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ONTOLOGISME. EN FRANCE


cf. Annales, décembre 1850, p. 406-426, était un admirateur de Gioberti, cf. Annales, juillet 18(>0, p. 75.

6° L’abbé Cognât, dans son Clément d’Alexandrie, sa doctrine et sa polémique, croit découvrir en son auteur et paraît admettre à sa suite qu’il y a dans l’àme humaine trois facultés de connaissance : le Nous ou la raison pure, le Logos ou la raison déductive, la Pistis ou la foi, qui tient du cœur autant que de l’intelligence. « La manière dont la Raison pure atteint son objet, n’est pas une opération discursive… Son mode de perception est l’e/np/me (ëfxcp-xaiç), c’est-à-dire la contemplation, l’intuition ; c’est la vue de l’œil qui perçoit une chose dans un miroir ou dans les eaux. Quant à l’objet perçu par le Nous, c’est l’Etre absolu, l’Être par excellence, Dieu dont nous avons en nous l’image et qui se reflète pour ainsi dire dans notre intelligence. » Annales, mars 1861, p. 231. — Cognât avoue qu’il a emprunté cette théorie au P. Speelman, jésuite, qui l’avait exposée dans la Revue catholique de Louvain, en 1855. Ibid., p. 230.

7° Faut-il compter Cousin au nombre des ontologistes ? Bonnetty lui reconnaît à tout le moins le rôle de précurseur dans l’apparition de l’ontologisme en France : « c’est surtout en France que l’ontologisme a été enseigné, et où il semble être né sous la double influence de M. Cousin, et de quelques professeurs des facultés et des séminaires ecclésiastiques. » Annales, avril 1868, p. 269-270. La Civillà callolica, cf. supra, col. 1002, lui assignait aussi une place dans la tradition ontologiste, et Hugonin s’inquiétait de l’accusation de rationalisme qu’on pourrait porter contre lui, « sous prétexte que notre doctrine ressemble fort à celle des rationalistes éclectiques sur la même matière. » Ontologie, t. i, p. 419. Enfin, Cousin lui, même ne s’est-il pas inséré dans la grande lignée platonicienne, à la suite de saint Augustin, de Malebranche, de Fénelon, Bossuet et Leibniz, dont il prétend n’être que le continuateur ? cf. Du vrai, du beau et du bien, 4e leçon. < On sait très bien que l’école éclectique, ainsi que l’a très justement remarqué M. Bouillier, se rattache à l’école de saint Augustin par sa théorie de la Raison impersonnelle. » Fabre, Réponse…, p. 10.

Il y a, en effet, bien des ressemblances entre le cousinisme et l’ontologisme. L’un et l’autre admettent une certaine intuition de Dieu, puisqu’ils admettent une intuition des vérités universelles et nécessaires de l’ordre intellectuel et de l’ordre moral, ou plus simplement de la vérité absolue, et que ces vérités ne peuvent subsister qu’en Dieu, sont Dieu lui-même. « Dans la Raison humaine nous avons trouvé trois idées, qu’elle ne constitue pas, mais qui la dominent et la gouvernent dans toutes ses applications. De ces idées à Dieu le passage n’était pas difficile, car ces idées sont Dieu même. Pour aller de la Raison à Dieu, il n’est pas besoin d’un long circuit et d’intermédiaires étrangers ; l’unique intermédiaire est la Vérité ; la vérité qui, ne venant pas de l’homme, se rapporte d’elle-même à une source plus élevée. » Cours de l’Hist. de la philos., Introduction, cité dans Annales, juin 1855, p. 463. — De la vérité absolue nous avons une intuition permanente depuis le premier jour de notre existence : « La vérité absolue est une révélation de Dieu à l’homme par Dieu lui-même, et comme la vérité absolue est perpétuellement aperçue par l’homme et éclaire tout homme à son entrée dans la vie, il suit que la vérité absolue est une révélation perpétuelle et universelle de Dieu à l’homme. » Fragm. phil., cité par Hugonin, Ontologie, t. i, p. 419. — Et il faut entendre en un sens très particulier ce terme de « révélation de Dieu » employé ici : Cousin ne veut pas dire que la vérité est révélée par Dieu à l’homme, mais que la vérité est comme une théophanie, une apparition de Dieu dans l’homme ; Dieu se révèle à l’homme sous

les espèces de la vérité. « Dans l’impuissance de contempler Dieu face à face, la raison l’adore dans la vérité, qui le lui représente, qui sert de Verbe à Dieu et de précepteur à l’homme. Ce n’est pas l’homme qui se crée à lui-même un médiateur entre lui et Dieu. C’est donc Dieu lui-même qui l’interpose entre l’homme et lui, la vérité absolue ne pouvant venir que de l’être absolu de Dieu. » Ibid., p. 420. I.a Vérité devient ainsi, pour Cousin, une sorte d’hypost ase divine comme la Sagesse ou la Parole des vieux livres juifs, sorte d’émanation de Dieu qui le manifeste en quelqu’un de ses attributs, mais non en son fond inaccessible ; de là cet éloge de la Raison impersonnelle : « Il faut que la Substance intelligente se manifeste ; et cette manifestation est l’apparition de la Raison dans la conscience. La Raison est donc a la lettre une révélation, une révélation nécessaire et universelle, qui n’a manqué à aucun homme et a éclairé tout homme à sa venue en ce monde. La Raison est le médiateur nécessaire entre Dieu et l’homme, ce Logos de Pythagore et de Platon, ce Verbe /ait chair qui sert d’interprète à Dieu et de précepteur à l’homme, homme à la fois et Dieu tout ensemble. Ce n’est pas s ins doute le Dieu absolu dans sa m ijestueuse indivisibilité mais sa manifestation en esprit et en vérité ; ce n’est pas l’Etre des êtres, mais c’est le Dieu du genre humain. » Fragm. phil. cité par Annales, juin 1855, p. 450.

Le cousinisme, on le voit, s’il présente avec l’ontologisme d’indéniables analogies, s’en distingue cependant assez pour que Ubaghs ait pu écrire : « Ni M. C)Usin, ni la Raison impersonnelle de M. Cousin, ni aucun 3 Raison impersonnelle, n’ont rien de commun avec l’ontologisme. D’abord M. Cousin n’est rien moins qu’ontologiste. Sa méthode est le psychologisme ou plutôt le subjectivisme ; or subjectivisme et ontologisme sont dans le rapport de oui et non. En second lieu, la Raison impersonnelle de M. Cousin n’est autre chose qu’une rêverie panthéistique, ayant pour objet d’écarter la révélation surnaturelle et de substituer à toute révélation une certaine communication intérieure de Dieu avec l’esprit humain. Mais cette R ùs an impersonnelle est aussi éloignée de l’ontologisme qu’une identification implicite du logos divin avec l’esprit de l’homme diffère de la simple présence de la lumière divine dans notre intelligence. En troisième lieu, l’ontologisme n’admet point de Raison impers m nelle ; il reconnaît deux Raisons réellement distinctes et tout à fait irréductibles, la Raison divine et la Raison humaine, elles sont toutes les deux personnelles l’une à Dieu, l’autre à l’homme. Une Raison tout à fait impersonnelle serait une raison qui ne s’identifierait avec aucun être personnel. Dans ce sens, le nom de Raison impersonnelle pourrait être donné avec quelque vérité à cette ressemblance de la lumière éternelle, à cette vérité créée, que plusieurs partisans des idées intermédiaires, avec saint Thomas, interposent entre notre esprit et la vérité divine, comme une entité réellement distincte de l’une et de l’autre. Toutefois, si l’existence d’une pareille Raison impersonnelle ne se prouve pas solidement, du moins elle n’a rien de commun avec celle de M. Cousin. » Revue de Louvain, t. ix, p. 240, reproduit par Annales, mai 1854, p. 391-392, et par Hugonin, Ontologie, 1. 1, p. 361362.

8° Au nom de V. Cousin joignons tout de suite celui de Jules Simon, pour en finir avec l’école éclectique. On trouvera les passages d’inspiration ontologiste que renferme Le devoir, dans les Annales de phil. chrél. de janvier 1855, p. 77-78. « Les idées de la Raison ne sont autre chose que Dieu même. Leur commune réalité est d’appartenir également à la substance divine. Elles sont les formes diverses sous lesquelles Dieu