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OCCAM. CONDAMNATIONS ECCLÉSIASTIQUES

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métaphysique. La question se pose de déterminer si tous les nominalistes restreignent autant la liste des certitudes métaphysiques et possèdent la même notion des degrés de certitude. Grégoire de Rimi’ni démontre lu spiritualité de l’âme. J. Wûrsdôrfer, Erkennen und Wissen nach Greyor von Rimini, dans Beitrâge : ur Ceschichte der Philosophie des M. A., t. xx, fasc. 1, 1917, p. 122. Marsile d’Inghen remarque qu’il ne faut pas demander à une preuve métaphysique une évidence mathématique, G. Hitter, JSIarsilius von Inyhen, p. 115, n. 3 ; 126, n. 3 et 4 : on conçoit qu’avec les notions mouvantes de probabile et de persuasio, toutes sortes de nuances puissent s’introduire, qu’il faudrait préciser ; pour s’en convaincre, il suffit de lire les travaux de Michalski ; voir leur liste à la bibliographie.

4° Le nominalisme d’Occam se donne, sur les universaux, sur la relation, comme une interprétation d’Aristote, Nominalisme, col. 741 et col. 747. La 11e édition du Grundriss d’Uebcrweg signale justement qu’entre les nominalistes et leurs adversaires il reste la communauté de l’École : mêmes sources théologiques, mêmes sources philosophiques, à savoir I’aristotélisme, p. 585. Nicolas d’Autrecourt a l’intérêt d’un cas extrême, par son attitude à l’égard de I’aristotélisme, des rapports entre la foi et la raison, de toute la tradition de l’École : il paraît sortir de la communauté scolastique, voir art. Nicolas d’Autrecourt. Mais nous ne savons pas encore dans quelle mesure précise il dépend d’Occam. On peut se demander si l’on trouvera chez Jean de Mirecourt un radicalisme analogue.

Telles sont les quelques clartés qui paraissent se dégager de la masse des textes et du. hasard des études : le nominalisme et l’influence d’Occam nous paraissent dominer les universités des xive -xve siècles, mais nous ne pouvons encore donner du nominalisme une notion commune, ni mesurer avec quelque rigueur l’influence d’Occam.

P. Vignaux.

V. L’Église et la doctrine d’Occam. — Il était impossible que l’ensemble des doctrines présenté par Occam n’attirât, dès l’abord, l’attention des autorités ecclésiastiques. Celles-ci, au xir 8 siècle, avaient été sévères à Abélard. Au xme siècle, l’afflux en masse des idées aristotéliciennes dans la philosophie et la théologie ne les avait pas laissées indifférentes. Diverses condamnations, plus ou moins retentissantes, avaient été portées par certaines universités, par des évêques, par le Saint-Siège même. Ce n’était pas seulement l’averroïsme que l’on avait visé ; des thèses strictement aristotéliciennes, qui avaient d’ailleurs rallié le suffrage d’un Albert le Grand ou d’un Thomas d’Aquin, avaient passé quelque temps pour suspectes. Comment la dialectique d’Occam, la métaphysique qu’elle fondait, la théologie qui en découlait n’auraient-elles pas suscité les plus vives appréhensions ? D’autant que, à une époque où la logique jouait dans la formation des esprits un rôle dont nous nous faisons difficilement l’idée, à une époque où toute question donnait lieu à d’interminables argumentations scolaires, il était inévitable que de jeunes esprits, heureux de trouver matière à des syllogismes nouveaux, ne prissent feu pour une méthode dialectique qui leur permettait d’étonner les vieux maîtres. Contre ces tendances, les autorités académiques (ou n’oubliera pas que les universités étaient établissements d’Église), ne pouvaient pas ne pas réagir. Elles prirent des mesures à l’intérieur même des universités, le Saint-Siège, d’autre part, saisi de plaintes d’origine diverse, fut amené parfois à intervenir.

Dès 1324. nous l’avons dit, col. 866 sq., Occam, bachelier d’Oxford, était cité en cour d’Avignon pour répondre des enseignements développés par lui de vive voix ou dans son commentaire écrit des Sentences. Cette action pourrait bien être, au jugement d’A. Pel zer, la conséquence d’une plainte portée par le chancelier même de l’université. Quinze ans plus tard, c’est l’université de Paris qui s’émeut, prend des mesures préventives contre la diffusion de Poccamisme, en attendant que le procès de Nicolas d’Autrecourt et, plus tard, d’autres actions juridiques donnent au Saint-Siège l’occasion de se prononcer plus ou moins explicitement. Puis un calme relatif se fait, brusquement troublé par le grand éclat de 1474.

Le procès d’Occam en cour d’Avignon.

Nous ne

connaissons de.ee procès que le rapport adressé au pape Jean XXII par les censeurs. Ci-dessus, col. 868. C’est par conjecture seulement que l’on peut en rapporter le point de départ à une dénonciation du chancelier Jean Lutterell. Plus conjecturale encore est l’idée que cette dénonciation aurait été amenée par des troubles scolaires et de vives discussions autour des thèses proposées par Occam. Nous ne pouvons expliquer non plus comment, le rapport ayant été rédigé en 1326, aucune condamnation pontificale n’est intervenue avant la fuite d’Occam en mai 1328. Les diverses lettres de Jean XXII, relatives à Occam, ne font jamais mention que d’un procès encore pendant ; elles sont absolument muettes sur l’issue de cette action judiciaire. Si Occam, à partir de mai 1328, est plusieurs fois condamné, c’est par contumace, pour avoir rompu son ban et s’être par là rendu vivement suspect d’hétérodoxie, mais aucun jugement n’est porté sur les propositions doctrinales soumises à l’examen des censeurs apostoliques. Il semble d’ailleurs que, dans les années qui suivent, le Saint-Siège ne retienne plus, à l’endroit d’Occam, que son attitude politique. La rétractation qui lui est imposée par Clément VI, en 1349, voir col. 872, à une époque où ses doctrines philosophico-théologiques avaient déjà mis en émoi l’université de Paris, vise exclusivement les doctrines politico-ecclésiastiques du partisan de Louis de Bavière. Ces remarques étaient indispensables pour que fût apprécié à sa juste portée le document publié par A. Pelzer et que nous allons maintenant étudier.

Saisis par l’archevêque d’Aix de l’examen d’un cahier contenant 51 articles, extraits plus ou moins littéralement du Commentaire sur les Sentences d’Occam et aussi d’autres opuscules, les censeurs, au nombre desquels, — circonstance à noter, — figure le célèbre Durand de Saint-Pourçain, O. P. (cf. col. 883), ont respecté l’ordre des propositions, telles qu’elles leur étaient soumises. Ils ont fait suivre chaque article d’une qualification, d’ordinaire assez longuement motivée. Leur rôle n’était pas de rechercher si les articles, tels qu’ils figuraient dans l’acte d’accusation, reproduisaient strictement le texte de l’auteur incriminé, à plus forte raison n’avaient-ils pas à se demander si l’accusation avait été fidèle à rendre l’esprit même du texte original. Dans l’ensemble néanmoins il ne paraît pas que ces disjecta membra défigurent la pensée même de Guillaume d’Occam. La présence, parmi les censeurs, de l’ancien chancelier d’Oxford, Jean Lutterell, préoccupé d’arrêter la marche envahissante de cette « doctrine pest-ilentielle », si elle n’était pas, pour l’accusé, une spéciale garantie, permettait du moins à la commission d’enquête d’être Informée par un témoin oculaire de la façon dont on entendait, à Oxford, les thèses soutenues par le jeune bachelier.

Les articles examinés sont présentés sans aucun ordre apparent. Si les premières propositions donnent à penser que l’on s’occupe d’abord de la doctrine de la justification, elles sont interrompues par des textes relatifs à divers péchés, lesquels reviendront sous une forme analogue un peu plus loin. Des propositions d’ordre strictement philosophique viennent couper des développements théologiques, et ainsi de suite. Pour la clarté de la présentation, il nous paraît indispensable