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    1. ONTOLOGISME##


ONTOLOGISME. EN ITALIE

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En 1859, Passaglia quittait la Compagnie de Jésus et l’on attribuait cette sortie à la nature de certaines opinions philosophiques soutenues par lui. Toutefois, le pape, ne voulant pas permettre que l’enseignement publie fût privé des talents d’un homme d’un mérite généralement reconnu, lui confia le cours de philosophie à la Sapience. Cf. Annales de phil. chrét., avril 1859, p. 261. Ce qu’il y enseigna, nous le savons par plusieurs articles parus cette même année dans VAraldo callolico de Lucques, sous le titre de Intorno alla filosofia superiore del P. Carlo Passaglia, lellere di A. Ferranli a G.B. Monli. Cf. Annales, mai 1860, p. 369. En voici un échantillon : « L’esprit humain, dès le premier exercice de ses forces comme être pensant, selon la haute doctrine de Justin et de Clément, saisit [au passé] le logos divin, et l’ayant saisi il le développa à l’aide de la parole et de la réflexion. Ce fut là la première institution de la philosophie. » Ibid., p. 375. Le 25 octobre 1863, le P. Ramière osait parler « de l’abbé Passaglia et de ses tristes sectateurs qui ne se sont scandaleusement insurgés contre le décret du Saint-Office que parce qu’ils y ont vu ce que nous y voyons ». Revue du monde cath., t. vii, p. 461. Il serait intéressant de savoir en quoi consista cette scandaleuse insurrection ! — Sur le rôle du P. Passaglia dans l’affaire de Vais, cf. Burnichon, op. cit., t. iii, p. 157-159.

Les ontologistes firent état d’un discours prononcé à l’Académie tibérine de Rome en août 1863, par le P. de Rignano, consulteur des Congrégations du Saint-Office et de l’Index, sur II principio protologico dell’umana intelligenza o il vero concetlo dell’Itinerarium mentis ad Deum di san Bonaventura. Cf. Fabre, Réponse, p. 54-55 ; J. Sans-Fiel, Discussion, p. 24-25. On y lisait ceci : « Si l’on suppose que Dieu en créant l’âme a joint à sa substance, pour la rendre intelligente, la lumière et la forme de la vérité, à la splendeur de laquelle elle, voit la vérité première, qui lui sert de modèle pour connaître tout ce qui est vrai, ce principe suffira lui seul pour écarter toutes les difficultés. Nous aurons deux termes distincts, le sujet qui voit et l’objet qui est vu ; nous aurons le pouvoir et le moyen de voir ; nous aurons l’unigue vérité éternelle qui se fait voir elle-même en resplendissant à notre esprit. » Fabre s’écriait : « Le P. Ramière serait bien difficile, s’il ne reconnaissait pas ici la doctrine des ontologistes français et des graves professeurs de l’université de Louvain. » Le P. Ramière, en effet, s’efforça de montrer que ni le P. de Rignano, ni saint Bonaventure n’accordaient à l’intelligence humaine la vision immédiate de l’être même de Dieu ; cf. Revue du monde catholique, 1864, t. x, p. 186-190. Dix ans plus tard, en août 1873, Zigliara demandait au P. de Rignano, devenu évêque de Potenza et Marsica, s’il était vraiment pour l’ontologisme ; le prélat répondit par cette déclaration, dont il autorisait la publication : « Je tiens qu’au principe notre âme ne fait pas, mais présuppose l’intelligible, et qu’elle le cherche avec cette lumière de raison dont parle le Psalmiste : Signatum est… Voilà en quoi consiste tout mon ontologisme. » Cf. Zigliara, op. cit., t. ii, p. 442, note. « Le célèbre abbé » François Séni, ainsi le nomme toujours Zigliara, paraît d’accord avec le P. G. Milone, « pour lequel il professe une espèce de culte, » Zigliara, t. iii, p. 447. Il a publié divers articles dans le Campo dei filosofi italiani, dont les rédacteurs seraient en général favorables à l’ontologisme, bien qu’ils ne s’accordent pas entre eux sur quelques particularités. Ibid., t. ii, p. 215. Dans une brochure publiée en 1867 sous les yeux des Congrégations romaines, Sulla storia délia filosofia anlica di N. J. Laforêt, avverlenze del prof es. P. Seni, sac. rom., il faisait ouvertement profession d’ontologisme : « Si

nous affirmons que nous voyons Dieu, ou, en d’autres termes, que nous le percevons intellectuellement, nous le faisons parce que nous sommes forcés par la logique et par l’autorité des SS. Pères et des Docteurs, aussi bien que par la révélation, de confesser que Dieu est la Vérité. Or, nous percevons la Vérité… » Cité par J. Sans-Fiel, De l’orthodoxie de l’ontologisme modéré et traditionnel, p. 68-69. — C’est justement dans le Campo dei filosofi italiani que Michel Tuddone, pseudonyme d’un savant ontologiste bien connu en Italie, a publié un « traité » Sopra quattro arlicoli dellaCiviltà catlolica ; cf. Zigliara, t. ii, p. 74.

Comme le discours du P. de Rignano, la dissertation lue à l’Académie de religion catholique de Rome le 27 août 1863, sur les Doltrine filoso fiche di sauf Agoslino, par le P. Verccllone, procureur générai des barnabites, consulteur de l’Index, « en présence d’un auditoire composé de cardinaux, d’évêques et de docteurs », imprimée deux fois à Rome par la typographie de la Propagande et publiée ensuite à Naples par les soins du P. Milone : Di sanlo Agoslinoe san Tommaso ricongiunti alla odierna filosofia dei mæslri cattolici, 1864, cette dissertation, dis-je, fut exploitée par les ontologistes en faveur de leur doctrine. Ils y lisaient ceci : « Il faut se fermer les yeux avec les deux mains pour ne pas reconnaître la prédilection de saint Augustin pour la doctrine de Platon… Comme Dieu, par le principe de création, est l’unique lumière de tous les esprits, refuser cette divine lumière créatrice aux intelligences, c’est nier tout entendement raisonnable, de même que rejeter les substances, c’est détruire le principe de création. » J. Sans-Fiel, Discussion, p. 14-15 note, p. 234, note ; Fabre, Réponse, p. 52-54. « Plus tard, en 1867, le savant religieux publia à Rome même un cours inédit de philosophie élémentaire de Sigism. Gerdil, où l’illustre cardinal expose et professe l’ontologisme. » J. Sans-Fiel, De l’orthodoxie…, p. 69, note. Ce sont les Instituliones philosophicæ H. S. Gerdilii… nunc primum editæ studio C. Vercellone, sod. Barnabilæ. — Dans un article du 10 septembre 1864, paru dans la Revue du monde catholique, t. x, p. 181-195, sous le titre L’ontologisme romain, le P. Ramière s’efforça d’enlever aux ontologistes l’appui qu’ils croyaient pouvoir trouver dans le discours du P. de Rignano et la dissertation du P. Vercellone. Celui-ci, en particulier, n’aurait eu en vue que de réconcilier saint-Augustin et saint Thomas, les platoniciens et les aristotéliciens chrétiens : « Il s’agit d’obtenir que nos philosophes divisés par la faute de nos prédécesseurs du dernier siècle, en ontologistes et en psychologistes, en viennent enfin à étudier l’histoire trop longtemps oubliée de notre philosophie… Aussitôt que des travaux sérieux auront fait paraître dans tout leur jour les enseignements des Pères par rapport au système platonicien et ceux des scolastiques sur la doctrine d’Aristote, tout le monde comprendra… que la pensée catholique, en complétant la doctrine de l’Académie et la doctrine péripatéticienne, a anéanti leur opposition ; que le Platon des saints Pères est loin de repousser le psychologisme de saint Thomas, et que l’Aristote des grands scolastiques n’est nullement en opposition avec l’ontologisme de saint Augustin. » Cité par Ramière, p. 184. Il y aurait bien cependant, en fin de compte, une opposition irréductible entre psychologisme et ontologisme, puisque le P. Vercellone, après avoir demandé « que les ontologistes fassent un peu plus large la part du créé et que les psychologistes sauvegardent avec un peu plus de souci l’intelligible des choses, » ajoute qu’ « alors chacun sera libre de choisir entre les deux méthodes opposées, et pourra professer indifféremment, au sujet de la lumière divine par laquelle l’âme est éclairée.