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OCCAM. LE PROCÈS DM 132C


quibus et naturel esset sibi derelicta, nec est hoc magis inconveniens. Les censeurs se montrent d’ailleurs indulgents pour cette fantaisie dialectique, qui a surtout l’inconvénient d’être malsonnante aux oreilles des simples ; mais ils ajoutent sagement : De virtute conclusionis sunt opiniones inter doclores. Il valait la peine de relever ce libéralisme.

3. Propositions relatives à la justification, — La doctrine classique des habitus n’avait pas plus trouvé grâce devant Occam que les théories se rapportant aux distinctions et aux relations. Or, dès ce moment, pour beaucoup de théologiens, la justification importe l’infusion dans l’âme de cet habitus surnaturel qu’est la grâce sanctifiante, véritable entité distincte de la substance même de l’âme. Cet habitus est le fondement même du mérite ; sans lui aucun acte n’a de valeur pour la vie éternelle. Ces divers points étaient contestés par Occam (cf. col. 775 et 878), et c’est de quoi il lui est fait grief dans la critique des art. 1, 2, 3, 4, 6, 7, 8. L’explication proposée, au moins à titre hypothétique, par Occam et suivant laquelle la justification doit s’envisager surtout a parte Dei, comme le mouvement de Dieu acceptant les démarches, plus ou moins spontanées (col. 772), de l’homme est vivement prise à partie par les censeurs. Outre qu’ils croient remarquer dans les explications d’Occam un relent de pélagianisme, ils insistent sur l’opposition qui s’avère entre elles et la doctrine désormais courante sur les rapports entre grâce sanctifiante et mérite. Per totam deduclionem (auctoris) apparet quod ipse intendit quod nultus est habitus carilatis… Quod intendat excludere caritatem a merito patet in singulis contentis in sua deductione (art. 1). Ils sont, comme de juste, moins sévères contre ceci que contre les tendances pélaglennes qu’ils croient découvrir chez l’auteur, et qui sont expressément réprouvées aux art. 1, 2, 4. C’est du même point de vue que les censeurs envisagent les affirmations ou les simples suppositions d’Occam relatives à la coexistence possible dans une âme de la coulpe et de la grâce, art. 7 et 8. Cette supposition est déclarée fausse et erronée. On rapprochera de ces art. le n. 51, affirmant que le péché n’est pas la privation de quelque bien inhérent à l’âme, mais simplement la privation d’un bien futur qui arriverait à l’âme si elle n’avait pas péché. Cet article, pour des raisons que nous ignorons, n’a pas reçu de qualification théologique, du moins le ms. ne l’a pas conservée.

Par contre les censeurs sont revenus, à la fin de leur mémoire, sur une proposition qu’ils avaient d’abord qualifiée de manière assez bénigne. Il s’agit de l’art. 40. "Voulant prouver que l’acte de la vision béatifique est directement produit par Dieu, Occam critiquait le concept du lumen gloriee, lequel joue en somme, par rapport à l’acte de la vision béatifique, le même rôle que Vhabitus de la grâce sanctifiante par rapport aux actes élicités par celle-ci. Les censeurs n’avaient d’abord retenu comme blâmable que cette critique. Il leur apparut, à plus ample réflexion, que la proposition d’Occam était plus dangereuse qu’il ne paraissait d’abord : « Si la majeure posée par lui était exacte, disent-ils, il s’ensuivrait que tous nos actes méritoires ne tireraient leur caractère méritoire que de Dieu seul et non point de notre action personnelle. » C’est la critique, en définitive, de la théorie générale d’Occam, suivant laquelle le mérite repose avant tout sur l’acceptation de Dieu (cf. col. 772 et 879).

4. Propositions relatives à l’eucharistie.

La dialectique

d’Occam n’avait pas épargné les concepts classiques, d’ordre dogmatique ou simplement théologique, relatifs à l’eucharistie. Son enseignement sur le sujet n’a pas été touché à l’art. Nominalisme. Les points essentiels ont déjà été traités à l’art. Eucharistie, t. v, col. 1305-1306 (valeur des arguments

scripluraires pour démontrer la transsubstantiation) ; col. 1310 (nature de la transsubstantiation) ; col. 1312 (mode de présence du Christ dans L’eucharistie) ; et à l’art. Eucharistiques (Accidents), col. 1394. Cette doctrine a élé d’abord exposée dans le Commentaire des Sentences, t. IV, q. vi, et dans plusieurs questions des Quodlibel : II, q. xix ; IV, q. xx-xxxix ; VI, q. m. Le traité spécial De sacramentoaltaris nous paraît avoir été rédigé postérieurement au procès de 1321 ; d’une part, il s’efforce de tenir compte de certaines des critiques qui ont alors été faites ; d’autre part, il maintient énergiquement et défend à grand renfort de preuves l’idée qu’il n’est pas indispensable, du point de vue de la foi, de faire de la quantité une réalité distincte de la substance. Voir ici, t. v, col. 1395, l’énergique revendication qu’Occam émet de son droit à philosopher sur ces matières. K. Michalski situe pourtant à Oxford la composition du petit traité De sacramento. Voir Les courants philosophiques à Oxford et à Paris pendant le xiv siècle, dans Bulletin de PAcadémie des sciences et lettres de Cracovie, année 1919-1920, p. 64.

Quoi qu’il en soit, dans le rapport de 1326, cinq articles successifs, 19-23, sont examinés et censurés. Selon le n. 19, la doctrine de la persistance de la substance "du pain après la consécration (doctrine que l’Église réprouve) aurait, au dire de l’auteur, moins d’inconvénients, au point de vue de la raison, que celle que tient l’Église ; la transsubs » ".ntation, en effet, implique la plus grave des difficultés, c’est à savoir celle qu’un accident peut demeurer sans sujet. Il va de soi qu’Occam ne nie pas cette transsubstantiation enseignée par la foi ; mais la comparaison qu’il esquisse entre cette doctrine et celle de la « permanence » est qualifiée de téméraire, périlleuse, contraire à la révérence due à l’Église. [Rapprocher d’une erreur relevée dans l’enseignement de Durand de Saint-Pourçain, voir Duplessis d’Argentré, Collectio judiciorum, t. i a, p. 330, n. v]. — D’ailleurs Occam estime, contrairement à l’opinion commune, que dans l’eucharistie la substance du pain est vraiment anéantie, art. 20. — Il allègue, sans la combattre, l’opinion selon laquelle substance et quantité s’identifient, art. 21, ce qui est, disent les censeurs, contre la pensée des saints docteurs et des philosophes, que nous estimons vraie. Posée d’ailleurs cette assimilation de la substance et de la quantité, continuent-ils, nous déclarons erroné, périlleux et contraire aux déterminations de l’Église ce qu’il dit de l’eucharistie, à savoir que seule la substance (du pain) est changée (au corps du Christ), alors que demeurent la quantité et les autres accidents.

— La critique faite à l’art. 22 : « Le corps du Christ au Saint-Sacrement peut être vu corporellement « s’adresse non à la proposition elle-même, mais à la doctrine générale d’Occam sur les perceptions sensibles (dans le De sacramento, c. vii, Occam abandonne cette assertion). — De même la critique dirigée contre l’art. 23 : t la venue du Christ sur l’autel amène en celui-ci un changement local », vise plus encore la théorie générale du mouvement que l’application particulière qui en est faite ici.

5. Propositions relatives aux doctrines morales. — Nous avons déjà rencontré la proposition 51, relative à la nature du péché, et qui tendait à faire de la coulpe plutôt un titre au châtiment qu’une réalité positive inhérente à l’âme. — L’art. 9, omne positivum in peccato potest causari sine omni peccato, est sévèrement jugé : hoc est jalsum et hæreticum de illis peccalis quae directe sunt contra Deum objective, sicut odire Deum. Taie positivum non potest esse sine dejormilate peccati.

— Aussi bien Occam professait-il sur Vodium Dei une doctrine que l’on retrouve, au même moment dans Robert Holkot : Odire Deum, dit l’art. 5, potest esse actus rectus, in via et a Deo præceptus ; double asser-