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    1. NESTORIUS##


NESTORIUS, INTERVENTION DE ROME

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tantes, il était donc indispensable de commencer par supposer la bonne foi de l’interlocuteur, son désir de tenir compte de tous les aspects du dogme révélé. Or aucun de nos auteurs n’a su s’établir en ces iréniques pensées. Retenons surtout qu’en faisant de Nestorius un adoptianiste dans le sens le plus fort du terme — ce qui était proprement une injustice — Cassien a embrouillé pour longtemps la question nestorienne.

L’ultimatum du pape Célestin.

Nous ne saurions

dire à quelle date Cassien envoya au diacre Léon le rapport demandé. Le fait que le De incarnationc n’a pas la moindre allusion aux décisions prises à Rome en août 430, indique qu’il a été terminé avant cette date ou, du moins, avant que Cassien ait eu connaissance de l’événement. On peut supposer que, touché par l’invitation de Léon à la fin de 429, Cassien eut le temps de rédiger son travail dans les premiers mois de 430, et de l’expédier à Rome de façon qu’il y arrivât à l’été de cette même année, et au moment où parvenait à la curie la lettre d’accusation de saint Cyrille et les documents annexes.

C’est sur le vu de ces dernière pièces, en tout cas, que le pape porta son jugement. Il va sans dire que le diacre Posidonius, l’envoyé de Cyrille, donna à Célestin des précisions verbales sur l’affaire. Ainsi éclairé, celui-ci crut pouvoir se prononcer sans demander à Nestorius d’autres explications. On avait en main le recueil de sermons qu’il avait lui-même envoyé, celui que Cyrille transmettait. Les extraits faits par l’archevêque d’Alexandrie et traduits par lui en latin éclairaient suffisamment te religion de Célestin. Si le rapport de Cassien est arrivé à temps, il n’a pu qu’incliner dans le même sens le jugement du Siège apostolique.

Celui-ci fut porté en un synode romain sur lequel on est d’ailleurs très mal renseigné. Voir Jaffé, Regesla, p. 55 ; la référence essentielle dans Arnobe le Jeune, Conflictus, P. L., t. lui, col. 289. Remarquer au moins la citation faite par Célestin de l’hymne ambrosienne : Veni Redemplor Gentium, | ostende partum Virginis, [ miretur omne sœculum, talis decet partus Deum. Ces derniers mots furent ainsi commentés par le pape : Numquid talis partus decet hominem ? Ils expliquent les mots relatifs au virgineus partus que l’on va trouver plus loin. Se référant, en somme, aux vieux docteurs latins, Ambroise, Hilaire, le pape enseignait la légitimité du Théolokos ; en même temps il rappelait les condamnations expresses portées par son précédesseur Damase contre la doctrine des « deux fils ». Diverses lettres, datées du. Il août, vont porter cette décision à la connaissance des intéressés.

Celle qui était adressée à Nestorius était fort sévère ; elle l’accusait d’avoir voulu retrancher quelque chose à l’enseignement traditionnel, d’avoir manqué au respect dû à l’enfantement virginal. Une allusion à Paul de Samosate indiquait le sens dans lequel l’archevêque avait erré, bien que l’on ne précisât point qu’il eût enseigné une doctrine analogue. En tout cas l’Église romaine approuvait la foi de l’Église d’Alexandrie et, s’il voulait demeurer dans la communion de Rome, Nestorius, devrait s’y rallier : nisi de Deo Christo nostro ea pnvdices quæ et Romana et Alexandrina et universalis Eeclesia catho[ica tenet… et hanc perfidam novitatem qute hoc quod venerabilis Scriptura conjundit, nititur separare… aperta et scripta professione damnaveris, noveris ab universalis te Ecclesiee eatholicie communione dejectum. Un délai de dix jours, à compter du moment où il serait touché par la sommation, lui était imparti pour se mettre en règle. Jaffé, n. 374. On remarquera que le mot de Théotokos n’est pas expressément prononcé (il est seulement question du virgineus partus) ; l’injonction de ne

point séparer ce que l’Écriture unit reste un peu vague ; il faut y voir une allusion à la doctrine des « deux fils » que Cyrille reprochait à Nestorius.

La lettre destinée au clergé de Constantinople semble un peu plus nette ; outre une allusion au virgineus partus et à la divinité du Christ que Nestorius compromet, on y trouve que l’archevêque : humanam in Christo nostro discutit divinamque naturam, nunc solum hominem, nunc ei socielatem Dei, quotiens lamen dignatur, adsignans. VA plus loin : Aliter Christi Dei noslri tractât arcanum quam fidei nostræ palitur sacramentum, avec un mot sur Paul de Samosate qui est assez révélateur. Plus précise est la partie canonique de la lettre : en s’excusant presque de ne pas avoir suivi l’ordre régulier (dical fortasse aliquis ordinem non esse servalum), le pape se déclarait suffisamment informé par la relation alexandrine des événements de Constantinople ; il cassait donc de son autorité les sentences d’excommunication portées par Nestorius et ses pareils, et annonçait que l’évêque d’Alexandrie avait reçu de lui pleins pouvoirs pour terminer rapidement l’affaire. Jaffé, n. 375.

Par une autre missive dont copie devaitêtre envoyée à Jean d’Antioche, à Juvénal de Jérusalem, aux évêques de Thessalonique et de Philippe, Célestin prévenait les destinataires de la condamnation portée contre Nestorius : (illum) a nostra communione secrevimus (remarquer ce parfait), quamdiu scriptura professionis emissa perversitatem quam cceperat docere condemnet et hanc de virgineo partu, id est de humani generis salute fidem asserat se tenere quam secundum apostolicam doclrinam Romana et Alexandrina et catholica universalis Eeclesia tenet, veneratur et prsedicat. Il les avertissait, eux aussi, de la commission donnée à l’évêque d’Alexandrie. Jafîé, n. 373.

A saint Cyrille le pape ne croit pas nécessaire de fournir de bien longues explications. Les louanges qu’il donne à son zèle, à son orthodoxie suffisent évidemment pour lui tracer la voie. En pratique l’évêque d’Alexandrie agira comme vices gerens du Siège apostolique ; il sommera Nestorius de condamner par écrit ses fâcheuses prédications, de se rallier à la foi que prêchent sur la naissance du Christ, de nativitale Christi, l’Église romaine, la sienne propre et toute la catholicité. Faute de s’être exécuté dans les dix jours, celui-ci serait considéré comme devant être éloigné par tous moyens du corps de l’Église, et Cyrille pourvoirait aux besoins de Constantinople : sanctilas tua illi Ecclesise provisura a nostro eum corpore modis omnibus sciât esse removendum. Jaffé, n. 372.

A lire nos quatre textes, on s’aperçoit que Célestin insiste particulièrement sur le virgineus partus. Il ne peut s’agir, à coup sûr, de l’enfantement virginal en tant que tel : nul n’en parle en toute cette affaire. La question est de savoir si celui que la vierge a enfanté est homme ou Dieu : « il n’est qu’un homme », faisait-on dire à Nestorius, homo solitarius, <iiXoç, avôpwTToç, et c’est bien l’idée que condamne Célestin : nunc solum hominem, nunc ei socielatem Dei, quotiens lamen dignatur, adsignans. Et les allusions au Samosatéen qui reviennent dans deux lettres confirment cette explication : le pape entend condamner une doctrine analogue à celle du vieil évêque d’Antioche. S’avançant un instant jusqu’aux confins de la métaphysique, il dénonce dans l’application de Nestorius à répartir entre deux sujets les opérations du Christ, une tentative d’écartèlement de la personne du Sauveur : humanam discutit divinamque naturam ; quod Scriptura conjungit nititur separare. En définitive, quand il somme Nestorius de se rallier à la foi commune, le pape entend lui imposer la profession de la croyance en Jésus, Dieu et homme, et le rejet de ce qui pourrait compromettre l’unité