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NORIS


les jésuites de Rimini. Dès sa prime jeunesse il était un lecteur assidu des l’ères et spécialement de saint Augustin. C’est par amour pour ce grand docteur qu’il entra chez les ermites professant sa règle. Appelé à Rome par le général de cet ordre, il eut dès lors à sa disposition de riches bibliothèques et la compagnie de savants réputés ; il y rencontra entre autres, son illustre confrère, Chrétien Wolf (Lupus) qui, fuyant les orages excités autour de lui à l’université de Louvain, avait trouvé, par ordre d’Alexandre VII, un refuge dans la Ville éternelle. C’est lui, peut-être, qui précisa la vocation du jeune Noris, devenu son ami intime et son compagnon inséparable dans la visite des antiquités romaines. Wolf dédia à ce jeune homme son épître : De clirisliana conlritione, proclamant qu’il ne pouvait rien lui arriver de plus heureux que de l’avoir rencontré : « Toi, lui dit-il, qui, marchant sur les traces de ton père, Onuphre Panvinio, versé non seulement dans la scolastique et la théologie dogmatique, connais aussi a merveille l’antiquité profane et sacrée : souvent, lorsque nous visitions ensemble les grandes basiliques de la Ville, tu évoquais pour moi, le plus savamment du monde, les faits de la République et de l’Église qui avaient eu ces lieux pour théâtre… »

Noris avait projeté de réviser les Annales de Baronius ; mais il fut devancé dans cette œuvre par le P. Pagi. Il revint dès lors à ses premières amours : saint Augustin ; et, pour mettre mieux en lumière la doctrine de celui-ci, entreprit son Histoire de l’hérésie pélagienne. Il avait vingt-sept ans lorsque ses supérieurs l’envoyèrent professer la théologie aux couvents dePesaro, puis de Péiouse, et enfin de Padoue. Puis, il fut rappelé à Rome, reçu docteur, et nommé par Clément X qualificateur du Saint-Office. En 1673 parut à Padoue son Histoire du pélagianisme qui souleva des Umpêtes à divers reprises et même après la mort de l’auteur.

Cependant Antoine Magliabecchi avait signalé à Côme III, grand-duc de Toscane, le rare mérite du P. Noris. Le grand-duc nomma celui-ci son théologien ordinaire, l’appela d’abord à Florence en 1673, puis créa pour lui la chaire d’histoire ecclésiastique à l’université de Pise. De plus il lui confia l’éducation de Jean-Gaston, son fils. L’enseignement donné par Noris à Pise lui fournit l’occasion d’approfondir nombre de questions relatives à l’archéologie et à la philologie profanes et sacrées. Il fit paraître ainsi de nombreux et précieux travaux d’érudition, dont l’énumération n’entre pas dans notre cadre. Le grand-duc lui avait offert l’évêché de Pistoie, qu’il refusa obstinément. Christine de Suède lui avait envoyé le diplôme de l’Académie, fondée par elle, et qui devint l’Arcadie. Clément X et Innocent XI le voulaient à Rome : Noris refusait toujours, pour garder sa liberté et ses loisirs. Enfin Innocent XII exigea le retour de Noris. Pour l’avoir près de lui, il lui voulut confier l’office de sacriste du Sacré-Palais, charge réservée à son ordre. Noris déclina l’offre. Mais, après la mort de Schelstrate en 1692, il accepta volontiers la place de premier custode de la bibliothèque vaticane. Enfin, malgré ses résistances, Innocent XII le créa cardinal-prêtre du titre de Saint-Augustin, le 12 décembre 1695, l’inscrivit à plusieurs Congrégations, et finalement lui donna la succession du cardinal Casanata comme bibliothécaire de la Sainte Église. Noris ne songea pas à interrompre pour autant ses doctes travaux, prit part notamment aux études faites alors en vue de la correction du calendrier. Il intervint au conclave qui élut Clément XL II mettait la dernière main à une Histoire des donatistes, lorsqu’il mourut d’hydropisie le 22 février 1704. Il fut inhumé dans son église titulaire, où l’on voit son buste en marbre blanc, surmon tant son tombeau modeste, orné d’une épitaphe en vers, à droite de la porte de la sacristie.

Cet homme avait manifesté, depuis sa jeunesse, une puissance de travail remarquable. De 20 à 44 ans il donnait chaque jour 14 heures à l’étude, se contentait de cinq heures, parfois de trois heures, de sommeil, ne prit jamais de vacances, ne quitta presque jamais, même pour une promenade, la ville de Rome, lorsqu’il y fut revenu. Ses connaissances étaient fort étendues en histoire, chronologie, numismatique, archéologie ; son érudition était solide et critique. Il fit l’admiratioi de tous les gens de science de son temps.

IL Œuvres. — Au cours de sa longue carrière, Noris fit paraître un nombre considérable d’ouvrages ; il en laissa d’autres manuscrits. L’ensemble de cette œuvre a été publié en 4 vol. in-fol. par les deux frères Ballerini : Henrici Norisii Veronensis augusliniani opéra omnia nunc primum collecta alque ordinata, Vérone, 1729-1732, à quoi il faut ajouter un travail rédigé en italien, qui parut à Mantoue, en 1741, avec un recueil de lettres. — Cette œuvre se répartit à peu près également entre l’archéologie et la chronologie d’une part et l’histoire des doctrines chrétiennes d’autre part.

1° Nous ne ferons que mentionner les travaux de la première catégorie bien qu’ils intéressent parfois les disciplines ecclésiastiques : 1. Annus et epochæ Syromacedonum in veluslis urbium Syrise nummis præsertim Mediceis quinque disserlationibus exposilæ, Florence, 1689 ; Œuvres, t. ii, col. 1-593, travail de numismatique extrêmement remarquable. — 2. Dissertations 1res quarum prima Fastos consulares anonymi exhibet et illustrât, altéra Cyclum paschalem latinorum annorum LXXXIV dilucidat, lertia Cyclum paschalem Ravennatem explicat, Œuvres, t. ii, col. 594-849. — 3° Epistola consularis in qua collegia LXX consulum ab anno christianse epochas XXIX usque ad annum CCXXIX, in vulgatis Faslis hactenus perperam descripta, corriguntur, supplentur et illustrantur, t. ii, col. 850-1058, précieux pour la chronologie chrétienne des deux premiers siècles. — 4. Duplex disserlalio de duobus nummis Diocleliani et Licinii cum auctario chronologico de volis decennalibus imperalorum ac esssarum, ibid., t. ii, col. 1059-1238, important pour fixer quelques points de l’histoire de la grande persécution. — 5. Cenolaphia Pisana Caii et Lucii Csesarum, Œuvres, t. iii, col. 1-774, étude d’archéologie profane.

2° D’un intérêt beaucoup plus considérable pour le théologien sont les ouvrages consacrés par Noris à l’histoire des doctrines chrétiennes. Cet intérêt leur vient non seulement de leur contenu, mais des controverses qu’ils ont suscitées. Ces controverses jettent, en effet, un jour curieux sur l’état d’esprit qui régnait pour lors.

1. Le point de départ des travaux de Noris, c’est son Historia pelagiana. Il la composa dans les années 1670-1672, au moment où les querelles entre jésuites et jansénistes commençaient à s’apaiser (Paix de Clément IX, 1669). Le tumulte de la bataille étant calmé, Noris, fervent augustinien, pensa rendre quelques services à la théologie en précisant sur les points en litige la pensée de saint Augustin, dont les jansénistes s’étaient réclamés avec fracas, dont les jésuites avaient cherché à tirer à leur doctrine diverses assertions, et contesté certaines autres. Il importait avant tout de fixer historiquement la position du problème, et la plus grande partie du travail de Noris se cantonnait dans l’exposition sereine des événements qui avaient précédé, accompagné et suivi la crise pélagienne et son prolongement semi-pélagien. Mais l’auteur ne gardait pas jusqu’au bout cette sérénité et la dernière partie de son travail prenait parti contre