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N0VAT1EN. CAUSES DE LA CRISE


ciliation aux adultères : Mœchis a nobis pœnitentix lempus conceditur et pax datur. Ibid., n. 20. Nous n’avons pas de renseignements précis sur ce qui se passait alors à Rome, ou dans le reste de l’Église. Nous ne pouvons dire, en particulier, si les pratiques indulgentes jadis préconisées par Denys de Corinthe (cf. H. E., IV, xxiii, 6, P. G., t. xx, col. 385 B), s’étaient maintenues, ou si elles avaient dû céder devant l’envahissement du rigorisme consécutif à Ja crise montaniste.

Pour ce qui est de la réconciliation des apostats ayant fait acte d’idolâtrie, il semble que le rigorisme était à peu près général. C’est ce qui ressort de l’attitude que l’on prendra un peu partout au début de la persécution de Dèce. Cyprien, dans les Testimonia est formel dans le sens de l’exclusion définitive ; t. III, n. 28 : Non posse in Ecclesia remilli ei qui in Deum deliqueril, et il allègue les textes qui seront ressassés durant la controverse de l’âge suivant ; Mattli., xii, 32 ; Marc, iv, 28, sur le blasphème contre le Saint-Esprit ; I Reg., ii, 25 : Si in Deum peccet Iiomo, quis orabit pro eo ? Le péché contre Dieu est opposé ici aux péchés contre le prochain (adultère, homicide), cela ressort avec évidence de tout le contexte. Cf. Epist., xvi (9), n. 2. — Cette discipline pénitentielle s’est précisée à l’époque de la détente amenée par les règnes des empereurs syriens. A un moment où la persécution est tout à fait exceptionnelle, on comprend parfaitement la sévérité des chefs ecclésiastiques à l’endroit dés apostats. La terrible persécution de Dèce allait imposer de profondes modifications à cette attitude.

2° Troubles ecclésiastiques consécutifs à la persécution de Dèce. — Par son caractère systématique, par son extension, par l’acharnement que l’on mit à arracher aux chrétiens des marques d’apostasie, la persécution de 250-251 causa dans les Églises les troubles les plus profonds. Si elle fit des martyrs et des confesseurs, elle amena aussi un très grand nombre de défaillances. Les lapsi furent légion, les uns allant jusqu’à l’apostasie complète (sacriftcali, ayant offert le sacrifice prescrit par i’édit impérial), les autres se procurant par des moyens plus ou moins louches l’attestation d’une apostasie qu’ils n’avaient pas extérieurement commise (libellalici). Et parmi les sacrificati, il y avait aussi des degrés dans la culpabilité, depuis ceux qui étaient allés presque spontanément au-devant de la honte, jusqu’à ceux qui n’avaient cédé que sous la violence de la torture ou la.durée du cachot. Tous ces gens néanmoins étaient, selon le droit en vigueur, considérés comme des apostats ; leur exclusion de l’Église allait de soi. Mais beaucoup, au lendemain même de leur chute, demandaient leur réintégration. Us étaient nombreux, ils étaient impatients. Leurs requêtes prirent bientôt en certaines communautés un tour plus ou moins menaçant. La situation de beaucoup méritait la pitié. On comprend assez le trouble que tout cela devait amener dans les Églises.

1. A Carthage on peut dire que, dans l’ensemble, les lapsi firent une vigoureuse pression pour obtenir de rentrer dans l’Église. Us rencontrèrent dans les » confesseurs de la foi » un appui inattendu et dans certains prêtres des auxiliaires assez peu scrupuleux. Abusant d’un antique privilège, les confesseurs distribuaient sans discrétion des libelli pacis autorisant les porteurs à rentrer dans la communion ecclésiastique. Des prêtres se rencontraient pour accepter les lapsi, porteurs de ces billets, à l’offrande eucharistique et à la communion, sans aucune autre formalité. Du fond de sa retraite, l’évêque de Carthage protestait contre cette hâte, destructrice de toute discipline. Il finit par l’emporter, mais ne put empêcher un schisme qui détacha de lui un parti assez considérable, groupé autour de Félicissime, et où s’agitait particulièrement

DICT. DE THÉOL. CATH.

un prêtre nommé Novat (sur ce dernier voir surtout Cyprien, Epist., lu (49), n. 2 et.’i, qui fait de ce personnage un portrait peu flatté).

Mais, quoi qu’il en fût de cette opposition, il fut entendu, à Carthage, qu’aucune mesure générale ne serait prise sur le compte des lapsi avant la réunion d’une assemblée plénière, où l’on s’efforcerait de concilier à la fois les intérêts de la justice et de la miséricorde : ut niliil innouetur circa lapsorum causas, nisi omnes in unum conuenerimus et, collalis consiliis, cum disciplina pariler et misericordia temperatam sententiam fixerimus, Epist., xliii (40), n. 3. Le concile, qui eut lieu, la persécution s’étant relâchée, au printemps de 251, inclina en effet vers la miséricorde. Comme le dit Cyprien, Epist., lv (52), n. 6 : « Après avoir lu les textes de l’Écriture dans les deux sens, nous avons adopté, avec un sage tempérament, un moyen terme : d’une part, l’espérance de la communion ne serait point totalement refusée aux lapsi, de peur que le désespoir ne les portât davantage au mal et que, voyant l’Église fermée devant eux, ils ne suivissent le siècle pour vivre en païens ; d’autre part, la sévérité évangélique ne serait pas non plus énervée par une admission en bloc et à la légère à la communion ; mais plutôt la pénitence durerait longtemps, pendant laquelle on invoquerait avec douleur la paternelle bonté ; les cas seraient d’ailleurs examinés un à un, les intentions aussi et les circonstances atténuantes, conformément au texte de l’opuscule (malheureusement pas conservé) où les points du règlement sont détaillés. » Quelques précisions sont données un peu plus loin : « Les libellaliques seront admis incessamment, les sacrificati assistés (faut-il traduire réconciliés ? ) au moment de la mort : libellalicos intérim admilti, sacr ificatos in exilu subveniri. » lbid., n. 17. (Sur le sens de l’adverbe intérim, voir H. Koch, Cyprianische Unters., p. 213, 264.) Suivent, dans le texte de la lettre de Cyprien, des explications qu’on pourrait être tenté de prendre comme les considérants de la décision synodale : « C’est qu’il n’y a plus de confession aux enfers et que l’on ne peut obliger à faire pénitence, si on supprime tout espoir d’obtenir le fruit de la pénitence (la réconciliation). » A quoi s’ajoute néanmoins une phrase qui rectifie ce qu’il y aurait de trop absolu dans ce qui précède : Neque prœjudicamus Domino judicaturo. On sent toute l’hésitation du concile et de Cyprien. La vieille pratique de la réserve même à l’article de la mort apparaît, si l’on ose dire, cruelle : elle semble préjuger la décision divine. Pourtant Cyprien se raidit contre cette conclusion et essaie de maintenir jusqu’à un certain point l’ancienne théorie : Le pécheur est simplement abanconné à la miséricorde de Dieu.

Ainsi le concile en question marque une date importante dans l’histoire de la pénitence. Il ouvre dans la vieille pratique de la réserve une brèche beaucoup plus large qu’on ne l’avait fait au début du iiie siècle. "Mais surtout il pose, non sans hésitation, des principes qui finiraient bien vite par avoir raison de cette pratique. Dès l’année suivante, d’ailleurs, en mai 252, en raison de nouvelles menaces de persécution, le synode d’Afrique accordait la réconciliation à tous les lapsi qui avaient fait pénitence. Voir lettre synodale, Epist., lvii (54).

Pour achever de décrire l’évolution qui se passe alors en Afrique, il convient d’ajouter que le schisme de Félicissime avait amené Cyprien à réfléchir sur une question connexe à celle de la pénitence. Le traité De unitate Ecclesise avait explicité le principe que l’appartenance à l’Église était une condition indispensable de salut : Nec perveniet ad Christi prœmia qui reliquit Ecclesiam Christi ; alirnus est, profunus est, hoslis est. Habcre non potest Deum patrem

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