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pontife. C’est ainsi qu’il est amené logiquement à traiter de la renonciation de Célestin V et de l’obéissance que les fidèles doivent à son successeur Boniface VIII : c’est le sujet de la Question xiii, composée peu avant la lettre à Conrad d’Ofïida.

Passant du fait personnel de Célestin V à la question de principe, Olivi pose la question : Le pape régnant peut-il renoncer à la papauté, de telle façon que, lui vivant, un nouveau pape lui soit substitué’? Suivant la méthode scolastique, il commence par exposer douze arguments contraires à la licéité de la renonciation, empruntés soit aux Décrets du Pseudo-Isidore, soit aux objections soulevées par les adversaires de Boniface VIII. Ensuite il prouve sa llit’se, d’après laquelle le pape peut renoncer pour mie cause légitime, eu égard à l’utilité générale de l’Église. Son argumentation repose avant tout sur. la plénitude du pouvoir du souverain pontife, en vertu de laquelle il peut promulguerdes lois nouvelles et résoudre les doutes qui pourraient surgir : les fidèles doivent accepter en toute soumission les déclarations pontificales. Quant à la renonciation en cause, clairement définie par le pape démissionnaire lui-même, mise à exécution avec le conseil et l’assentiment des cardinaux et accueillie en esprit d’obéissance par l’Église universelle, elle ne s’oppose ni au droit divin ni au droit ecclésiastique. A ce propos, Olieu exar mine d’abord quel est le pouvoir dogmatique du pape et plus spécialement sa faculté d’établir des normes en vue de sa succession ; ensuite, quelle est à ce sujet la compétence de l’Église et particulièrement du collège des cardinaux auquel revient l’élection du pape ; comment la juridiction tant épiscopale que papale est et doit être mobile et par conséquent, d’après les cas possibles, indépendante des personnes et des lieux ; enfin il montre que la juridiction n’est pas jointe nécessairement à l’ordre sacerdotal ou épiscopal.bien que de l’union de l’ordre avec la juridiction naisse la plénitude respective du pouvoir papal, épiscopal et sacerdotal. C’est surtout à la démonstration de la plénitude du pouvoir papal que s’arrête l’auteur, à l’appui de laquelle il allègue une foule de citations canoniques. Là ou il détermine la part du collège des cardinaux dans la renonciation, il témoigne encore du vif souci de sauvegarder la plénitude du pouvoir pontifical : c’est une part purement passive, en ce sens que le collège des cardinaux peut accepter la renonciation quand celle-ci est évidemment aussi utile et nécessaire que la création d’un nouveau pape à la mort du pontife régnant. Les cardinaux ne pourraient assumer un rôle actif en vue de la renonciation du pape que dans le cas hypothétique, prévu par le Décret de Gratien, où un pape ferait profession publique et obstinée d’hérésie. Cette Question xiii, qui est un véritable traité De renunliaiione papse, éditée pour la première fois en entier par L. Oliger O. F. M. (Archivum franc, hisl., t. xi, 1918, p. 340-366) place Olieu parmi les meilleurs défenseurs de la papauté, à une époque où le pape régnant, Boniface VIII, était combattu âprement par les uns, tandis que l’étendue de la juridiction pontificale était définie d’une façon indécise par les autres. Même Gilles de Rome, tout en admettant dans son De renunliaiione papæ que la part principale dans l’acte de renonciation revient à la volonté du pape, fonde son argumentation sur le principe : Quo quid faclum est, eodem destruitur ; celui que le consentement des cardinaux a mis à la têtede l’Église, peut être amené par un consentement contraire à céder la place à un successeur. Jean de Paris. O. P., ouvrant la voie aux prétentions erronées qui s’affirmeront aux conciles de Pise et de Constance, soutient dans son De potestate regia et papali (1302) que le pape

peut non seulement renoncer mais peut aussi être déposé malgré lui pas ses électeurs. La claire et droite démonstration que fil Olieu de l’inerrabilitas et potes tas papæ in constituendis et definiendis et specialiter super substitutione sui successoris, est d’autant plus méritoire qu’elle l’obligea à prendre position contre bon nombre de spirituels d’Italie qui traitaient Boniface VIII d’antipape. C’est pour réfuter leurs erreurs, tant au sujet de l’élection pontificale qu’en matière de pauvreté, qu’il écrivit le 14 septembre 1295 une lettre remarquable au bienheureux Conrad d’Ofïida. Il y résume excellemment, et d’un ton familier bien fait pour être compris par des exaltés qui raisonnaient fort peu, son argumentation scolastique de la question De renuntiatione papas : « Lis comparent au mariage l’union du pape avec l’Église ; elle est par conséquent indissoluble. Mais que ces téméraires voient donc combien grossière est leur erreur ! Dans leur hypothèse, aucun pape, même s’il était hérétique notoire et destructeur de l’Église, ne pourrait être déposé. De même le souverain pontife ne pourrait jamais destituer un évêque ou le transférer à un autre siège, ni un évêque ne pourrait renoncer à sa juridiction, puisqu’il est uni à son diocèse par un mariage spirituel. » Mais il ne semble pas que cette lettre, dont on admire autant la sûreté doctrinale que la logique serrée et la vigueur de l’expression, ait produit beaucoup d’effet sur des fanatiques hantés par la vision de l’Antéchrist, Archiv. franc, hist., t. xi, 1918, p. 366. Signalons enfin, parmi les écrits franciscains d’Olieu, sa Qusestio de indulgenlia Portiunculse, dont seul un fragment nous est parvenu. Dans cet écrit, qui date au plus tôtde 1279, l’auteur répond à la question : Convient-il de croire que l’indulgence de tous les péchés fut accordée dans l’église de Sainte-Marie-des-Anges, où l’ordre des frères mineurs prit naissance ? Après avoir énuméré neuf arguments contraires, Olieu en commence la réfutation : malheureusement, le seul manuscrit connu de cette question (bibliothèque vaticane, Borghese, 190) s’interrompt après la réponse à la troisième objection. L’auteur y invoque, outre un souvenir personnel assez vague, des considérations apocalyptiques et des raisons de convenance, en vertu de la conformité parfaite de saint François au Christ. Au reste, des allusions de ce genre se rencontrent aussi dans sa Question xiii, De renuntiatione papse, et dans sa lettre à Conrad d’Ofïida.

Bien qu’il soit assez difficile jusqu’ici d’émettre un jugement d’ensemble sur l’œuvre littéraire considérable d’Olieu, étant donnés sa valeur inégale et le caractère inédit d’un bon nombre de ses écrits, il faut reconnaître toutefois qu’elle mérite de retenir l’attention à plusieurs titres. S’adonnant à une production sans répit, le théologien provençal est tantôt diffus et abondant, tantôt sobre et clair. D’autre part, son joachimisme donne une note tendancieuse à ses dissertations sur la règle franciscaine et sur l’avenir de l’Église. Mais sur le terrain scolastique, surtout dans les 118 Questions du deuxième Livre des Sentences, il fait bonne figure à côté des maîtres franciscains de la génération intermédiaire entre saint Bonaventure et Jean Duns Scot. Quant à sa lumineuse démonstration de la validité de l’abdication de saint Célestin V et de la légitimité de Boniface VIII, elle le met au premier rang parmi les apologistes de la papauté à son époque, et l’élève bien au-dessus du commun des franciscains spirituels, dont par ailleurs le sépare aussi son tempérament purement spéculatif. Les spirituels ne lui en conservèrent pas moins une sincère admiration, et il faut avouer que, en prenant la défense de ses écrits, aux char "très généraux de l’ordre et au concile de Vienne, ils ont été sin-