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    1. ORATOIRE##


ORATOIRE. SPIRITUALITÉ, LES SUCCESSEURS

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seulement un esprit de puissance et de gloire, niais encore un esprit de mortification, d’humilité, de dépendance. » Ibid., p. 77.

5. Avant la mort, en faisant son testament, rendre compte à Dieu « des biens intérieurs et extérieurs qu’il lui a plu nous donner, considérer… l’usage que nous en avons fait, et combien cet usage a été conforme ou non à ses intentions saintes et à l’usage parfait que Jésus-Christ son Fils a fait en sa vie des biens qu’il lui avait donnés. » Ibid., p. 300. Ces considérations, que leur élévation n’empêche nullement d’être pratiques, se trouvent résumées dans les trois Actes oraloriens qu’on récite après l’office et développées dans deux chefs-d’œuvre trop peu connus : La Journée chrétienne et le Catéchisme chrétien pour la vie intérieure, de M. Olier.

3° Chez les trois fondateurs des congrégations issues de l’Oratoire : Olier, Vincent de Paul et Jean Eudes. — 1. M. Olier dépend beaucoup du P. de Bérulle par le P. de Condren, dont il est le disciple le plus illustre. En mourant, Condren le destine « à une œuvre très utile à l’Église », la fondation des séminaires ; à Saint-Sulpice comme à l’Oratoire, pas d’autre vœu que ceux du sacerdoce ; comme chez le P. de Bérulle, vœu de servitude à Jésus-Christ, c’est-à-dire de « dépendance de corps et d’esprit s’étendant aux moindres choses. »

C’est lui qui a exprimé avec plus de perfection la doctrine de l’école française : même dévotion au Verbe incarné, en qui il distingue aussi les mystères une fois accomplis et les états ou dispositions intérieures qu’il faut reproduire en soi. Il dit, par exemple, qu’à la fête de l’Ascension on doit « atteindre l’état de consommation en Dieu, en état de triomphe et de gloire achevée. «  Notre Seigneur est médiateur de religion avant d’être médiateur de rédemption, il est le vrai et parfait religieux de son Père. A son exemple, le prêtre doit être religieux de Dieu ; le devoir des clercs est d’adorer Dieu en lui-même par la messe, par l’office, de tenir sur la terre, dans la religion de Jésus-Christ, la place que les anges occupent au ciel dans la religion de Dieu.

Avec le P. de Bérulle, il fonde la nécessité de l’abnégation sur l’absence de personnalité humaine dans le Christ, mais il insiste davantage sur le néant que nous sommes devenus par la perte de la grâce, néant dans lequel Adam nous a plongés par son péché.

.Même dévotion à la sainte Vierge, « créature universelle portant dans son sein tout le monde ». Saints Ordres, t. III, c. vi. « Comme il (Jésus), s’est sacrifié plus particulièrement pour elle que pourtoute l’Église, il lui donne la vie de Dieu plus abondamment qu’à toute l’Église. » Lettres, lxxvii.

Les saints « sont comme autant d’échos qui lui servent (à Jésus) à multiplier les louanges qu’il rend à la gloire de Dieu. » Lettres, clvi. A la Toussaint, « le Fils de Dieu se fait voir accompli dans ses membres, il se fait voir comme un homme parfait, en qui toutes les parties de son corps glorieux sont portées à leur perfection ». Lettres, ccxxv.

2. Saint Vincent de Paul, qui devait fonder en 1025 les Prêtres de la Mission, avait seulement six ans de moins que le P. de Bérulle, dont il fut le fils spirituel. Il le rencontrait dans la famille de Gondi ; c’est au fondateur de l’Oratoire que Mme de Gondi s’adresse pour obtenir le retour de Vincent dans sa maison. Saint François de Sales avait certainement exercé sur lui une grande influence, mais c’est sans doute Bérulle qui fit sur lui la plus profonde impression : « Un des plus saints hommes que j’ai connus, disait-il, c’est M. le cardinal de Bérulle. » En matière religieuse, il est le disciple de saint François de Sales, mais plus encore de Bérulle : « Quelle gloire pour ce dernier, dit H. Brenaond, d’avoir façonné la vie intérieure d’un si grand

homme et, pour l’école française, de compter Vincent de Paul parmi ses représentants les plus authentiques. » Op. cit., t. iii, p. 21Ô.

Il se fait du sacerdoce la même idée que le P. de Bérulle : < Un prêtre, selon lui, doit être beaucoup plus parfait qu’un religieux comme tel et beaucoup plus un évoque. » Il le cite souvent et, dans ses lettres ou conférences, il paraît si imprégné de sa doctrine qu’on y rencontre souvent des formules absolument bérulliennes : Voilà quel était l’esprit de Notre Seigneur, duquel nous devons être revêtus et qui consiste… à avoir toujours une grande estime… pour Dieu… Cette estime doit nous faire anéantir en sa présence. » Avis et conférences, 1881, p. 335.

Comme Bérulle, il admire les voies de la Providence auxquelles il s’abandonne les yeux fermés, restant « lent et tardif dans les affaires, dit Abelly, et par nature et par vertu, » pour ne pas « enjamber sur la conduite de la Providence divine. » Il veut qu’on honore en Xotre-Seigneur l’état inconnu du Fils de Dieu, la modération de son agir, son silence aux heures accoutumées. Quand Louise de Marillac le presse, il répond : « Que votre cœur honore la tranquillité de celui de Notre Seigneur et il sera en état de le servir, » ou bien : « Honorez donc la tranquillité de la sainte Vierge. » Abstenez-vous de telle démarche : « Ainsi-vous honorerez le non faire du Fils de Dieu et de saint Joseph. » Corr., éd. Coste, t. i, p. 153. A un missionnaire, il écrit : « Considérant votre âme comme une victime offerte continuelle à la gloire de son souverain Seigneur. » Ibid., t. ii, p. 350. On doit être ouvert à son supérieur « en vue de la communication que le Fils de Dieu avait avec la sainte Vierge et saint Joseph, et depuis, avec les apôtres. » Il parle de ses missionnaires qui expriment « au naïf la vocation de Jésus-Christ ? Car qui est-ce qui exprime mieux la vie que Jésus a tenue sur la terre que les missionnaires. » Avis et conférences, p. 30. « Le plus grand de nos hommes d’œuvres, c’est le mysticisme qui nous l’a donné. » H. Bremond, t. iii, p. 257.

3. Le P. Eudes avait été de l’Oratoire jusqu’à l’âge de 42 ans ; entré en 1023. à l’âge de 22 ans, il avait connu le P. de Bérulle, « qui lui apparaissait comme l’image du Christ placée par Dieu sous son regard pour qu’il en pût reproduire plus aisément les traits. » Boulay, Vie du V. Jean Eudes., t. i, p. 119. Il y était resté pendant tout le généralat de Condren, et c’est la doctrine de ces deux maîtres qu’il expose dans ses ouvrages, en la développant pour la mettre plus à la portée des fidèles. Cela est surtout visible dans son premier et plus bel ouvrage Le Royaume de Jésus, composé en 1037, alors qu’il était encore à l’Oratoire. Même théocentrisme : il parle de ceux qui « aiment la vertu et s’efforcent de l’acquérir, non pas tant pour Dieu… que pour eux-mêmes… pour leur propre mérite, intérêt et satisfaction. » Œuvres, t. i, p. 200. Même dévotion, et souvent dans les mêmes termes, au Verbe incarné ; il veut que son livre « ne parle que de Jésus… qu’on n’y voie que Jésus, qu’on n’y cherche que Jésus, qu’on n’y trouve que Jésus et qu’on n’y apprenne qu’à aimer et glorifier Jésus. » Ibid., p. 500. Mêmes élévations : « O Jésus, soyez tout, soyez tout en la terre comme vous êtes tout au ciel ; soyez tout en tous et en toutes choses. » Ibid.

L’ouvrage commence par des méthodes où l’on reconnaît les pensées du P. de Condren ; pour préparation à la mort, il écrit : « Je me donne à vous pour m’unir dans l’instant de ma mort à toutes les dispositions d’amour et de sainteté avec lesquelles vous, votre sainte Mère, vos saints martyrs, et tous vo » saints êtes morts. » P. 564.

Plus tard, il reproduira avec un rare bonheur lei idées de ses maîtres sur le prêtre, dans l’Office du divin