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ONTOLOGISMK. K N IJELGIOUK


soit la formule originale do l’ontolegisme catholique,

dans saint Augustin, soit l’exposition imitative du psychologisme catholique, dans saint Thomas, i Ibid., p. 191.

m. EN HELGIQUE. — Ubaghs, Tits, Laforêt, Lefebve, Labis, N. Meoller, Clæssens et lioucquillon : tels sont les noms des ontologistes belges d’après J. Henry, Le traditionalisme et l’ontologisme à l’université de Louvain (1835-1865), dans les Annales de l’Institut supérieur de philosophie de Louvain, 1924, t. v, p. 97. Entre tous ces auteurs, on ne signale qu’une seule nuance : Laforct et Clæssens d’une part, Ubaghs de l’autre conçoivent différemment le rôle de l’enseignement et de la parole par rapport à l’intuition ; cf. p. 100-108. L’ontologisme de Louvain n’ollre rien de bien particulier que nous n’ayons déjà rencontré, et cela ne doit pas nous étonner puisqu’on nous apprend qu’il fut puisé dans les œuvres de saint Augustin, de saint Anselme et de saint Bonaventure ; dans les écrits de Thomassin, Malebriinche, Bossuet, Fénelon, dom Lami, Gerdil, André, mais principalement dans Malebranchc, Bossuet et Fénelon. P. 98. Il consiste essentiellement à affirmer que les idées, contrairement à ce que soutiennent les psychologistes, ne sont pas seulement de simples représentations des choses, mais sont des choses réelles ; l’idée de Dieu c’est Dieu lui-même. P. 100. Nous voyons donc Dieu, non toutefois dans son essence, mais dans certains de ses attributs. P. 102. De cette idée objective, il faut pourtant distinguer la notion de Dieu, image intellectuelle que nous nous en formons postérieurement à l’intuition par la puissance de la réflexion, image que notre esprit « imprime dans sa mémoire pour l’y retrouver et s’en servir, quand cela lui conviendra, comme d’une copie faite sur un original plus difficile à déchiffrer pour lui que cette copie qui est son propre ouvrage. » P. 103.

En adoptant l’ontologisme, les professeurs de Louvain n’ont pas pour cela sacrifié leur traditionalisme : l’enseignement, la parole, ont encore un rôle à jouer dans l’acquisition par l’homme de la connaissance de Dieu. Mais, tandis que Laforêt et Clæssens reprennent à ce sujet la théorie de Gioberti, p. 106, Ubaghs conçoit ainsi les rapports de l’enseignement et de l’intuition : « Dès que l’intelligence est, Dieu lui est présent, et entre Dieu et elle il y a affinité profonde : elle est faite pour voir Dieu, est prédisposée à cette vue, y aspire naturellement. Toutefois, elle ne peut devenir attentive au divin immanent que si l’enseignement l’avertit de sa présence, la mettant à même d’y réfléchir. D’un côté donc (Gioberti) l’enseignement donne le mot qui deviendra instrument de clarification’; de l’autre (Ubaghs), il donne à l’intelligence d’être active actuellement. » P. 107.

Il est intéressant de rechercher comment s’est opérée, chez Ubaghs et ses collègues, la conversion de l’intermédiarisme ou psychologisme à l’ontologisme, qu’en 1841 on déclarait contraire à l’autorité de l’Écriture et de saint Thomas, aussi bien qu’à la sainte raison. P. 95. Or, en 1850, la conversion est chose faite. « Ce qui donna le branle à ce mouvement (ontologiste) fut, sans conteste, l’apparition de l’Introduzione allô studio délia filosofia de Gioberti. Publiée à Bruxelles, il n’est pas étonnant qu’elle ait eu un grand retentissement en Belgique. Les adhésions sans réserve qu’elle rencontra ne s’expliquent cependant pas, semble-t-il, à moins de supposer que, d’une façon ou d’une autre, les esprits y aient été préparés. » P. 97. Or nos philosophes belges y étaient préparés par leur innatisme : « innéisme et ontologisme sont deux étapes dans une même direction, l’ontologisme consommant le divorce de l’idéologie d’avec le sensualisme ; » et plus encore par les caractères de nécessité, d’uni versalité, d’immutabilité qu’ils relev ; ient en certaines de nos idées : « or, on sait que c’est précisément à une interprétation erronée de ce fait idéologique que l’ontologisme doit son origine. » Ibid. - Mais le passage du psychologisme à l’ontologisme fut « déterminé principalement par des préoccupations d’ordre épistémologiquc, » p. 98, c’est-à-dire par la préoccupation de trouver une base solide à l’objectivité de nos idées. Reid avait démontré que l’intermédiarisme ouvre la voie au subjectivisme radical : ce fut un trait de lumière pour les professeurs de Louvain ; Ubaghs reprit la critique de Reid, qui ne portait que sur la perception, en l’étendant à toute connaissance : « il dira toutefois n’attacher pas grande importance à la question de la perception ; ce qui importe au premier chef, c’est l’immédiateté dans la perception des vérités d’ordre métaphysique et moral ; ce sera là aussi l’ontologisme. » P. 95. Jusqu’ici pour assurer l’objectivité de nos connaissances, il en appelait à la « foi naturelle », p. 76, au « sens commun objectif », p. 83, à Dieu enfin comme auteur de la raison, p. 85 ; malgré tout, « un certain malaise persistait dans son esprit : il se sentait emmuré dans la conscience : l’ontologisme le libère de ce cauchemar en le mettant en contact direct et immédiat avec la réalité. » P. 96. — On a noté, enfin, que, d’abord hésitant, Ubaghs fut entraîné à l’ontologisme par son disciple Tits, p. 98, qui avait subi l’influence d’Ancillon, théologien protestant en dépendance étroite de Jacobi. P. 88.

Quand parut le décret du Saint-Office, Ubaghs prétendit que les sept propositions n’avaient aucun rapport avec l’ontologisme ; cf. Revue catholique de Louvain, janvier 1862, cité par les Annales de phil. chrél., mars 1862, p. 167-169. Il le soutenait encore un an plus tard, en janvier 1863, en rendant compte de la Défense de l’ontologisme de Fabre ; cf. Revue du monde cath., 1863, t. vii, p. 262-272 ; Annales, décembre 1863, p. 440-446. II fallut que la lettre du cardinal Patrizzi à l’archevêque de Malines, en date du 2 mars 1866, vînt lui apprendre que ses ouvrages contenaient « des doctrines tout à fait semblables à quelques-unes des sept propositions, que la Congrégation du Saint-Office a jugé ne pouvoir s’enseigner sans danger. » Cf. Annales de phil. chrét., novembre 1866, p. 378.

IV. en suisse.

Dans son livre : Natùrliche Golleserkenntnis, Stellungnahme der Kirche in den letzten hundert Jahren, Fribourg-en-B., 1926, le P. H. Lennerz, S. J., commence l’exposé de l’ontologisme par la théorie du P. Roihenflue, S. J., p. 76-80. C’est, selon lui, une forme passablement modérée de ce système alors très répandu, p. 80. Voyons ce qu’il en est. D’après Rothenflue, Institutiones philosophise theorelicæ, t. ii, 2e édit., Lyon et Paris, 1846, de toutes nos idées une seule, celle de l’être simpliciter, il ne dit pas est innée, mais est perçue immédiatement par la raison, sallem réflexe occasione sensationis. P. 198. Et cette idée n’est pas celle de l’être en général, mais celle de l’être absolu, cui esse simpliciter, sine ulla modificabililate adeoque sine ulla restriclione aclu compelat, p. 181, note ; en un mot, c’est l’idée de Dieu. P. 203. Cette idée cependant n’est d’abord perçue que d’une manière confuse, mais à mesure qu’elle nous sert de règle et de norme pour juger les objets perçus par les sens, eo magis et ipsa evolvitur et distinclius cognoscitur. P. 199. Saint Thomas aurait 2dmis cette perception immédiate de l’idée de Dieu à l’occasion de la perception sensible : du moins c’est ainsi que Rothenflue entend la quatrième preuve thomiste de l’existence de Dieu, ex gradibus qui in rébus inveniuntur. P. 206.

Mais nous n’en sommes encore qu’à l’idée ; qui nous dit qu’à cette idée corresponde une réalité ? Rothen-