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NESTOR1US, LE CONCILE D’ÉPHÈSE


avant le concile, n’eut pas de peine à opposer l’explication topique. Mais l’effort même qu’il est obligé de fournir pour innocenter les anathéinalismes, montre tout au moins que la position occupée par lui avait besoin pour être défendue de sérieux travaux d’aménagement. Deux théologies ou, tout au moins, deux terminologies se heurtaient ; si la théologie orientale laissait encore dans le vague le difficile problème de l’union des natures, elle considérait, à juste titre, que l’affirmation en Jésus de deux natures complètes, concrètes et agissantes était l’acquisition la plus importante des luttes menées au iv siècle contre Arius et Apollinaire. Cyrille, de son côté, s’il insistait avec infiniment de raison sur l’unité foncière du Christ, n’avait pas été jusqu’au bout du problème des opérations, et de leur rapport à deux principes distincts l’un de l’autre. Sa terminologie même n’était pas sans de graves inconvénients. Or, il semblait dans la lettre aux anathématismes faire de l’admission de son propre formulaire, de sa théologie, de sa terminologie une condition sine qua non d’appartenance à l’Église. En soulevant non plus seulement la question du Théotokos, qui avait à peu près chez tous partie gagnée, mais celle de la théologie antiochienne dans son ensemble, il liguait contre lui toute une école fière de ses traditions, de son passé, de ses alliances. A Éphèse, ce ne seraient plus seulement Cyrille et Nestorius qui allaient s’affronter, mais deux doctrines : le dyophysisme antiochien et le « monophysisme » alexandrin.

r. le concile d’éphèse. — (Pour le détail de son histoire, se reporter à l’art. Échèse (Concile à") ; on ne veut marquer ici que les grandes lignes et dessiner la courbe générale des événements").

L’assemblée était donc convoquée à Éphèse pour la Pentecôte de 431 ; sans attendre l’arrivée d’un groupe considérable d’évêques, saint Cyrille ouvre le concile et procède par contumace contre Nestorius. L’irritation des Orientaux contre cette exécution sommaire se traduit par un geste encore plus regrettable. Éphèse voit siéger simultanément deux assemblées rivales qui s’entre-excommunient ; l’intervention impériale même ne peut arranger les choses, et c’est par un schisme que se termine le concile qui devait remettre la paix dans l’Église.

L’arrivée des membres du concile.

L’ordre

impérial prévoyait que les évêques devant prendre part au concile se mettraient en mouvement aussitôt après Pâques. Chaque métropolitain se ferait accompagner d’un petit nombre de ses sufïragants, mais aucun chiffre n’était prescrit. Nestorius arriva le premier avec une quinzaine de métropolitains de son ressort, et un nombre d’évêques que l’on ne peut préciser. Cf. Synodic, 83 (8), A. C. 0., i, 4, p. 31 ; P. G., t. lxxxiv, col. 594. Fort mal reçu par l’évêque du lieu, Memnon, un ami de saint Cyrille, il se vit interdire à lui et à tout son monde l’entrée des églises, des martyria et de la basilique de l’apôtre saint Jean.

L’arrivée du patriarche d’Alexandrie, accompagné par une nombreuse suite d’évêques égyptiens (au moins une cinquantaine), de bas-clercs, de moines et de parabolans, fut le signal d’hostilités assez vives ; il y eut des rixes entre les gens du patriarche et ceux de l’archevêque. Cyrille et Memnon affectaient de traiter Nestorius en condamné et en excommunié, ce qui était contraire, à coup sûr, aux claires prescriptions de la lettre impériale et, nous allons le voir, aux intentions de Rome, qu’à vrai dire ils ne connaissaient pas encore. Sur cette attitude, voir la même lettre du Synodicon, ibid. ; la pièce est de Nestorius et des siens, mais les détails qu’elle révèle sont confirmés par les aveux des cyrilliens.

Le pape Célestin, qui avait été touché par la sacra au début de 131, ne put faire partir sa légation qu’à la mi-mai ; elle comprenait les deux évêques Arcadius et Projectus et le prêtre Philippe, et emportait diverses lettres pontificales. Celle qui s’adressait à l’empereur Théodose se contentait de louer sa piété, et de le mettre en garde contre les nouveautés dogmatiques. Jaflé, n. 380. Plus développé, le message au concile insistait vivement sur l’accord des esprits que devait réaliser l’assemblée : simus unanimes ; nihtl per contentionem, nihil agere per inanem gloriam gesliamus, una anima cum uno corde sit cunclis ; nemo dubitet…, depositis urmis, pacem /uturam quando se causa ipsa de/endit. Visiblement le pape a été prévenu par saint Cyrille que les choses n’iraient pas toutes seules au concile ; et il s’efforce de prévenir les dissensions qui pourraient éclater. Les directives doctrinales sont fort brèves : les légats romains sont chargés de faire exécuter ce qui a été décidé à Rome : quæ a nobis ante statuta sunt exequentes ; il s’agit à coup sûr du jugement rendu en 430 dans l’affaire de Nestorius, mais aussi, peut-être du règlement de la question pélagienne. Jaffé, n. 379. Plus explicite est la lettre adressée à saint Cyrille, en réponse à une missive de celui-ci qui n’est pas conservée. L’évêque d’Alexandrie y avait exprimé ses inquiétudes sur la protection que Nestorius pourrait trouver auprès de l’empereur, sur les dissensions possibles dans une assemblée divisée ; il avait demandé quelle attitude le concile devrait adopter à l’égard de Nestorius qui ne s’était pas soumis, avait-il dit, à Y ultimatum romain : L’trum sancta synodus recipere debeat hominem a se prædicata damnantem, an quia indutiarum lempus emensum est, sententia dudum lata perduret. Le papa qui semble ignorer la déclaration faite par Nestorius en décembre 430, s’efforçait donc de mettre un peu de calme dans l’âme passionnée et intransigeante de Cyrille. Il fallait, lui disait-il, avoir plus de confiance en la religion des empereurs, en la doctrine de ses collègues ; quant à l’archevêque de Constantinople, il valait mieux fermer les yeux sur la façon dont il avait reçu l’ultimatum, le pape ne désirait point sa perte, mais son salut : studeo pereuntis saluti, si tamen volueril œgritudinem confiteri ; les décisions passées ne joueraient que s’il s’obstinait dans une attitude déloyale. Jaffé, n. 377. On voudra bien remarquer avec Tillemont, Mémoires, t. xiv, p. 7(35, que rien absolument n’indique que le pape confère à saint Cyrille la direction de l’assemblée : pour Célestin il va de soi que la présidence revient de droit aux légats. Ceux-ci, d’ailleurs, suivant les instructions qu’on leur remet, Jaffé, n. 378, devront, sitôt leur arrivée, s’entendre avec Cyrille et agir d’après ses conseils, mais il leur appartient à eux, et à eux seuls, de porter un jugement sur les points litigieux : vos de eorum (se. episcoporum) sententiis judicare debebitis. Étant donnée la date tardive du départ, on prévoyait le cas où les légats ne seraient pas à l’ouverture du concile, ou même n’arriveraient qu’après clôture de la session. Ou bien tout se serait passé avec rapidité et dans le calme, et les légats n’auraient qu’à se rendre à Constantinople où ils trouveraient probablement Cyrille. Ou bien, au contraire, des difficultés se seraient élevées, et les légats s’inspireraient des circonstances, en prenant conseil de l’évêque d’Alexandrie, quodsi… in dissensione res sunt, ex ipsis rébus conjicere poterilis quid cum consilio supra dicti noslri fratris agere debeatis. Nous sommes très loin des pleins pouvoirs donnés à Cyrille en 430, et aussi de cette présidence du concile que lui attribuent, à la suite des Acla cyrilliens, tous les historiens du concile. Pour ces textes recourir à la