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physiques et les puissances vitales, par laquelle les premières agissent sur les secondes sans qu’intervienne entre les deux une raison de causalité efficiente proprement dite. Suarez s’est mis à son école et traite comme lui des degrés de la connaissance, sensible et intellectuelle, conduisant à l’éveil de l’afïection dans les puissances appétitives. De anima, t. III, c. ix.

2° L’œuvre scripluraire d’Olieu comprend des Apostilles sur tous les livres sacrés, restées inédites jusqu’à présent. Bon nombre de manuscrits sont indiqués dans la nouvelle éd. de J. H. Sbaralea, Supplementum. ad scriptores trium Ordinum S. Francisci, t. ii, Rome, 1921. p. 845 sq. Auparavant, le P. Elirle en avait déjà donné une. brève description dans son étude sur la vie et les écrits d’Olieu qui est le premier travail d’ensemble sur ce personnage. Olivis Leben und Schriftens, dans VArchiv fur Litteratur-und Kirchengeschiehte des Mittelalters, t. iii, 1887, p. 481 sq. De tous ces commentaires, celui qui fit le plus de bruit fut l’Exposition de l’Apocalypse dont Baluze a publié soixante articles censurés vers 1318 par huit maîtres en théologie. Miscellanea, éd. Mansi, t. ii, 1761, p. 258-270. Olieu y expose les théories de Joachim de Flore sur la décadence de l’Église charnelle et sur l’avènement du règne de l’esprit, en faisant ressortir la part prépondérante qui reviendra aux franciscains spirituels dans la rénovation de la chrétienté. Comme le voyant cala-, brais, il divise l’histoire du monde en trois époques, et l’histoire de l’Église en sept états, dont le sixième est celui de la renaissance spirituelle, opérée par saint François et ses fidèles. C’est durant cette période que les ministres de l’esprit propageront la perfection et la sagesse du Christ. Malgré la persécution déchaînée par l’Antéchrist mystique et l’Antéchrist réel, le sixième état se terminera par le triomphe de l’esprit et la défaite de la prostituée de Babylone, c’est-à-dire de l’Église charnelle repue de richesses et de jouissances. La pauvreté apostolique sera mise en honneur, et tout en protestant qu’il n’entend pas la confirmer, Olieu rapporte la rumeur d’après laquelle saint François ressusciterait à l’exemple du Christ, pour combattre les suppôts de l’Antéchrist. A l’ordre des frères-mineurs incombe la mission de recommencer et de parfaire l’œuvre des apôtres : c’est pourquoi ils ont à reprendre la prédication de l’Évangile dans le monde entier. D’après l’opinion commune, l’Antéchrist mystique sera un antipape entouré de pseudoprophètes et l’Antéchrist réel et proprement dit un empereur à la manière de Néron, peut-être un descendant de Frédéric II, qui vaincra les souverains chrétiens et, par la terreur, créera le vide autour du pape légitime. Alors l’Église charnelle régie par l’antipape, ne sera plus que la synagogue de Satan dont il faudra se hâter de sortir afin de se préparer à la venue du Christ qui, à l’avènement triomphal du règne de l’esprit, célébrera ses noces mystiques avec l’Église régénérée.

On peut dire qu’Olieu écrivit ses Apostilles de l’Apocalypse dans l’esprit de Joachim de Flore : sans prétention doctrinale ni intention hostile à l’Église romaine. Attiré par le mirage d’un avenir idéalement parfait, il a fait crédit, comme tant d’autres, à l’oracle de l’Italie mystique, et fermant les yeux aux mérites de son temps, il n’en voulut plus voir que les abus et les vices, qu’il transforma tendancieusement en signes indiscutables d’une décadence fatale. Mais il n’eut jamais le dessein, ni d’attaquer le pape régnant, Bonifnce VIII, ni de s’en prendre à la hiérarchie ecclésiastique, ni de se livrer à n’importe quelle allusion personnelle. Dans ses Apostilles comme dans ses Questions, il reste purement spéculatif. Si ses disciples s’étaient conformés à ses intentions, ils n’auraient lu les Apostilles que pour s’exhorter à

l’observance parfaite de la pauvreté et à l’imitation fidèle de saint François, en vue de coopérer à la réforme de l’Église. Mais, avec la logique des simples, ils les interprétèrent conformément à leur mentalité étroite et rebelle : entre leurs mains, les contemplations apocalyptiques du pieux rêveur provençal devinrent un instrument de combat, tant contre les supérieurs de l’ordre que contre l’autorité ecclésiastique, dont ils proclamèrent effrontément la déchéance en vertu des Apostilles. C’est dans celles-ci que, au témoignage de l’inquisiteur Michel Monachi, les quatre franciscains spirituels condamnés au bûcher en 1318 à Marseille, avaient puisé leurs erreurs. Dans son Arbor vitse, Ubertin de Casale n’a fait qu’appliquer à Boniface VIII et à Benoît XI la description impersonnelle de l’Antéchrist mystique donnée parOlieu. Aussi peut-on dire que toute l’œuvre de ce dernier a souffert durant longtemps du scandale soulevé autour des Apostilles, à cause surtout des interprétations subversives qu’en firent les spirituels et les béguins. C’est ainsi qu’il faut expliquer la condamnation générale des écrits d’Olieu, faite en 1319 au chapitre général de l’ordre à Marseille. Le 8 février 1326, Jean XXII réprouva les Apostilles sur l’Apocalypse en consistoire public, pour hérésie contre l’unité de l’Église catholique et contre l’autorité du souverain pontife. Parmi les constitutions générales de l’ordre, celles de Farinier (1354) et celles d’Alexandre VI (1500) en défendirent la lecture. Mais le célèbre prédicateur franciscain Bernardin de Busto ne craignit pas d’en faire usage dans son Rosarium (part. II, serm. xi, p. 5) et, au témoignage de Marien de Florence cité par Wadding (Annales minorum, an. 1325, n. 24), Sixte IV aurait permis de les lire avec discrétion.

3° Les Apostilles sur l’Apocalypse nous conduisent naturellement aux écrits franciscains d’Olivi. Ceux-ci se rattachent avant tout à deux questions qui, à son époque, furent chaudement discutées dans l’ordre : la parfaite observance de la règle et la renonciation de saint Célestin V à la tiare. — A propos de la première question, il convient de citer, outre les lettres et mémoires déjà mentionnés, VExpositio in Regulam S. Francisci, les dix-sept Quæstiones de perfectione evangelica (à l’exception des Questions xii-xiir qui traitent de l’infaillibilité pontificale et de la renonciation de Célestin V) ainsi que le Tractatus de paupere rerum usu. Dans ces trois ouvrages édités seulement en partie, Olieu, se faisant l’éloquent défenseur de la thèse des franciscains spirituels, réduit l’observance de la règle à l’usage étroit en matière de pauvreté, accentue la vie contemplative au détriment de l’apostolat et du travail manuel, et identifie la pauvreté franciscaine avec la perfection apostolique. C’est dans ces traités que les porte-parole du parti rigoriste chercheront leur arguments lors de la grande controverse sur l’observance franciscaine au concile de Vienne. -Du point de vuede la théologie fondamentale et de l’histoire ecclésiastique, les Questions xii-xiii du traité De per/ectione evangelica et la lettre au bienheureux Conrad d’Offida sur la renonciation de Célestin V (14 septembre 1295), dépassent en im portance les dissertations sur la pauvreté franciscaine. A la Questionxii, Olieu se demande si tous les catholiques doivent obéissance en matière de foi et de mœurs au pontife romain lanquam regulæ inerrabili. Il répond affirmativement, sans aucune réserve, et examine successivement la nécessité d’un seul souverain pontife dans l’Église : la nécessité de la création du siège de Rome et l’étendue de son autorité : le mode d’infaillibilité (modus inerrabilitatis) tant de l’Église en général que du siège de Rome ef du souverain pontife : la mesure et la nécessité de l’obéissance qire le monde catholique doit au souverain