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NESTORIUS, SOURCES HISTORIQUES


concile par Cyrille, et de la procédure suivie. Il étudie ensuite comparativement les deux lettres versées d’abord au débat, celle de Cyrille, KaTaqsXuapoîiai, sa propre réponse, Tàç fjiv xa6’Tpwv ûépeiç, puis les nombreux extraits de ses ouvrages qui furent lus au concile. Comparant ces textes aux citations palristiques qui furent ensuite proposées, il s’efforce d’établir que ces deux séries rendent le même son. L’histoire du concile se clôt par le récit de l’arrivée de Jean d’Antioche, des incidents qu’elle amena, des négociations ultérieures pour le pacte d’union de 433. Ceci nous t’ait passer insensiblement à la troisième partie, Nau, p. 259-332. Analysant de près la lettre de Cyrille à Acace de Mélitène, l’auteur entend prouver que l’évêque d’Alexandrie reste toujours monophysite dans le fond, malgré ses concessions de forme aux Antiochiens ; cela se voit tout spécialement à la campagne qu’il a menée contre Théodore de Mopsueste et Diodore de Tarse. Lui mort, les monophysites se sont encore enhardis. Eutychès à Constantinople a bravé Flavien ; Dioscore d’Alexandrie a cru pouvoir renouveler au IIe concile d’Éphèse le coup de force de son prédécesseur. Mais voici le vengeur qui s’approche. Le pape Léon a pris en mains la cause « des deux natures » ; son tome à Flavien n’exprime-t-il pas la doctrine pour laquelle Nestorius a lui-même combattu ? Maintenant l’exilé peut mourir : « Réjouis-toi en moi, désert, mon ami, mon nourricier et ma demeure, et toi aussi exil, ma mère, qui, même après ma mort, garderas mon corps jusqu’à la résurrection par la volonté de Dieu. »

L’analyse qui précède ne doit pas néanmoins donner le change : ce n’est pas une histoire des luttes christologiques entre 430 et 450 qu’entend donner l’auteur ; les événements extérieurs, les documents, les textes lui sont surtout occasion de développer, avec une fatigante prolixité, les idées qui lui tiennent à cœur. Comme le dit fort bien le traducteur syriaque : « le présent livre appartient aux controverses sur la foi. » Montrer dans les termes cyrilliens l’expression franche ou larvée du monophysisme, se défendre soimême contre l’accusation de dissocier l’unité foncière du Christ, échafauder pour cela une théorie subtile mais cohérente, la présenter indéfiniment sous ses multiples aspects, tel est le but constamment visé par l’auteur. Et cela ne va pas sans de multiples répétitions et, tranchons le mot, sans des rabâchages qui sentent la sénilité.

Et c’est la raison peut-être pour laquelle se sont fait jour, dès la publication du livre, et continuent à se manifester certains doutes sur l’authenticité de l’ouvrage. Pourtant les preuves extrinsèques, si elles ne sont pas très abondantes, donnent quelques apaisements. Le signalement d’Évagre s’applique assez bien à notre livre. Et que l’on ne dise pas que l’Église nestorienne semble l’avoir ignoré : Barhadbesabba, au vir siècle, en cite une vingtaine de lignes sous ce lemme : Nestorius dit, P. 0., X. ix, p. 547 ; la lettre du catholicos Georges I er, en 680, conservée dans le Synodicon orientale, édit. Chabot, dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. xxxvii, Paris, 1902, p. 490-514, semble bien s’en inspirer (comparer en particulier Synod. orient., p. 503, et Nau, p. 63-65 ; Synod., p. 508 et Nau, p. 18 et 53, sans compter l’argumentation générale et les citations patristiques). Dom Connolly, dans ssrecension de Bedjan, Journ. of theol sludies, 1911, t. xii, p. 489, cite d’autres exemples de l’utilisation du Livre d’Héraclide dans la littérature nestorienne.

— Que l’on compare, d’ailleurs, les procédés employés par le Livre d’Héraclide pour démolir la lettre de Cyrille à Acace de Mélitène, et ceux que met en œuvre Nestorius dans l’épître à Théodore ! conservée par le

Synodicon Casinense, n. 209 (121), A. C. O., i, 4, p. 150-153 ; P. G., t. lxxxiv, col. 734, pour démolir l’Acte d’union de 433, on ne pourra qu’être frappé de la ressemblance.

Cela veut-il dire que nous lisions l’ouvrage tel qu’il est sorti de la plume de Nestorius ? Qui oserait l’affirmer ? Sans doute le traducteur syriaque peut être considéré comme fidèle dans l’ensemble : on s’en aperçoit aux nombreux endroits dont nous possédons le texte grec (documents cités par le Livre). Mais, avant d’asseoir un jugement définitif, il faudrait que fût éclaircie la question textuelle ; en fait la critique opère actuellement sur des copies d’un unique manuscrit. Que réserve l’étude du manuscrit original ? Que réserve même une étude comparative des diverses parties du texte actuellement édité ? Pour toutes ces raisons, il convient de se montrer prudent dans l’utilisation du Livre d’Héraclide.

il. les historiés*. — 1° Les historiens grecs cl latins. — Contemporain des événements, Sociales consacre à l’affaire Nestorius quelques-uns des derniers chapitres de son histoire, H. E., VII, xxix, xxxi-xxxii, xxxiv-xxxv, P. G., t. lxvii, col. 801 sq. ; il n’aime pas Nestorius, mais s’est donné la peine de se renseigner exactement sur ses doctrines, et dit clairement qu’elles n’ont rien de commun avec l’adoptianisme de Paul de Samosate ; cela ne l’empêche pas d’ajouter que les bavardages, <)>xpooyict., de Nestorius ont déchaîné le trouble dans tout l’empire. Col. 812 C.

Les deux histoires de Sozomène et de Théodore ! s’arrêtent avant le début de l’affaire. Par contre, on lit dans le Compendium hærelicarum fabularum de ce dernier une assez longue notice consacrée à Nestorius, t. IV, c. xii, P. G., t. lxxxiii, col. 432-436. Elle est à l’égard de celui-ci d’une si évidente injustice, elle témoigne de sentiments si différents de ceux que l’évêque de Cyr a manifestés à l’endroit de son ami, (voir ci-dessous, col. 118, 120) que, dès le xviie siècle, Garnier en a nié l’authenticité. Pour l’honneur de Théodoret, qui a pu être faible, mais qui n’était pas une âme vile, il convient de se rallier à l’hypothèse d’une interpolation. Cette notice d’ailleurs, en dehors du procès de tendances qu’elle fait à Nestorius, ne fournit aucun renseignement que nous n’ayons par ailleurs.

Tout différemment en est-il de l’Histoire ecclésiastique rédigée par Évayrc le Scolastique dans la seconde moitié du vie siècle. H. E., t. I, c. i-xii, P. G., t. lxxxvi b, col. 2420-2453 ; consulter de préférence l’édition Bidezet Parmentier, The ecclesiastical history of Evagrius, Londres, 1898. Son œuvre qui s’ouvre par le récit de l’affaire et entend continuer celles d’Eusèbe, de Socrales, de Sozomène et de Théodoret, repose sur une étude attentive des documents. Rallié à l’orthodoxie byzantine, telle qu’elle s’exprime au vie siècle, Évagre se montre violemment hostile à Nestorius, est incapable de saisir le point précis du débat de 430 ; du moins verse-t-il au procès un certain nombre de pièces importantes, ayant eu entre les mains et la Tragédie de Nestorius, et le Livre d’Héraclide, et peut-être un recueil de lettres. On se demande avec quelque surprise où il a pu se procurer ces documents inédits, et à cette date !

Monophysite de tendances, Zacharie de Mitylènc, un peu antérieur à Évagre, ne peut que juger Nestorius avec sévérité, disons avec injustice. Bien qu’il ait lu Socrates et qu’il fasse état des actes conciliaires d’Éphèse, il ne fournit aucun renseignement précis, et fait de l’archevêque un rejeton de Paul de Samosate. Texte dans Hamilton et Brooks, The syriac chronicle… of Zachariah o/ Mitylene, Londres, 1899, p. 19-20 ; 42-43.