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ORANGE (DEUXIÈME CONCILE D’)

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par ce canon, étaient une citation du ps. lxxvj, 11. Césaire, ancien moine de Lérins et vivant parmi les tenants des idées semipélagiennes, est plus qualifié pour être l’auteur de ces additions qu’un clerc romain vivant loin du foyer de la controverse.

L’importance de la retouche que le rédacteur du canon 13 fit subir à la 152 sentence de Prosper ressort vivement de leur juxtaposition :

152e sentence de Prosper.

Arbitrium voluntatis tune

est vere Iiberum, cum vi tiis peccatisque non servit.

Taie donum est a Deo, quod

amissum, nisi a quo potuit

dari, non potest reeidi. Unde

Veritas dicit…

Canon 7.3 d’Orange.

Arbitrium voluntatis in

primo homine in (îrniatum,

nisi per gratiam baptismi

non potest reparari ; quod

amissum, nisi a quo potuit

dari, non potest reddi. Unde

Veritatis ipsa dicit…

La retouche que le rédacteur a fait subir à la 152° sentence de Prosper a pour but de faire ressortir l’importance du baptême. Comme la même préoccupation se retrouve dans la profession de foi du concile, laquelle est communément considérée comme étant l’oeuvre de Césaire, cf. Denz.-Bannw., n. 200, il ne nous semble pas téméraire d’affirmer que Césaire est l’auteur de la modification susdite. Le canon 18 d’Orange reproduit la 299e sentence de Prosper, en la faisant précéder des mots : Nullis præcedentibus meritis gratiam prævenientibus. Cette locution se retrouve fréquemment sous la plume de Césaire ; cf. P. L., t. xxxix, col. 1762, 1821, 1830, 1834, 1835, 1925, 2164, 2207. Elle a été aussi insérée dans la profession de foi du concile ; cf. Denz.-Bannw., n. 200. On peut donc conclure que Césaire est l’auteur de l’addition.

La série des sentences de Prosper insérées dans les canons d’Orange est interrompue par le canon 10. Le canon 9 qui reproduit la 22e sentence de Prosper enseigne que nous ne pouvons faire le bien et éviter le mal qu’avec l’aide de Dieu. Le canon 10 ajoute que les régénérés et les saints doivent eux aussi implorer toujours l’aide de Dieu pour pouvoir persévérer dans le bien. Ce canon donne donc un complément d’ordre plutôt pratique à celui qui le précède. Or, Césaire, dans ses sermons, rappelait souvent l’obligation qui incombe aux chrétiens d’implorer l’aide de Dieu pour obtenir la grâce de la persévérance : Dei adjutorium jugiter imploremus ; cum Dei adjulorio in ipso opère perdurare contendat, P. L., t. xxxix, col. 2302, 2234. Il semble donc que le canon 10 d’Orange soit l’oeuvre de l’évêque d’Arles.

Les huit canons conciliaires.

Les huit premiers

canons d’Orange qui se distinguent des dix-sept autres par leur forme de canons conciliaires, se trouvent aussi dans les c. xxxvhi-xlv du Liber de ecclesiasticis dogmatibus du marseillais Gennade. Les c. xlvi-li du même ouvrage donnent aussi les canons 13, 19 et 21 d’Orange

Mais déjà Elmenhorst a fait remarque)’que les c. xxii à i.i du Liber ne se rencontrent pas dans les bons manuscrits ; voir la note d’Elmenhorst dans P. ].., t. lviii, col. 1025. La doctrine affirmée dans ces canons est aussi trop opposée aux opinions théologiques de Gennade pour qu’on puisse les considérer comme le bien de cet auteur. Et, parce que les huit premiers canons du concile d’Oranæ visent surtout Fauste de Riez, ainsi que nous le verrons encore, ils sont communément considérés comme l’œuvre de Césaire.

Au xviie siècle, le jésuite Wiltheim a découvert dans un manuscrit de Trêves, aujourd’hui perdu, dix neuf canons, sous le titre lncipiunt capitula sancti Augustin ! in urbe Roma transmissa. Os canons se trouvent aussi dans un manuscrit de Lucques,

n. 490. Les deux premiers de ces canons visent des doctrines pélagiennes ; les huit suivant, 3-10 du manuscrit, reproduisent les huit premiers canons du concile d’Orange ; les canons 11-14 traitent de la rétribution des méchants et de la prédestination ; enfin les cinq derniers, canons 15-19, combattent des doctrines manichéennes. Voir le texte des capitula dans Mansi, t. viii, col. 722.

Labbe, suivi par Hefele, Hist. des conciles, trad. I.cclercq, t. ii, p. 1089, suppose que ces 19 capitula sont ceux qui ont été envoyés de Rome à Césaire pour l’aider à combattre le semipélagianisme. Césaire en aurait extrait ceux qui figurent sous les numéros 3-10 et qui sont devenus les huit premiers du concile d’Orange, et il aurait néglige les autres. Cette opinion ne nous paraît pas admissible. Tout d’abord, elle ne s’accorde pas avec la préface des actes du concile d’Orange, qui semble bien déclarer que tous les capitula envoyés de Rome ont été promulgués à Orange : Id nobis justum visum est… ut pauca capitula ab apostolica Sede nobis transmissa… ab omnibus obseruanda proferre… deberer.ius. En outre, on ne voit pas pourquoi un augustinien décidé comme Césaire aurait laissé tomber les capitula qui visaient le pélagianisme et le manichéisme, qui traitent de la prédestination et de la rétribution des méchants. Enfin, en demandant au pape l’approbation des décisions d’Orange, Césaire aurait nécessairement dû s’expliquer sur le fait de cette grave mutilation du projet des canons envoyés de Rome. Or, rien de pareil ne peut se conclure de la lettre d’approbation que le pape Boniface II lui écrivit.

Dans son mémoire sur le rôle théologique de Césaire d’Arles, Lejay propose une hypothèse ingénieuse pour expliquer l’origine des capitula du manuscrit de Trêves. A son avis, ces dix-neuf capitula ont été rédigés par Césaire et envoyés à Rome comme programme du concile qu’il voulait convoquer contre le semipélagianisme. Le pape aurait rayé les deux premiers comme inutiles, le pélagianisme ayant déjà été condamné. Les propositions 11-14 qui traitent de la rétribution des méchants et de la prédestination auraient été écartées comme « étant d’une portée pratique trop restreinte ». Op. cit., p. 255. Enfin, la partie antimanichéenne aurait été éliminée parce que le pape jugeait « qu’il ne fallait pas courir deux lièvres à la fois, » ibid., p. 255. Cette hypothèse de Lejay nous semble très probable. En effet, à cette époque, dans la Gaule méridionale, c’est la nécessité de la grâce prévenante qui était combattue ; pour frapper plus sûrement cette erreur, le pape aura éliminé du projet de Césaire tout ce qui ne la concernait pas. Les seize sentences de Prosper qu’il a ajoutées à ce qui restait du projet de l’évêque d’Arles ne pouvaient que fortifier la position de Césaire.

Conclusion. -- L’origine des canons peut donc être conçue comme il suit : Voulant donner le coup de grâce à la doctrine semipélagienne, qui avait encore des partisans en Gaule, Césaire envoya au pape un projet de décisions conciliaires en 19 capitula. Ce projet nous a été conservé dans les manuscrits de Trêves et de Lucques. De ce projet, le pape élimina tout ce qui ne concernait pas l’hérésie semipélagienne et ne conserva que huit propositions qui devinrent les huit premiers canons du concile d’Orange. A ce reste du projet de Césaire, le pape ajouta 16 sentences de Prosper. Césaire retoucha certaines de ces sentences, comme nous l’avons vu plus haut, en ajouta une de son cru, qui devint le 10e canon d’Orange, mit comme appendice une profession de foi qui faisait ressortir l’importance du baptêne et l’absolue gratuité de la grâce, soumit le tout au concile d’Orange et le lit adopter.