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édités au début du xvie siècle à Venise par L. Soardi. Les 118 Questions empruntées au IIe Livre des Sentences embrassent presque toute la philosophie spéculativeetmorale. Traitantde la création, Olieu rejette les raisons séminales ainsi que la pluralité des mondes habités, et diffère d’avis avec saint Thomas sur l’extension de la matière aux esprits créés. Sa théorie sur la matière, acte par elle-même, séparable de sa forme sans être homogène, précède celle de Scot qui en sera tributaire. A la Question li, il expose sa théorie sur le mode d’union de l’âme avec le corps, qui souleva une opposition bien justifiée. A la thèse de la pluralité des formes substantielles de l’âme et de l’existence d’une matière spirituelle, dans laquelle s’accomplit leur union, professée aussi de son temps par le dominicain Robert Kilwardby et le franciscain Richard de Middletown, il en ajouta une autre, d’après laquelle seuls les principes de la vie végétative et sensible, formes substantielles distinctes, informent directement le corps humain et s’unissent formellement avec lui. Quant au principe de la vie intellectuelle, il n’informe pas directement, par lui-même, le corps humain, mais se lie à lui par une cohérence substantielle au moyen du principe de la vie sensible. Si l’union de la forme d’être intellectuelle avec le corps humain était directe et formelle, ce dernier deviendrait par le fait même, d’après Olieu, spirituel et immortel. Car la forme, non seulement se communique à la matière, mais en absorbe tout l’être. Cette thèse qui, parmi les disciples d’Olieu ne trouva d’autre partisan que Pierre de Trabibus, avait été blâmée dès 1283 par les sept censeurs de Paris comme malsonnante et dangereuse ; elle fut dénoncée au concile de Vienne. Raymond Gaufredi et Ubertin de Casale, qui y assumèrent la défense d’Olieu, la représentèrent comme une opinion purement philosophique, qui n’entraîne pas communément une erreur dogmatique chez qui professe en tout la doctrine de l’Église. C’est peut-être grâce à leur défense que la mémoire d’Olieu fut préservée d’une condamnation nominale. Mais, sans que sa personne fût mise en cause, le concile réprouva la doctrine incriminée du mode d’union de l’âme avec le corps, qu’Olieu avait enseignée au début de son professorat et qu’il semble n’avoir jamais formellement rétractée. Le décret Fidei catholiese fundamento (6 mai 1312), déclara erronée et contraire à la doctrine catholique l’assertion d’après laquelle la substance rationnelle ou intellective de l’âme n’informe pas vraiment et par elle-même le corps humain. Quisquis deinceps asserere, defendere seu lenere pertinaciler prœsumpserit quod anima rationalis seu intellectiva non sit forma corporis humani per se et essenlialiler, lanquam hæreticus sit censendus. Mais la question du nombre des formes dans l’homme y est laissée entière.

Le même décret contient deux autres déclarations concernant des opinions soi-disant erronées attribuées à Olieu, mais au sujet desquelles tant lui-même que ses défenseurs s’étaient suffisamment expliqués : 1) que dans son récit de la passion, saint Jean a conservé l’ordre historique des faits en rapportant que le coup de lance fut donné après la mort du Christ ; Olieu avait émis l’hypothèse contraire, mais sans vouloir contredire l’Évangile ; 2) touchant la controverse sur l’effet spirituel du baptême administré aux enfants en bas âge, le décret ne la tranche pas définitivement, mais estime qu’il faut suivre comme étant plus probable l’opinion, d’après laquelle ces enfants y obtiennent non seulement la rémission du péché originel mais aussi la grâce et les vertus habituelles (etsi non pro illo tempore quoad usum) ; Olieu avait exposé les deux opinions, sans se prononcer ni pour l’une, ni pour l’autre. En somme, des nombreuses

erreurs qui lui étaient imputées par des adversaires passionnés, le concile de Vienne n’en condamna qu’une seule, et encore en passant sous silence le nom de celui qui l’avait formulée.

C-est aussi dans les 118 Questions qu’Olieu expose sa théorie de la connaissance. Q.lx-lxxiv. Il y définit le rôle des cinq sens, auxquels un sixième sens, interne celui-là et qu’il nomme sens commun, sert de trait d’union avec l’entendement. Tout en conservant son indépendance, il suit de près saint Augustin et saint Anselme, et fait de l’évidence objective, basée sur le réel atteint en lui-même ou dans ses effets, le critère de la certitude. Ses traités sur l’immortalité de l’âme et sur le libre arbitre (q. lu et lvii) sont des modèles d’exposition. Les arguments sur lesquels Olieu fonde le libre arbitre sont, les uns, directs, lumière manifeste de la raison et fruits de l’expérience ; les autres, indirects, exposé des conséquences désastreuses qu’entraînerait l’absence du libre arbitre dans la vie pratique. Dans sa démonstration indirecte, il réfute en outre le déterminisme sous ses différentes formes : physiologique, métaphysique, intellectualiste et théologique. Quant aux arguments directs, il les tire du témoignage de la conscience, de la part qui revient à la volonté dans la recherche de la vérité et dans la réflexion, de la maîtrise de la volonté sur elle-même et du primat de la volonté sur l’entendement. A le lire, on se croirait plutôt en présence d’un philosophe moderne que d’un scolastique du xme siècle.

A propos de son traité des anges (q. xvi sq.), on peut noter que, en vertu de sa thèse sur le mode d’union consubstantiel mais non formel de la forme intellective avec le corps humain, il nie que la forme intellective de l’âme soit spécifiquement distincte de l’esprit pur ou angélique. En psychologue averti, il fait la genèse du vice et se livre à une profonde analyse pour montrer que l’amour désordonné de soi-même est la racine de tout péché. Q. xcvni et cm. Là ou il traite du péché originel, il suit la doctrine de saint Augustin au sujet de sa transmission et de la culpabilité implicite des mouvements involontaires de la concupiscence. Q. ex sq.. Il en dépend aussi dans sa dissertation sur le péché véniel, où il lui emprunte plusieurs thèses, comme celle sur la difficulté de discerner le péché véniel du mortel, sur l’accumulation des péchés véniels, et sur la note variable de leur gravité d’après le degré de perfection qui caractérise ceux qui les commettent. Q. cxvin. Toutefois, il n’a pas réussi à définir clairement l’essence du péché véniel, dont il exagère la malice, influencé qu’il est par les doctrines rigoristes des siècles précédents. Notons aussi l’intérêt spéculatif des Questions cx-cxii dans lesquelles, s’affirmant nettement théocentrique, il montre comment la justice divine. a pu permettre que le péché originel se commît et se translnît. Dans l’appendice De Deo cognoscendo, Olieu examine les trois questions suivantes : 1) Dieu est-il vu par nous ? 2) L’homme connaît-il tout en Dieu ? 3) Dieu est-il connu par lui-même, ou démontrable par des raisons nécessaires, ou objet de croyance par la foi ? Il y expose amplement la théorie de la connaissance de saint Augustin et se montre bien informé de la doctrine de saint Thomas sur la lumière de l’intellect agent et sur son rôle dans l’acte de la connaissance. Les spéculations auxquelles se livre Olivi sur les vérités éternelles sont dignes des plus grands scolastiques : tout le sujet en un mot est traité avec tant de pénétration, de sobriété et de mesure que le censeur moderne le plus averti y trouverait difficilement à redire. Métaphysicien puissant et fin psychologue, il a exposé mieux qu’aucun autre scolastique l’influence des corps sur l’esprit, la relation entre les forces