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ONTOLOGISME. LES PRECURSEURS

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Nous voici donc au xixe siècle : on va juger de l’extension de l’ontologisme dans les écoles catholiques vers 1860 parles témoignages suivants. Duilhé de Saint-Projet, parlant de la Philosophie catholique en 1860, écrit : « L’Ontologisme occupe une grande place dans les écoles catholiques. Il s’est produit, dans ces dernières années, sous le patronage de quelques prêtres éminents de Saint-Sulpicc ; il a été exposé et défendu par un écrivain distingué, M. l’abbé Hugonin. Cette école, pleine de vie et de grandeur, reconnaît pour son chef Mgr Baudry, évêque de Périgueux. Nous devons ajouter que l’Ontologisme est la doctrine philosophique de l’université de Louvain. Et, comme on l’a dit avec raison, il n’est pas étranger à la manifestation d’une phase nouvelle dans le Traditionalisme, dont nous parlons plus bas. » Cité par les Annales de phil. chrét., mai 1862, p. 391. — En décembre 1863, p. 460, les Annales transcrivaient « la liste des ontologistes donnée par M. l’abbé Fabre » : « Mgr Baudry, évêque de Périgueux (mort), Mgr Maret, évêque de Sura, doyen de la faculté de théologie à la Sorbonne, le R. P. Gratry, M. l’abbé’Branchereau, de la société de S ùnt-Sulpice, M. l’abbé Hugonin, supérieur de l’École des Carmes et professeur de philosophie à la Sorbonne, et les professeurs de l’Université catholique de Louvain. Dans la Compagnie de Jésus, elle-même, s’il y a quelques Dutertres, on y trouverait plus d’un André, et nous n’engagerions pas le T. R. P. Général à prescrire la signature d’un formulaire péripatéticien. Les membres les plus distingués de son ordre, au moins en France, partagent les opinions ontologistes. Nous avons vu que M. l’abbé LTbaghs nomme le P. Milone et le P. Vercellone, à Naples, à Rome. » — Enfin, en octobre 1867, p. 316, les Annales se faisaient gloire d’avoir combattu l’ontologisme « dans M. l’abbé Maret, dans Dom Gardereau, dans M. l’abbé Lequeux, dans M. l’abbé Gioberti, dans M. l’abbé Ubaghs, dans M. l’abbé Blampignon, dans M. l’abbé Fabre, dans M. l’abbé Hugonin. »

Reprenons tous ces noms dans l’ordre chronologique, en en ajoutant quelques autres qui n’ont pas trouvé place en ces listes évidemment fragmentaires, et donnons quelque aperçu des doctrines ou authentiquement ou prétendument ontologistes professées par ces auteurs.

I. dans L’antiquité. — 1° Les Pères grecs. — « L’ontologisme a été la doctrine universellement professée par les Pères grecs, surtout pendant les trois premiers siècles. Le savant Rosmini l’avoue ; et nous en donnerons quelques témoignages dans le chapitre suivant. » Ainsi parle Hugonin, Ontologie, 1. 1, p. 381, note 1, Paris, 1855. Le « chapitre suivant », en fait de Pères grecs ayant professé l’ontologisme, nomme saint Justin, Clément d’Alexandrie, Origène, saint Grégoire de Nazianze et saint Cyrille de Jérusalem, mais il ne reproduit de « témoignages » que des deux premiers : il s’agit là de l’illumination de l’intelligence humaine par le Verbe.

Saint Augustin.

On a eu déjà l’occasion de

toucher ici la question de l’ontologisme de saint Augustin, cf. t. i, col. 2535 ; unis, parce que siint Augustin fut, avec saint Bonaventure, la principale autorité des ontologistes, il ne sera pas inutile de mettre sous les yeux du lecteur les pièces du procès, afin qu’il puisse juger par lui-même de l’exactitude ou de l’inexactitude de l’interprétation ontologiste. Le dossier complet s’en trouve dans la Discussion amicale sur l’ontologisme, p ir Je in S ins-Fiel, Paris et Nancy, 1865, p. 229 à 298. Nous citerons les textes dans l’ordre chronologique des tr.iités, tel qu’il est dressé à l’article Augustin, col. 2311-2314 ; on pourra voir ainsi si la pensée du saint Docteur a varié à cet égard.

— Un dossier analogue a été constitué par Gerdil

dans sa Défense du sentiment du P. Malebranche, sous le titre de : Dissertation préliminaire contre ceux qui ne condamnent que par préjugés le sentiment du P. Malebranche sur la nature et l’origine des idées. On le trouvera presque intégralement reproduit par Trullet dans son Examen des doctrines de Rosmini, trad. Silvestre de Sacy, Paris, 1893, p. 210-232. « Dieu est la lumière intelligible, et c’est en lui et par lui (in quo, a quo et per quem) que brille intelligiblement tout ce qui est intelligible. » Solil., t. I, c. i ; Discussion, p. 240. — Saint Thomas a relevé encore dans les Soliloques cette autre parole qui paraît susceptible d’une interprétation ontologiste : prius est Veritas cognoscenda per quam possunt alia cognosci. Solil., t. I, c. xv, Summa contra Gent., t. III, c. xlvii. « Découvrir, ce n’est ni faire, ni engendrer ; autrement l’esprit, dans une découverte temporelle, engendrerait l’éternel, car souvent il découvre des choses éternelles. Qu’y a-t-il, en effet, de plus éternel que l’essence du cercle ? » De immortal. animx, c. iv, cité par Hugonin, Ontologie, t. i, p. 182. — « Lorsque l’esprit perçoit (intuetur) des objets qui sont immuables, il est uni à ces objets (satis ostendit se Mis esse conjunctum) d’une manière admirable et incorporelle. » Ibid., c. x ; Discussion, p. 256. « La raison ne peut rien apercevoir d’éternel et d’immuable sans y reconnaître son Dieu. » De lib. arbit., t. II, c. vi ; Disc, p. 295. — « Les vérités numériques sont au-dessus de notre esprit ; elles demeurent immuablement dans la Vérité même (incommutabiles in ipsa manere Veritale) ; c’est là que les savants les contemplent (in ipsa Veritale contuentur). » Ibid., c. xi ; Disc, p. 294. — « Vous ne pouvez nier qu’il existe une Vérité immuable qui contient toutes les vérités immuables et qui brille comme une lumière secrète et publique à l’intelligence de ceux qui voient ces vérités (tanquam seerctum et publicum lumen prseslo esse et se præbere communiler). » Ibid., c. xii ; Disc, p. 242. — « L’esprit comprend, dans la mesure où il peut s’approcher de et s’unir à l’immuable Vérité (quantum propius admweri alque inhærere potueril incommulabili Veritati). » Ibid. ; Disc, p. 256. « Toutes les fois que nous comprenons quelque chose, ce n’est pas celui qui parle extérieurement que nous consultons, c’est la Vérité qui préside intérieurement à notre intelligence (sed intus ipsi menti preesidenlem consulimus Veritatem)… Quand il s’agit des réalités physiques, nous nous servons de nos sens pour les connaître ; m lis quand il s’agit des choses intellectuelles, nous consultons la Vérité intérieure par la raison… Quand il s’agit des objets connus par l’esprit, c’est-à-41rc par l’intellect et par la raison, nous exprimons par la parole ce que nous voyons présent à notre intelligence dans cette lumière secrète de la Vérité qui éclaire’l’homme intérieur (quæ præsenlia conluemur in Ma inleriore luce Veritalis)… Dans toutes les sciences que les hommes enseignent, au moment où le maître parle, le disciple vérifie au-dedans de lui-même en regardant, autant qu’il le peut, la Vérité intérieure (interiorem scilicet illam Veritatem pro uiribus intuentes). » De Magist., c. xi, xii, xiv ; Disc, p. 245-216. « Puisque la loi de tous les arts est absolument immuable, et que l’esprit hum un, qui a le privilège de voir cette loi, est sujet au changement de l’erreur, il est manifeste qu’il y a au-dessus de notre intelligence une loi qu’on appelle la vérité. Or vous ne pouvez nier que la nature immuable qui est au-dessus de l’âme raisonnable soit Dieu lui-même. » De vera relig., c. xxxxxxi ; Disc, p. 243-214. - Du chapitre xxxi de ce même traité, saint Thomas a relevé cette autre proposition de saveur ontologiste : secundum veritatem divinam de omnibus judicamus. Sum. cont. Gent., toc. cit. Hugonin, op. cit.. p. 142-144, se réfère aux