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ORATOIRE. SPIRITUALITÉ, BÉRULLE


le nom d’un des mystères de Jésus. Le P. de Bérulle

lisait chaque jour à genoux deux chapitres du Nouveau Testament ; on lui doit la coutume de porter sur soi le livre des évangiles ; il demandait de mourir en offrant le saint sacrifice, ce qui arriva en effet le 2 octobre 1029, en face d’un tableau qui représente ce qu’il y a de visible dans le mystère de l’incarnation, l’annoncialion à la sainte Vierge. Ce fut par l’Oraloire que s’établit l’habitude de dire la messe tous les jours, de faire la retraite annuelle d’une semaine, ia récollection mensuelle, l’examen particulier sur un mystère de Jésus.

5. La très sainte Vierge.

Le P. de Bérulle ne sépare pas le fils de la mère ; après Y Élévation à Jésus, vient Y Élévation à la très sainte Vierge ; dans la Vie de Jésus, qu’il n’eut malheureusement pas le temps d’achever, il est tout autant question d’elle que de Lui ; le vœu de servitude qu’il fait à Jésus, il le fait à Marie : « Jamais avant lui, dit l’abbé Moussaye, la langue française n’avait célébré dans un style si précis, avec une telle ampleur, les grandeurs incompréhensibles de la Mère de Dieu. » Op. cit., t. ii, p. 253. Dans la dévotion à la Vierge dans la littérature catholique au commencement du xviie siècle, Paris, 1916, Charles Flachaire affirme qu’il a renouvelé la dévotion à la sainte Vierge.

a) Pour lui, elle est avant tout la créature la plus privilégiée, qui a le mieux réalisé l’union à Dieu, s’est le mieux approprié les états du Christ : « Le propre de la Vierge est d’être attentive à la vie intérieure et spirituelle de sen fils et d’être une pure capacité de Jésus ; remplie de Jésus. » Œuvres, p. 501. Il dit aussi : « Elle est, non en une action, mais en un état, car son occupation est permanente et non passagère… Elle est en un nouvel être, mais en un être qui porte être et non être tout ensemble. Et la Vierge est comme en un non-être de soi-même pour faire place à l’Être de Dieu et à ses opérations. » P. 462.

b) Suivons-la avec lui dans les principaux faits de sa vie : la même pensée se retrouvera sous les formes les plus diverses. Avant même la création du monde : « Les trois personnes divines, vivantes et opérantes en unité parfaite, éternellement heureuses et pleinement contentes en leur société, veulent étendre cette société à une nouvelle personne… elles ont voulu partager la gloire de cette œuvre entre la Vierge et elles, et la choisissant entre toutes les créatures, elles l’ont rendue digne et capable de donner avec elles cette nouvelle nature… Vous l’avez faite uniquement pour vous, ô Trinité Sainte, vous l’avez faite comme un monde et un paradis à part… Le Père éternel vous approprie à soi et s’approprie à vous, se rend tout vôtre et vous rend toute sienne, s’unit à vous et vous unit à soi, vous communiquant son Esprit. » Élévation à Dieu, en l’honneur de la sainte Vierge, Œuvres, p. 524.

A sa naissance elle « est en l’Église ce que l’aurore est au firmament… Elle naît à petit bruit, sans que le monde en parle… Dieu même qui veut naître d’elle, l’aime et la regarde en cette qualité… Il la comble de grâces… dès sa conception… la consacre à son temple pour marque et figure qu’elle sera bientôt consacrée au service d’un temple plus auguste et sacré que celui-là… Dieu est et agit en elle plus qu’elle-même. Elle n’a aucune pensée que par sa grâce, aucun mouvement que par son esprit, aucune action que pour son amour. » Œuvres, p. 430-432.

Au moment de l’incarnation, Dieu « porte la plénitude de la divinité dans l’humanité et la plénitude de Jésus dans vous-même… (Marie) est en un état admirable et Dieu est avec elle qui la dispose… Dieu prévient cet ange… au cœur de cette Vierge par sa grâce et puissance… il agit plus en la Vierge qu’en l’ange, » p. 436.

Après le départ de l’ange : « Elle entre en un état nouveau opéré en elle et non par elle… Elle est en un mouvement céleste, en un repos divin : en un mouvement qui est un repos, en un repos qui est un mouvement, » p. 462.

Dans la visite à Elisabeth, quand « Jésus est en la Vierge et la Vierge est en Jésus », son action n’altère point l’état de son âme : « elle va, elle vient, elle parle, et parle plus qu’en aucun lieu de l’Ecriture et en aucun état de sa vie, et la Parole éternelle du Père qui veut être sans parole, comme enfant, la fait parler… et cette parole tire et ravit à Jésus et à la Vierge conjointement », p. 978.

A sa naissance, Jésus « sort du sein et des entrailles bénies de sa très sainte Mère, et toutefois demeure divinement en elle au centre de son esprit. » Grondeurs, p. 436.

Désormais, la vie de Marie est un état perpétuel de vie en Jésus : « vie conservante la vie de Jésus, en elle et hors d’elle… vie consommante et perfectionnante la vie naturelle de son Fils, en elle et hors d’elle : … vie nourrissante de sa substance, de son lait qui est un autre sang, et de ses labeurs la vie de son fils… Marie est toujours mère et mère de Dieu, toujours en étal, en sainteté, en dignité, en amour de mère et de mère de Dieu, mais non toujours en office de mère… Marie régente et régissante Jésus… Marie dirigeante Jésus pendant son enfance… Marie observante et considérante en son cœur toutes les paroles et les particularités de la vie de Jésus… écoulante et suivante Jésus en ses prédications… languissante après Jésus depuis son ascension au ciel… régnante avec-Jésus en sa gloire. » Œuvres, p. 1108.

c) Pour lui « c’est parler de Jésus que de parler de Marie. « Aussi l’ouvrage, dans lequel il se défend, contre des accusations malveillantes, d’avoir fait le vœu de servitude à elle comme à son fils, a pour titre complet : Discours de l’étal et des grandeurs de Jésus, par l’union ineffable de la divinité avec l’humanité et de la dépendance et servitude qui lui est due et à sa très sainte Mère, ensuite de cet étal admirable. A son exemple, la dévotion à la sainte Vierge ne fait cju’un à l’Oratoire avec la dévotion au Verbe incarné, on y rend hommage « au Fils de Dieu et à sa Mère tout ensemble ». Œ2uvres, p. 1019. Le nom de Marie figure avec celui de Jésus, au-dessous et en plus petit dans les armes ; la prière, dont les éléments se trouvent dans les œuvres de Bérulle, qui fut composée par le P. de Condren, complétée et rédigée par M. Olier et répétée après eux par tant de prêtres est très caractéristique à cet égard :

O Jesu, vivens in Maria, veni et vive in femulo tuo, in spiritu sanctitatis tua 1, in pleniludine viriutis luir in perfectione viarum tuarum, in veritale virtutum tuarum, in communicatione mysterioriim tuoriim, dominare omni adverste poieslati, in spiritu tuo ud gloriam Patris. En voir le commentaire d ; ms Les Échos de Béthunie, 1927-1928.

6. Les saints et les anges — C’est encore le culte du Verbe incarné que Bérulle nous propose dans les saints : ils méritent gloire et honneur dans « la proportion convenable » où, après Marie, ils ont imité Jésus dans ses états et ses dispositions intérieures. Ils sont comme le rayon émané du soleil, comme la voix, expression du verbe intérieur : » Toute la sainteté créée a… vie en Jésus comme celui qui est et se nomme la vie. » Grandeurs, p. 38. En lui, ils trouvent l’exemplaire de leur vie : « La profession du christianisme… est un art de peinture qui nous apprend à peindre, mais en nous-mêmes et non en un fonds étranger, et à y peindre un unique objet, celui sur lequel la peinture a le moins d’atteinte… le Soleil du soleil. Notre-Seigneur Jésus-Christ. En ce noble exercice, notre âme