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ONTOLOGISME


sais est la suppression du problème de la connaissance sensible. Il rappelle la mentalité des primitifs, qui attribuent une existence réelle à tout ce que l’imagination ou le rêve produisent de représentations dans l’esprit.

L’ontologisme confond encore l’être en général et Dieu. Et cela encore en vertu de son perceptionnisme. qui attribue une existence réelle au contenu de toutes nos idées générales. Qu’on relise le passage de Hugonin cité plus haut, col. 1045, qui distingue « dans la pensée le concept de l’être pur, sans limite, sans restriction, et le concept de l’être limité. Il n’est pas une idée exprimée par le langage qui ne donne lieu à cette distinction. On dit une chose bonne et la bonté, une chose belle et la beauté, une chose vraie et la vérité ; en un mot toute chose imparfaite suppose une perfection à laquelle elle participe. » Il est bien évident que, dans cette phrase, la bonté, la beauté, la vérité sont de simples concepts, des idées générales ; mais, en même temps, on leur confère une existence réelle : puisque percipi est esse, la bonté, la beauté, la vérité sont des être réels, mais, des êtres sans limite, sans restriction. De même en sera-t-il pour le concept d’être : « on dit des êtres et l’être », comme « on dit une chose bonne et la bonté » ; de même donc qu’on perçoit la bonté en soi, la bonté sans limite, puisqu’on en a l’idée, de même nous percevons l’être en soi, l’être sans limite, puisque nous en avons l’idée. Une abstraction réalisée, voilà le Dieu que nous propose l’ontologisme I

Nous avons noté, à plusieurs reprises, , le besoin de certitude qui hantaiteertains ontologistes, Giobcrti, Fabre, Ubaghs, par exemple : il leur paraissait que leur doctrine était la seule arche de salut contre le scepticisme ou le subjectivisme ; le « psychologisme » péripatéticien et thomiste leur semblait impuissant à sauvegarder l’objectivité du monde intelligible aussi bien que du monde sensible. Qu’on leur objecte que nous n’avons pas conscience de cette intuition naturelle de Dieu dont ils nous gratifient, ils n’en disconviendront pas ; mais, puisque cette intuition est la seule manière d’expliquer notre connaissance de Dieu, puisque, sans elle, il n’y a plus pour nous de certitude, plus de vérité, il faut l’admettre. Cf. Fabre, ci-dessus, col. 1020 ; Gioberti, col. 1040. — Que voilà une doctrine bien établie ! Lamennais aussi arguait de ce besoin de certitude pour fonder son système du consentement universel : il nous faut une raison infaillible qui nous garantisse la possession de la vérité ; or la raison individuelle ne l’est pas ; il faut donc que la raison générale le soit. Les ontologistes usent d’un argument aussi simpliste : ou l’ontologisme, ou le psychologisme, pas de milieu ; or le psychologisme est impuissant à satisfaire notre besoin de sécurité ; donc l’ontologisme est vrai. La peur est souvent mauvaise conseillère.

Quand cette étude, fort ennuyeuse, il faut l’avouer, des doctrines ontologistes et des docteurs en ontologisme, n’aurait servi qu’à mieux faire comprendre l’opportunité du geste du cardinal Joachim Pecci, devenu le pape Léon XIII, demandant le retour à la philosophie thomiste et de quelles vides et creuses chimères il a ainsi délivré la pensée catholique, nous n’aurions pas entièrement perdu notre temps.

N. B. Les ouvrages dont le lieu d’édition n’est pas indiqué, ont été publiés à Paris. — Adam, La philosophie en France dans la première moitié du XIXe siècle, 1894 ; Baltus, Défense des SS. Pères accusés de platonisme, 1711 ; Bisson, L’exemplarisme divin selon saint Bonaventure, 192’.) ; Bouillier, Théorie de laraison impersonnelle, 1841 ; De’identité du principe philosophique accusé de panthéisme avec les principes fondamentaux de la théologie chrétienne, Lyon, 1844 ; Boutroux, Des vérités éternelles chez Descaries, thèse latine

traduite par Canghilhem, 1927 ; Boyer, Christianisme et néo-platonisme dans la formation de saint Augustin, 1920 ; L’idée de vérité dans la philosophie de saint Augustin, 1921 ; Bridet, La théorie de la connaissance dans la phi osophic de Malebranche, 1929 ; Cognât, Clément d’Alexandrie, sa doctrine et sa polémique, 1859 ; Cornoldi, Il rosminianismo, sinlesi dell’onlologismoe del panleismo, Borne, 1881 ; Debrit, Histoire des doctrines philosophiques dans l’Italie contemporaine, 1859 ; Delbos, La philosophie française, 5e édit., 1919 ; Dupont, Ontologie, Louvain, 1875 ; La philosophie de saint Augustin (extrait de la Revue catholique de Louvain), Louvain, 1881 Dutertre, S. J., Réfutation d’un nouveau système de métaphysique proposé par le P. M.., auteur de la Recherche de la vérité, 3 vol., 1715 ; Ferraz, Éludes sur la philosophie en France au XIXe siècle, 1887 ; Ferri, Essai sur l’histoire de la philosophie en lia ie au XIXe siècle, 2 vol., 1869 ; Fiorentino, La fdosofia conlemporanea in Ilalia, Naples, 1876 ; Franck, Philosophes modernes, étrangers et français, 1879 ; Franzelin, Trac atus de Deo uno secundum naturam. Bonis, 2e édit., 1876 ; Geiger, Der Intuilionsbegriff in der katholisehen Religionsphilosophic der Gegenwarl, Fribourg-en-B., 1926 ; Gentile, Rosminie Gioberti, Pise, 1899 ; Geyser, Augustin und die phànomenologische Religionsphilosophie der G genwart, Munster, 1923 ; Gilson, Mémoires pour servir à l his oire du traditionalisme et de l’ontologisme en Belgique, Alost, 1894 ; Et. Gilson, La philosophie de saint Bonaventure, 1921, et Introduction à l’étude de saint Augustin, 1929 (ces deux ouvrages contiennent une abondante bibliographie) ; Gioberti, Introduction à l’élude de la philosophie, trad. Alarꝟ. 1845 ; trad. Tourneur et Défournꝟ. 1847 ; Gouhier, La philosophie de Malebranche et son expérience religieuse, 1926 ; Grabmann, Die Grundgedanken des hl. Augustins ûber Gott und Seele, Cologne, 1916 ; Der gôllliche Grund menschlicher Wahrheilserkennlnis nach Auguslinus und’Thomas von Aquin, Munster, 1924 ; Grass, Dos schauende Erkennen bei Augustinus, Fribourg, 1922 ; Henry, Le traditionalisme et l’ontologisme à l’université de Louvain (1835-1865), dans Annales de l’Institut supérieur de philosophie de Louvain, 1924 ; Hessen, Die unmillclbare Goltescrkenntnis nach dem hl. Augustin, Paderborn, 1919 ; Der augustinische Gottesbeweis historisch undsystematischdargestelll, Muns{cr, 1920 ; Auguslinus und seine Bedeulung fur die Gegenwarl, Stuttgart, 1924 ; Hontheim, S. J., Inslitutioncs theodiceæ, Fribourg en-B., 1893 ; Hugonin, Ontologie ou étude des lois de la pensée, 2 vol., 1856 ; D’Hulst, Mélanges philosophiques, 1892 ; Jacobs, Noie sur la vie et les travaux de G. C. Ubaghs, dans Annuaire de l’université de Louvain, 1876 ; Kleutgen, L’ontologisme jugé par le Saint-Siège, trad. Sierp, 1867 ; Laforêt, La vie et les travaux d’Arnold Tits, Bruxelles, 1853 ; Lennerz, S. J., Nalùrliche Golleserkennlnis, Stellungnahme der Kirche in den letzlen hundert Jahren, Fribourgen-B. , 1926 ; Lepidi, Examen philosophieo-lheologicum de ontologismo, Louvain 1874 ; Liberatore, Délia conoscenza intellettuale. Parte prima : di qualro moderni sislemi filosofici, Borne, 1857 ; Théorie de la connaissance intellectuelle d’après saint Thomas, trad. Sudre, Tournai, 1863 ; A. de Margerie, Essai sur la philosophie de saint Bonaventure, 1855 ; Mariano, La philosophie contemporaine en Italie, 1868 ; Michelitsch, Einleitung in die Erkennlnislehre, Vienne, 1910 ; De Nardi, Giobertie il panteismo, Forli, 1901 ; Padovani, Gioberti ed il cattolicismo. Milan, 1928 ; Palhoriès, Rosmini, 1908 ; Gioberti, 1929 ; Pcltier, Lettres au P. Dechamps et pièces relatives à la question du traditionalisme, 2e édition, augmentée… et d’une étude approfondie de l’onlologisme, 1862 ; Philibert, Philosophie der Aelleslen fiir denkende Philosophen der neueslen Zeilen, Nuremberg, 1792-1798 ; Pompa, L’Italia filosofica conte mporanea, Salerne, 1879 ; Bamière, De l’unité dans Tenscignemen de la philosopliic au sein des écoles catholiques, d’après les récentes décisions des CongrégLdions romaines, 1862 ; Romain, S. J., Scienza dell’uomo interiore, Païenne, 1813 ; Rosmini, Nouvel essai sur l’origine des idées, trad. André, 1844 ; Rothentlue, S. J., Inslitutioncs philosophie theorelicæ, Lyon et Paris, 2e édit., 1816 ; Saïtta, Il pensiero di Gioberti, Florence, 1917 ; Sclimid, Erkennlnisslehre, 2 vol., Fribourg-en-B., 1890 ; Sordi, / primi démenti del sislema di Gioberti, dialogizzati fra luie un letlor dell’opéra sua, Naples, 1819 ; Spaventa, La filosofia di Gioberti, Naples, 1863 ; La filosofia italiana nette sue relaxioni in la filosofia curopea, Bari, 1909 ; Stahl, Die natùrliche Golleserkennlnis aus der Lehre der Vdler dargeslelll, Ralisbonnc, 1869 ; Staudenmaier, Die Lelire von der Idée, in Verbindung mil