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ŒCOLAMPADE


sur la liberté de la prédication évangélique, sur le mariage des prêtres. L’impétueux Farci lui prêta main-forte jusqu’au jour de son expulsion de la ville. Le Conseil nomma Œcolampade prédicateur de Saint-Martin. A partir de ce moment, il s’engagea dans la voie des innovations liturgiques : baptême en aile mand, communion sous les deux espèces, suppression des cérémonies jugées inutiles, chant clés psaumes en allemand (1524-1526). Les catholiques n’avaient pas abandonné la lutte. Œcolampade ne fit pas très bonne figure à la Dispute de Baden (mai 1526), en l’absence de Zwingli. Il n’obtint que 10 suffrages contre 82 à son adversaire, Jean Eck. Les protestants prirent leur revanche à la Dispute de Berne, en janvier 1528. A la suite de leur victoire, les innovations se précipitèrent à Baie. La populace entra en lice. Il y eut de graves désordres : destruction des images et statues et finalement, malgré la longue résistance du Conseil, qui freinait de toutes ses forces, interdiction rigoureuse du culte catholique dans la ville.

Œcolampade, sans approuver les excès des iconoclastes, se tenait prêt à profiter de la révolution. Le Conseil fut épuré. Tous les catholiques en furent exclus. Érasme et plusieurs autres humanistes quittèrent Bàle, ainsi qu’un grand nombre de catholiques attachés à leur foi.

Le 14 février 1529, le service protestant fut inauguré à la cathédrale. Œcolampade avait été élu président des pasteurs et premier curé de la cathédrale. Il s’occupa sans retard de donner une constitution évangélique à la nouvelle Église. Le 1 er avril 1529, paraissait 1’ « Ordonnance de réformation », la charte de l’Église de Bâle.

Œcolampade s’était marié, en 1528, à une femme d’une grande beauté, Wibrandis Keller, née Rosenblatt, qui devait épouser, après sa mort prématurée, son ami Capito, plus tard Bucer et enfin Oswald Mykonius. Il fut si profondément affecté par le désastre de Cappel, où Zwingli avait trouvé la mort (Il octobre 1531), qu’il ne put y survivre et mourut le 24 novembre 1531. Il laissait trois enfants.

III. Position d’Œcolampade dans la question sacramentaire. — Par trois voies différentes, Karlstadt, Zwingli et Œcolampade étaient arrivés à une interprétation figurée des paroles de l’institution eucharistique : Hoc est corpus meum. Entre Luther et Karlstadt, anciens amis devenus rivaux, une vive controverse éclata à ce sujet. Elle s’étendit bientôt à Zwingli et Œcolampade et provoqua l’éclosion de toute une littérature. Ce fut la question sacramentaire, qui, avec celle du baptême des enfants, jeta la division parmi les premiers chefs de la Réforme.

Œcolampade prit position par un traité important paru en septembre 1525, sous ce titre : De genuina verborum Domini : « Hoc est corpus meum »… expositione. Il y rejetait la présence réelle, tant au sens catholique (transsubstantiation) qu’au sens luthérien (consubstantiation). Mais tandis que Karlstadt s’en était pris au mot : Hoc, prétendant que Jésus se désignait lui-même et non le pain, tandis que Zwingli avait interprété le mot : Est au sens de signifier, Œcolampade soutenait que le mot : Corpus devait être compris au sens de : Figura corporis. Il invoquait pour son opinion l’autorité des Pères et notamment de Tcrtullien et de saint Augustin. Les textes patristiques invoqués par lui étaient, en général, audacieusement sollicités. De plus, comme Zwingli, il dressait contre le dogme de la présence réelle la liste des prétendues impossibilités que la raison humaine y rencontre : multilocation du corps du Christ — indignité d’un état où le Christ peut être brov’é par les dents, rongé par les insectes, mangé par les souris. Pour lui, l’eucharistie n’est pourtant pas seulement,

comme pour Zwingli, le signe de la fraternité religieuse, mais aussi une manducation toute spirituelle de Jésus par le croyant. Il invoque principalement le texte de saint Jean, vi, 63 : « C’est l’esprit gui vinifie, la chair ne sert de rien. » Au livre d’Œcolampade, Brenz répliqua par le Syngramma (21 octobre 1525). Œcolampade lui opposa, en 152(1, V Antisungramma. Attaques et répliques se succédèrent dès lors, accompagnées le plus souvent de paroles violentes et d’injures. Pour Luther, Œcolampade fait partie des « fanatiques de gauche », « Schwarmgeister », il est sûrement possédé du démon, il est coupable du péché contre l’Esprit.

Il faut reconnaître que le langage d’Œcolampade fut toujours beaucoup plus modéré que celui de son adversaire.

Sur l’initiative du landgrave Philippe de Hesse, dont les plans d’action politique protestante étaient gravement contrariés par ces divisions doctrinales, une rencontre des principaux docteurs de la Réforme fut décidée. Elle eut lieu du 1 er au 4 octobre 1529, à Marbourg, en présence de 50 à 60 personnes choisies. Zwingli, Œcolampade, Bucer, Hedio, et quelques amis y représentaient l’interprétation figurée, contre Luther, Méhnchthon, Jouas, Cruciger, Osiander, Brenz, partisans de l’interprétation littérale. Les récits de cette « Dispute » célèbre sont nombreux. Voici’quelques passages de la relation de Rodolphe Collin, professeur de grec à Zurich, qui accompagnait Zwingli : « Œcolampade répond aux arguments de Luther. Il estime que l’on doit partir du c. vi de Jean, et que les autres textes doivent être expliqués par là. Aux mots : Hoc est corpus meum, il oppose : Ego sum vitis vera. Le sens littéral n’y serait pas impossible pour Dieu. (Et pourtant nul ne l’admet). De la manducation charnelle, il passe à la spirituelle. Il montre que son opinion n’est ni vaine ni impie, car elle repose sur la foi et l’Écriture… Il lit le c. vi de Jean et prouve que le Christ y traite de la manducation spirituelle et détourne de la corporelle. Il n’y a donc pas manducation corporelle… Il dit : « Vous nous refusez un trope et pourtant vous faites une synecdoche contre la doctrine des catholiques. » — Luther : « … Il y a synecdoche, comme lorsqu’on montre un sabre dans son fourreau. Hoc est corpus meum est une phrase inclusive, car le corps est dans le pain comme le glaive dans sa gaîne. Le texte requiert cette figure. Mais la métaphore enlève tout le sens, quand vous dites que corpus veut dire : Figura corporis. » Opéra Zuinglii, t. iv b, p. 173 sq. Les deux opinions se heurtèrent inutilement. Chacun resta sur ses positions. Le 4 octobre. Luther écrivait à Nicolas Gerbel de Strasbourg : « Nous devons la charité et la paix même à nos ennemis. Nous leur avons donc déclaré que s’ils ne viennent à résipiscence sur cet article, ils pourront sans doute compter sur notre charité, mais que nous ne pourrons les regarder comme faisant partie du nombre de nos frères et des membres du Christ. » Enders, Luther’s Briejwechsel, t. vii, p. 166. Le désaccord demeura et les Églises luthérienne et zwinglienne évoluèrent séparément.

Sources.

Stâhelin, Briefe und’Akten zum Leben

Œkolampads, t. x des Quellen und Forschungen zur Reformalionsgeschichte. Ce tome contient les pièces de 1499 à 1526. Un second volume, attendu pour 1931, donnera la fin : de 1526 à 1531 ; Herminjart, Correspondance des réformateurs dans les pays de langue française, t. i et n ; Joannis Œcolampadii et Huld. Zwinglii epistolarum… avec biographie d’Œcolampade par son ami Capito, pas toujours très sûre, surtout pour la chronologie, Bâle, 1536 ; Wurstisens Baster Chronik, éditée par Hotz, Bâle, 1883 ; Baster Chroniken von RyfJ und Carpentarius, éditées par Vischer et Stern, Leipzig, 1872 ; Baster Reformationsakten, en cours de publication sous la direction de E. Diur.