Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/492

Cette page n’a pas encore été corrigée
965
966
OLIER. VIE


l>ieu le destinait, il fallait qu’il passât par l’épreuve. Il l’avait demandée pour épurer son amour. Elle fut très rude et dura deux années (décembre 16391641). Four purifier son âme de tout amour-propre, Lrieu lui lil expérimenter le besoin que nous avons de son concours dans l’ordre naturel comme dans l’ordre surnaturel. Il sentit Dieu lui retirant son concours dans les actions ordinaires de la vie, en en paralysant jusqu’à un certain point les effets sensibles. Il lui semblait ressentir les peines intérieures de la réprobation et du dédain de Dieu, avec « un continuel ressentiment de la superbe ». Il a décrit lui-même dans ses Mémoires les phases de cette douloureuse épreuve qui eut son contre-coup sur sa santé. Son tempérament n’avait rien cependant d’un névrosé, d’un neurasthénique. L’épreuve qui avait commencé sans que rien la fît pressentir, si ce n’est la demande faite à Dieu, prit fin à Chartres au début de 1641 et aussitôt tout rentra dans l’équilibre et jamais plus dans la suite il ne ressentit rien de semblable. Mais son âme était purifiée de toute recherche d’amour-propre et se livra tout entière à l’amour divin.

C’est alors, en 1641, qu’eut lieu un essai infructueux de séminaire à Chartres, après une retraite à Notre-Dame-des-Vertus où Notre-Seigneur lui promit sa protection pour une compagnie d’ecclésiastiques destinée à former des prêtres. M. Olier avec deux autres disciples du F. de Condren, MM. de Foix et du Ferrier, se fixèrent, le 29 décembre 1641, à Vaugirard dans l’intention d’y établir un séminaire, comptant que la Providence leur enverrait des disciples : ce qui ne tarda pas. Dès le mois de janvier eurent lieu les premières entrées. Mais, dans le cours de l’année 1642, le curé de Saint-Sulpice, Julien de Fresque, désespérant de convertir sa paroisse, vint leur offrir sa cure, demandant en échange un prieuré proche de son pays natal, le prieuré de la Trinité de Clisson que possédait M. Olier. Après des refus et des hésitations, sur l’avis de dom Tarrisse, supérieur des bénédictins de Saint-Maur, au monastère de Saint-Germain-des-Prés, duquel dépendait la paroisse Saint-Sulpice, l’offre fut acceptée et signée. M. Olier comprit alors le sens d’un songe mystérieux qu’il avait eu deux fois à une époque de sa jeunesse où il avait pensé se faire chartreux. Il vit saint Grégoire le Grand sur un trône, au-dessous de lui saint Ambroise, plus bas une place de curé vacante et plus bas encore quantité de chartreux. Dieu lui avait marqué par là sa place dans la hiérarchie et sa vocation.

La paroisse Saint-Sulpice était alors la plus vaste des paroisses de Paris. Elle comprenait tout le faubourg Saint-Germain d’alors, c’est-à-dire depuis les limites actuelles de la paroisse Saint-Sulpice, à l’Est, toute la rive gauche de la Seine jusqu’au Gros-Caillou Inclusivement, et à l’Ouest le terrain plus ou moins bâti allant jusqu’aux territoires des villages de Vaùgirard et de Vanves. Elle comptait plus de 150 000 habitants. Cette immense paroisse était la plus dépravée de Paris ; l’hérésie, l’impiété, le libertinage y régnaient sans opposition. En face d’une tâche qui avait découragé son prédécesseur, M. Olier se prépara par une retraite où il fit le vœu de servitude à Dieu et aux âmes, et Dieu lui fit connaître que cette paroisse la plus déréglée de Paris serait tellement renouvelée par sa miséricorde que les paroisses de la capitale se réformeraient sur elle et qu’elle pourrait servir de modèle à d’autres encore : prédiction qui pouvait alors passer pour invraisemblable et extravagante et qui s’est vérifiée d’une façon incontestable.

Le mal venant d’abord de l’ignorance religieuse, le nouveau curé se proposa de faire connaître Jésus-Christ et ses mystères. Il commença par réunir en

communauté les ecclésiastiques qui devaient le seconder, en leur donnant des règles d’une vie vraiment évangélique. Ne pouvant atteindre par lui-même toute cette immense paroisse, il la divisa en huit quartiers, préposant à chacun d’eux un prêtre chargé de veiller spécialement sur les âmes de cette circonscription, après en avoir dressé un état nominatif. Pour remédier au mal de l’ignorance, il commença par les enfants, établissant pour eux des catéchismes à l’église de Saint-Sulpice et douze autres en différents endroits de sa vaste paroisse. Avec ses collaborateurs il composa un catéchisme que des juges compétents regardent comme un des plus pratiques. Il eut des réunions pour instruire les gens de service, pages, laquais, très nombreux dans le faubourg, habité par des seigneurs de la cour ou du palais d’Orléans. Il atteignit les gens de métier enrôlés dans les confréries, très multipliées dans le faubourg, mais dégénérées de leur esprit primitif. A l’occasion de leur fête patronale il les instruisit, les réforma et les prépara à approcher des sacrements. Il ne négligea pas le salut des gentilshommes, les amenant d’abord à refuser les duels, auxquels les engageait alors si fréquemment la tyrannie du faux honneur et en conduisant même un bon nombre à la perfection, comme le maréchal Fabert, M. de Renty et d’autres.

Les dames de condition, les princesses eurent leurs réunions, où il les forma à la solide piété. On peut juger du degré de perfection où il les élevait par les lettres adressées à la princesse de Condé. En un mot toutes les classes de la société furent atteintes par son zèle. S’il eut une prédilection, ce fut pour les pauvres, surtout pour les pauvres honteux, pour lesquels sa charité n’eut pas de bornes, charité bien ordonnée comme on peut le voir par les règlements dressés pour leur venir en aide.

Son zèle ne négligea point les hérétiques. Les groupements de huguenots dans le faubourg lui avaient fait donner le nom de « petite Genève ». Jl chercha à les atteindre par des conférences publiques et particulières qu’il confia aux plus habiles controversistes comme le célèbre Père Véron. Dieu suscita des hommes simples, mais remplis de science divine, le coutelier Jean Clément et le mercier Baumais, qui ramenèrent à la foi un nombre incroyable d’hérétiques. Lorsque le jansénisme tenta de s’établir dans la paroisse, le vigilant curé s’opposa nettement et avec succès à cette hérésie naissante, et malgré les efforts en sens inverse établit et maintint la communion fréquente.

Avec l’instruction, le grand moyen de conversion c’est la prière. Aussi que de prières de jour et de nuit fit-il lui-même et demanda-t-il aux communautés de sa paroisse ! Il mit tout son zèle à restaurer le culte public. Le centre du culte est l’eucharistie : il instruisit soigneusement les fidèles sur la dévotion au Saint-Sacrement ; les pressant de venir fréquemment à la messe et, le dimanche, à la messe de paroisse à laquelle il donna toute la solennité possible ; les invitant aussi à venir aux quarante heures, v l’adoration perpétuelle. Il ranima la ferveur des membres de la confrérie du Saint-Sacrement très anciennement établie dans la paroisse. L’office canonial se chantait tous les jours ; des prêtres, les plus âgés, en étaient spécialement chargés, les autres membres de la communauté étant souvent absorbés par les œuvres du ministère. A côté des œuvres de piété, il développa les œuvres de charité pour toutes les nécessités ; pressant les fidèles d’y donner de leur personne aussi bien que de leurs biens, étant convaincu qu’elles sont aussi utiles à ceux qui les exercent qu’à ceux qui en sont l’objet.