Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/444

Cette page n’a pas encore été corrigée
869
870
OCCAM. VIE


op. cit., p. 246, n. 3. La « doctrine pestilentielle » dont le chancelier, poursuit en curie la condamnation, comme Jean XXII l’écrit au roi d’Angleterre, dans une lettre du 26 août 1324, ne peut guère être que l’enseignement professé à Oxford par le bachelier Guillaume d’Occam, notamment dans son explication du Maître des Sentences.

Ainsi, dates et explications, tout se rejoint. Dès qu’il commence à enseigner et à écrire, le jeune frère mineur excite, par la dialectique si nouvelle qu’il met en œuvre, par les conclusions qu’il en tire, de très vifs soupçons sur son orthodoxie, fin cahier contenant des articles extraits soit de son Commentaire, soit d’autres reportata en circulation (peut-être les sept quodlibet) est transmis à la curie. Guillaume y est convoqué vers 1324, pour y répondre des doctrines enseignées par lui. En gomme, il est aux prises avec l’inquisition pontificale, mais en jouissant d’une demi-liberté, interné qu’il est au couvent des mineurs d’Avignon. Comme d’autres causes analogues, celle de Jean de Pouilli (1321), celle d’Eckhart (1329), plus tard celle de Nicolas d’Autrecourt, la sienne traîne en longueur. En 1328, aucun jugement définitif n’a encore été rendu contre lui. On comprend les impatiences, les rancœurs du jeune moine, conscient de sa valeur et arrêté dans sa carrière. Or, à l’automne de 1327, arrive, en ce même couvent d’Avignon, le ministre général de l’ordre, Michel de Césène. Jusque-là Guillaume s’est peu intéressé aux questions de la pauvreté. Et puis il lui semble (il le dit équivalemment en 1334) que, le pape s’étant prononcé, la cause est jugée. C’est l’influence de son supérieur qui l’amène à étudier de plus près les constitutions pontificales, et aussi à le monter contre Jean XXII. On sait le reste et comment le 13 avril 1328, Occam, dans un document officiel (qui ne doit être publié qu’ultérieurement), se range du côté de Michel de Césène, n’attendant plus que l’occasion pour fausser compagnie à la curie romaine. Le 25 mai, le pas décisif est fait, Guillaume d’Occam est passé dans le camp de Louis de Bavière.

3° Au service de Louis de Bavière (1328-1349). — Le 8 juin 1328, Occam et les autres fugitifs arrivent à Pise. C’est au moment de la rencontre du frère mineur avec l’empereur que Trithème met dans la bouche de Guillaume le mot historique : imperator défende me gladio et ego defendam te verbo. Prononcé ou non, ce mot résume au mieux l’activité d’Occam durant la dernière partie de sa vie. Il s’associe d’abord à tous les actes de Césène contre Jean XXII : publication de l’appel rédigé en Avignon le 13 avril, déclaration du 18 septembre qui énumère les hérésies de Jean XXII et fait appel à l’Église catholique des mesures prises par celui-ci, Baluze-Mansi, Miscell., t. iii, p. 246-303, déclaration et appel du 12 décembre 1328, réitérant, sous forme plus brève, l’acte précédent, ibid., p. 303310, et affichés aux portes de la cathédrale de Pise en même temps que la sentence rendue par l’empereur contre le pape hérétique. Ibid., p. 310-314. Jean XXII a tout aussitôt commencé le procès de Césène, l’a fait déposer par le chapitre général, à la Pentecôte de 1329. C’est contre ces mesures que protestent Guillaume d’Occam et ses amis dans le manifeste Allegationes religiosorum vivorum, ibid., p. 315-323. Le pape, qui. le 20 avril 1329, avait solennellement excommunié Césène, Bull, franc, n. 786, lance, le 16 novembre de la même année, la bulle Quia vir reprobus où il ex ose tout au long la question de la pauvreté, s’explique sur son attitude et publie tout l’essentiel du procès de Césène. Bull, franc, n. 820. C’est Occam qui est chargé par les révoltés de répondre au texte pontifical. Il le fait dans VOpus nonaginla dierum qui date -vraisemblablement de 1330 et ne peut être, en tout cas, postérieur à 1332.

Entre temps, d’ailleurs, l’Italie a échappé à Louis ; en décembre 1329, l’empereur est rentré en Bavière. C’est à Munich, désormais, qu’il faut chercher le clan des théologiens et des religieux à ses gages, et c’est au couvent des mineurs de cette ville que l’on trouve Césène et ses dévoués partisans. Occam, semble-t-il, ne quittera plus guère cette maison. C’est là qu’il a dû recevoir communication de la sentence rendue par le chapitre général, réuni à Perpignan, à la Pentecôte de 1331, contre Césène et ses adhérents, Henri de Talheim, François d’Ascoli, Guillaume d’Occam, Bonagratia de Bergame et leurs complices : ils étaient chassés de l’ordre et condamnés à la prison perpétuelle. Texte dans Bzovius, Annales eccl., ad an. 1331, n. 2. Vainement les révoltés avaient tenté de conjurer le coup par un mémoire adressé au chapitre, le 25 avril 1331, où ils discutaient les allégations de la bulle Quia vir reprobus. Texte imprimé en appendice de VOpus xc dierum, dans Goldast, Monarchia, t. ii, p. 1236-1238.

Les réfugiés de Munich entendaient bien continuer la lutte. Pendant que Césène répliquait au chapitre général, Occam trouvait un nouveau grief à alléguer contre Jean XXII. Dans des sermons prêches en 1331 et 1332, le pape avait exposé sur le délai de la vision béatifique des opinions au moins aventureuses ; cf. ici, t. viii, col. 639. Occam en eut connaissance en janvier 1333 et procéda aussitôt à la réfutation en deux traités qui furent plus tard annexés au Dialogus, bien qu’ils n’aient nullement la forme de dialogue. Sur les erreurs de Jean XXII il reviendra encore, et longuement, dans la lettre au chapitre général rassemblé à Assise, à la Pentecôte de 1334, voir ci-dessus, col. 866. Avec quelque emphase il se glorifie de l’énorme quantité de papier qu’il a déjà noirci à ce sujet : Ad qum probanda (les hérésies de Jean XXII) plura volumina sunt édita et ego de hæresibus et erroribus memoralis et eis annexis de tenuitate jugeri mei scripsi manu mea quinquaginta sexlernos (cahiers de 6 feuilles) de communi forma papiri et adhuc habeo scribere quadraginta et amplius. Zeilschr. fur Kirchengesch., t. vi, p. 111. Il n’était pas du tout disposé à renoncer à la lutte.

Cependant Jean XXII était mort le 4 décembre 1334. C’est peu après cet événement qu’Occam rédige son Contra Johannem XXII, qui débute par les mots Non invenit locum psenitentise Jolannes. Le successeur de Jean, Benoît XII, s’annonçait comme un pontife pacifique et désireux démettre un terme à la querelle entre Louis de Bavière et la papauté. Mais, si l’empereur prêtait l’oreille aux insinuations pacificatrices de la curie, les franciscains révoltés n’entendaient pas renoncer aussi facilement à la lutte. Ils prétendaient que le premier devoir du nouveau pape était de condamner les hérésies de son prédécesseur. Et comme Benoît XII faisait au contraire l’impossible pour sauver la mémoire de Jean XXII, la lutte continua avec la même acuité. C’est ainsi qu’Occam écrit entre 1335 et 1338, un Compendium errorum papæ, où il énumère soixante-dix erreurs et sept hérésies attribuables à Jean XXII, et avant les événements dont il va être immédiatement question un Tractatus ostendens quod Benediclus XII nonnullas Johannis XXII hæreses amplexus est et défendit.

Cependant les princes allemands, au courant des négociations de l’empereur avec la curie, crurent le moment venu d’émettre, sur les limites du droit de l’Église en matière politique, une déclaration de principe. Ce fut l’objet de la fameuse « union électorale de Rense », 16 juillet 1338, affirmant que « celui qui est élu par la majorité des électeurs est roi par le fait, sans qu’il soit besoin de la confirmation du pape ». Quelques jours plus tard (8 août), la diète de Francfort déclarait contraire au droit la conduite de la curie romaine dans rafîaire de Louis de Bavière et nulle l’excommu