Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/530

Cette page n’a pas encore été corrigée
1041
104
ONTOLOGISME. GIOBERTI
2

à la réflexion ontologique l’intuition contemplative, capables de saisir habilement, de posséder parfaitement la marche de l’intuition et de l’exprimer exactement à soi-même ou aux autres… De leur nature, tous les hommes participent à l’intuition contemplative ; l’aptitude requise pour que cette intuition puisse se refléter complètement et distinctement dans la réflexion, est un privilège dont un bien petit nombre d’hommes jouissent. » T. i, p. 386 ; cf. t. ii, p. 70.

Consciente ou inconsciente, l’intuition est en tout cas tout à fait confuse : « Dans la première intuition, la connaissance est vagne, indéterminée, confuse ; elle est dispersée et éparpillée au point qu’il est impossible à l’esprit de s’en saisir, de se l’approprier véritablement et d’en avoir une connaissance distincte. Dans cette période de la connaissance, l’Idée absorbe l’esprit et le domine, et l’esprit n’a pas la force de résister à cet empire ; il ne peut appréhender ni s’identifier l’Idée. » T. i, p. 260. « Notre esprit, étant fini, s’égare dans l’immensité de l’objet idéal et se trouve impuissant à se l’approprier ; en sorte que, si l’intuition était seule, l’homme, absorbé par l’Idée, ne pourrait la connaître, parce que toute connaissance emporte l’intime pénétration de notre propre intuition et la conscience de nous-mêmes. » P. 382. « L’acte de cette connaissance (intuitive) est vicieux et défectueux de toutes parts, pareil aux premiers mouvements, aux premiers essais d’une force naissante et encore novice. » T. ii, p. 20.

Voici pourtant, selon Gioberti, qui possède sans doute le « sens ontologique », ce’que recèle cette vague et confuse intuition : « L’idée de l’Être (qu’elle nous donne) contient un jugement. Il est impossible à l’esprit d’avoir l’intuition primitive sans^connaître que l’Être est… De plus, la réalité de l’Être n’apparaît pas à l’esprit comme une chose contingente, relative, qui peut n’être point ; mais bien comme nécessaire, absolue et telle que le contraire est impossible à penser… En conséquence, le jugement en question peut se traduire par cette proposition : l’Être est nécessairement… Ce jugement, l’esprit ne le prononce pas par un acte libre et spontané. Ici l’esprit n’est pas juge, il est simple témoin ; il est simple auditeur d’une sentence qui ne vient pas de lui. En effet, si l’esprit était acteur et non simple spectateur, le premier jugement, base de toute certitude et de tout autre jugement serait subjectif et le scepticisme serait inévitable. L’auteur du jugement primitif qui se fait entendre à l’esprit dans l’acte immédiat de l’intuition, c’est l’Être même ; l’Être, en se posant lui-même en vue de notre âme, dit : je suis nécessairement. » Et voilà l’intuition transformée en révélation : « En effet, l’Être se révèle lui-même, il montre sa propre réalité à notre esprit… La répétition du jugement objectif et divin, faite par l’œuvre de la réflexion, est le premier anneau de la philosophie considérée comme art humain… D’où il suit que la philosophie a sa base dans la révélation (entendez cette révélation qui se fait dans l’intuition primitive) ; que, à parler rigoureusement, Dieu est le premier philosophe, et la philosophie humaine la continuation et la répétition de la philosophie divine. Dieu n’est donc pas seulement l’objet de la science, il en est encore le premier maître. » T. ii, p. 26-28.

La réflexion et la parole.

A plusieurs reprises

déjà, nous avons entendu Gioberti nous parler de la réllexion et même de la réflexion ontologique. C’est qu’en effet, si l’intuition ne nous donne qu’une connaissance vague, indéterminée, confuse, nous pouvons par le moyen de la réflexion, la rendre claire et distincte. Seulement, il ne faut pas confondre la réflexion ontologique, dont il s’agit ici, avec la réflexion psychologique, dont on se sert en psychologie. « Dans la

réflexion psychologique, l’esprit, se repliant sur lui-même, en tant que doué de certaines facultés, a pour objet immédiat ses propres opérations ; en d’autres termes, les modifications sensibles de l’esprit lui-même. Mais, dans la réllexion ontologique, l’esprit, en repensant, se reporte sur l’objet immédiat de l’intuition. » T. i, p. 378. La réflexion ontologique donne à cet objet « cette netteté, cette clarté et cette fidélité de contours qui, sans en altérer la nature intime, le forcent à descendre, pour ainsi dire, de sa hauteur inaccessible et à se proportionner à l’aperception humaine… Mais comment la réflexion ontologique est-elle le complément de l’intuition ? C’est en la circonscrivant et en la déterminant mentalement. Et de quelle manière la détermine-t-elle ? En la revêtant d’un sensible. La vision de l’intelligible sous la forme d’un sensible est donc l’œuvre de la réflexion. Mais comment un sensible peut-il exprimer un intelligible ? … La greffe du sensible sur l’intelligible étant chose arbitraire par elle-même et ne pouvant en outre venir de l’arbitre des individus, vient de l’arbitre de la société et originellement de l’arbitre même de l’Idée créatrice, qui a créé sa propre expression en se représentant à l’esprit sous une enveloppe ou forme sensible. Cette forme est la parole. D’où il suit que le langage est la révélation réflexe de l’Idée, en d’autres termes : une succession de sensibles par lesquels l’Idée se révèle elle-même à l’intuition réfléchie de l’esprit humain et complète l’intuition directe qu’elle lui donne d’elle-même. » P. 382-383 ; cf. p. 259-260. « La parole limite et circonscrit l’Idée en concentrant l’esprit sur elle-même, comme sur une forme limitée au moyen de laquelle il perçoit réflexivement l’infini idéal… Cependant "c’est en elle-même que l’Idée est repensée, c’est dans "sa propre infinité qu’elle est vue, quoique la vision s’en fasse d’une manière finie, par le signe qui revêt et circonscrit son objet. La parole est, en un mot, comme un cadre étroit dans lequel l’Idée illimitée se restreint, pour ainsi parler, et se proportionne à la force limitée de la connaissance réflexe. » P. 260 ; cf. t. ii, p. 426. Ainsi « la parole, qui exprime la réalité de l’Être, a été créée par l’Être lui-même ; elle est une seconde révélation, ou, pour parler plus exactement, elle est la révélation primordiale revêtue d’une forme par le révélateur lui-même. » T. ii, p. 29. 4° La formule idéale.

« J’appelle formule idéale

une proposition qui exprime l’Idée d’une manière claire, simple et précise, au moyen d’un jugement. Comme l’homme ne peut penser sans juger, il ne lui est pas donné non plus de penser l’Idée sans former un jugement, dont l’expression est la formule idéale. » T. ii, p. 1. D’un mot, on peut dire que la formule idéale doit renfermer tout ce que nous fait connaître, au moins obscurément, l’intuition primitive. Or « l’intuition, qui, dans un premier acte, perçoit l’Être, se saisit elle-même, dans un second, comme effet de l’Être, et elle appréhende dans l’âme, c’est-à-dire dans les perceptions sensibles et objectives qui l’accompagnent et la modifient, tout l’univers sensible. Ainsi l’esprit se trouve lui-même en Dieu comme dans sa cause créatrice ; il trouve le monde en lui-même, comme dans une force douée de perception et capable de connaître et le double ordre des existants lui est révélé par l’intuition de la création, non séparée de l’intuition de l’Être créateur. » P. 426. On a bien lu : « l’intuition de la création ! » Oui, « en percevant l’Être dans sa concrétion, l’esprit, muni de la force intuitive ne le contemple nullement dans son entité abstraite, ni comme Être pur, mais tel qu’il est réellement, c’est-à-dire causant, produisant les existences et extériorisant par ses œuvres d’une manière finie sa propre existence infinie. » P. 45. « Le véritable formule idéale, base suprême de toute connaissance, peut donc s’énon