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NOTIONS (DANS LA TRINITÉ)


pas à notifier pleinement la personne du Père et celle du Fils, du moins dans la relation qui oppose l’une et l’autre à la personne du Saint-Esprit et qui, par cette opposition, distingue de l 'Esprit le Père et le Fils. Or, il était impossible de désigner cette relation par un nom concret qui eût laissé supposer une personne distincte de la personne du Père et de celle du Fils. Il fallait donc trouver un nom abstrait qui marquât l’opposition du Père et du Fils au Saint-Esprit, sans insinuer l’existence d’une quatrième personne.

Ce concept de notion divine ne s’impose pas à la foi catholique, l'Église n’ayant jamais rien défini à cet égard. Toutefois, il répond à un enseignement commun que les Pères eux-mêmes ont retenu. Cf. S. Grégoire de Nazianze, Orat., xxxix, n° 11, 12, P. G., t. xxxvi, col. 345, 348 ; et S. Augustin déclarant expressément : Alia nolio est qua intelligitur Genilor, alia qua inqenitus. De Trinitate, t. V, c. vi, P. L., t. xlii, col. 915. Prépostin, au Moyen Age, nie la possibilité de s’exprimer de cette façon relativement aux personnes divines.

2. Combien y a-t-il de notions divines'? — En reprenant les trois éléments de la notion, il apparaît que trois notions peuvent nous faire connaître Je Père : le Père n’a pas de principe dont il procède ; la négation d’une relation constitue donc une première notion, Vinnascibilité. Mais le Père est le principe du Fils, et, conjointement avec le Fils, le principe de l’EspritSaint ; d’où, deux autres notions, paternité et spiration active. — Le Fils est engendré par le Père, et avec lui, est le principe du Saint-Esprit ; d’où notions de filiation et de spiration active. — Enfin, l 'EspritSaint procède du Père et du Fils comme d’un seul principe ; d’où une seule notion pour faire connaître l’Esprit, la spiration passive ou procession. La spiration active étant commune au Père et au Fils, il ne reste donc que cinq notions.

Bien que communément reçue, cette doctrine ne s’impose pas au point de vue de la foi. Aussi ne faut-il pas s'étonner que Scot ait voulu, pour l’Esprit-Saint, trouver une deuxième notion : ]' infécondité.

Il faut observer avec Billot, De Deo trino, th. xvju, note, que, pour les notions négatives, seule l’innascibilité du Père marque en la personne une dignité véritable et doit donc être retenue comme notion. De plus, la multiplication des notions par mode de négation, loin de rendre plus manifeste le mystère de la trinité, ne ferait que l’obscurcir.

Si nous ne devons compter que cinq notions, nous pouvons admettre en Dieu un nombre plus grand de termes notionnels. Ce sont les noms propres des personnes divines, au nombre de neuf, trois pour chaque personne : Principe, Père, Inengendré ; — Fils, Verbe, Image ; — Esprit-Saint, Amour, Don. Voir Sum. Iheol., I a, q. xxxiii, a. 1-4 ; xxxiv, a. 1-2 ; xxxv ; xxxvi, 1 ; xxxvii, a. 1 ; xxxviii.

3. Notions et propriétés.

Notions et propriétés s’indentifient en réalité, en Dieu, tout comme dans l'Église, s identifient les notes et les propriétés. Néanmoins l’aspect de la notion et celui de la propriété n’est pas le même. La notion nous fait discerner les personnes entre elles ; elle répond à une question de notre intelligence. La propriété, comme telle, est indépendante de notre intelligence, elle est, en Dieu, ce qui convient à la personne.

Notons sur ce point une assez grande divergence d’appréciation entre les auteurs. Cf. L. Jannssens, De Deo trino, p. 438-440. Il suffit de parcourir les manuels pour y percevoir sur la question des propriétés personnelles en Dieu des hésitations non déguisées. Les uns acceptent volontiers que toute notion implique une propriété, celle-ci s’entendant de ce qui convient

à une ou même deux personnes (p. ex. la spiration active), mais non pas aux trois. Ainsi, il y aurait en Dieu cinq propriétés, comme il y a cinq notions. D’autres auteurs considèrent que la spiration active étant commune au Père et au Fils ne saurait vérifier Je caractère exclusif de la propriété et ne doit donc être considérée comme propriété qu’en un sens très large. Il ne faudrait donc admettre en Dieu que quatre propriétés au sens strict du mot : l’innascibilité, la paternité, la filiation et Ja procession ou spiration passive. Cf. S. Thomas, Comp. theol., c. lix. Dans un sens plus strict encore, on ne considérera comme propriété personnelle que celle qui constitue la personne. Or, l’innascibilité ne comportant qu’une négation de relation ne constitue pas la personne du Père ; il n’y aurait donc que trois propriétés personnelles, la paternité, la filiation, Ja spiration passive.

II. Les actes notionnels.

La théorie dos notions amène Jes théologiens à concevoir l’ordre de l’origine dans les personnes divines comme manifesté par des actes « notionnels ». L’origine d’une personne, en effet, ne nous est manifestée ni par la personne dont elle procède, ni parla relation qui la constitue ou les propriétés qui lui conviennent. Nous ne pouvons la concevoir qu’en imaginant un acte en Dieu qui la produise. Cet acte producteur de la personne est dit acte notionnel. Redisons encore ici que, dans la réalité, les origines des personnes en Dieu s’identifient avec les propriétés personnelles, ou plus exactement que propriétés, origines, notions, relations ne sont qu’une seule et même chose ; c’est un besoin de notre esprit abstractif qui nous oblige à concevoir en Dieu des actes par lesquels s’explique l’origine du Fils par rapport au Père, de l’Esprit par rapport au Père et au Fils. La Sainte Écriture d’ailleurs s’exprime de façon à justifier la conception des actes notionnels ; elle dit que le Père engendre le Fils, Ps., ii, 7 ; que le Père donne au Fils, Joa., x, 29 ; qu’il lui montre, Joa., v, 20 ; que l’Esprit reçoit, entend, etc., Joa., xvi, 13-14.

S’identi liant en réalité avec les relations d’origine, les actes notionnels sont au nombre de deux, avec, pour cliacun, Je double aspect actif et passif. C’est la génération qui explique l’origine du Fils procédant du Père (gignere et gigni). C’est la spiration qui explique l’origine de l’Esprit procédant du Père et du Fils (spirare et spirari). Les actes notionnels ne diffèrent donc des reiations que par notre mode de concevoir.

Dans Ja question xii, saint Thomas lait plusieurs remarques qu’il est bon de souligner :

1° Les actes notionnels sont, en Dieu, naturels et non volontaires, si par volontaire on entend ce qui serait librement posé par Dieu sans nécessité de nature. Cette remarque est utile pour détruire le sophisme des ariens, déclarant que Dieu a engendré le Fils par sa volonté, comme il a engendré les créatures, loc. cit., a. 2.

2° Les actes notionnels de génération et de spiration doivent être, pour sauvegarder la consubstantialité des personnes, conçus comme des productions, non créatrices « ex nihilo », mais communicalives de la substance divine unique et commune aux trois personnes. Par là, tout en maintenant l’unité de la nature et Ja consubstantialité des personnes, on affirme la distinction de celles-ci. Ibid., a. 3.

3° Enfin, la théorie des actes notionnels amène le théologien à concevoir en Dieu une puissance active de génération et de spiration. C’est évidemment encore une façon de concevoir et de parler empruntée à l’ordre de notre connaissance naturelle, mais dont la nécessité s’impose à notre esprit pour mettre de la clarté dans l’exposé du dogme trinitaire. Cette puissance active de génération et de spiration s’attache