toutes ses dignités, de tous ses biens, el exilé, lui aussi, à Pétra, avec le prêtre Photius, ut paupertate perpétua et locoruni solitudine crucientur. » Synod., n.’277 (188), 278 (189), A C. ()., i, 4, p. 203 ; P. G., t. lxxxiv, col. 802.

Ce déploiement de forces contre la personne de Nestorius et ses plus ardents défenseurs devait

DICT. DE THÉOL. CATH.

avoir des conséquences d’importance. Bile achevait de classer officiellement Nestorius au rang des hérétiques. Et, quant à réviser les considérants de cette sentence, il ne faudrait bientôt plus y songer ; la prescription de rechercher et de détruire les écrits de l’hérésiarque ne resta pas lettre morte.

17I. ÉPILOGUE />/ : l.A crise NE8T0R1ENNE. I.cs mesures impériales que nous venons de signaler, auraient dû marquer la fin de toutes ces agitations doctrinales. Il n’en fut rien. L’Acte d’union avait, au point de vue ecclésiastique, déterminé les contours des positions admises par tous ; l’autorité de l’empereur avait éliminé la personne de Nestorius et de ses amis les plus remuants. Mais celle dernière manifestation, plus bruyante, fut celle qui frappa davantage les esprits. Beaucoup l’interprétèrent comme une victoire définitive de la christologie cyrillienne, victoire qui reléguait dans l’ombre le succès remporté en 433 parles Anliochiens. Saint Cyrille d’une part, avec ses partisans de sens orthodoxe, voulut pousser à fond ses avantages et faire condamner les anciens docteurs de l’école antiochienne. D’autre part, des gens qui interprétaient en des sens plus ou moins suspects, plus ou moins douteux, les formules cyrilliennes, n’hésitèrent pas à s’abriter sous l’autorité du patriarche alexandrin pour développer des doctrines hétérodoxes. Esquissons ce double mouvement qui forme l’épilogue de la crise nestorienne et prépare l’éclosion de la crise monophysite.

1° Lutte des cyrilliens contre les anciens docteurs anliochiens. — On a déjà fait remarquer que Nestorius ne faisait en somme que reproduire, trop souvent avec l’approximative exactitude d’un orateur, les doctrines de Diodore de Tarse et de Théodore de Mopsueste, les deux grands théologiens de l’école antiochienne.

Au cours même de la lutte entre saint Cyrille et Nestorius, ces deux noms ne furent pas jetés dans le débat. Il en fut autrement après l’édit impérial proscrivant les livres de Nestorius. Au dire de Libératus, qui présente de cette nouvelle campagne une narration un peu schématique mais exacte dans l’ensemble, Breviar., c. x, P. L., . lxviii, col. 989 sq., la proscription impériale amena la mise en circulation par un certain nombre d’Orientaux des livres composés par Diodore de Tarse et Théodore de Mopsueste contre Eumonius et Apollinaire. Comme ceci se passait aux confins des pays de langue arménienne et de langue syriaque, il en fut fait aussi des traductions en ces idiomes, qui passèrent les frontières de l’empire romain. Chose plus grave, continue Libératus, ces propagandistes s’efforcèrent de faire prévaloir l’opinion qu’en réalité Nestorius n’avait rien innove, mais n’avait fait que reproduire la doctrine de ces Pères, universellement vénérés.

En réalité, le phénomène de diffusion, en Arménie, rie la littérature antiochienne est d’ordre plus général que ne le pense Libératus. C’était le moment où Mesrob (voir ce nom) se mettait en tête de doter se patrie de la culture qui lui manquait, et entreprenait la traduction de nombreux ouvrages ecclésiastiques grecs. Il étail tout naturel que des œuvres aussi considérables que celles des évêques de Tarse et de Mopsueste s’imposassent à son attention.

Mais il y avait pour veiller sur cette diffusion de la littérature suspecte les deux évêques de Mélitène et d’Édesse, Acace dont nous avons déjà parlé, col. 113 et 126, et Rabbula, rallié depuis peu à la théologie cyrillienne, mais très ardent à la défendre. Ils écrivirent aux évêques d’Arménie de ne point recevoir les écrits de Théodore, un hérétique, disaient-ils, et le vrai père du nestorianisme. Un synode arménien se réunit, qui décida d’envoyer à Proclus de Constan XI. — 5