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NOMS DIVINS

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ailleurs, il y a absolue impossibilité à ce qu’une intelligence s’élève naturellement à la vision intuitive de l’essence divine. Voir Intuitive (Vision), t. vii, col. 2352. Pour les élus eux-mêmes, admis à la vision béatifique, l’incompréhensibilité divine subsiste. Ibid., col. 2380. Aussi certains théologiens, comme Banez, Sylvius, dans leur commentaire sur cette question XIII, concluent-ils que les bienheureux eux-mêmes ne peuvent donner à Dieu un nom exprimant la quiddité divine. Toutefois, avec Gonet, Billuarl, et nombre de thomistes, il faut reconnaître qu’en un certain sens les élus peuvent nommer l’essence divine comme telle. Ce nom cependant ne saurait être exprimé par eux, car dans la vision intuitive, il n’y a ni espèce impresse, ni espèce expresse ; mais « ce nom n’est autre que Dieu lui-même en tant qu’il est connu et atteint par les bienheureux dans la vision intuitive ». L. Jansscns, De Deo uno, t. i, p. 487. Encore faut-il ajouter que « ce nom divin ne comporte de signification adéquate à sa compréhension qu’en Dieu lui-même ». S. Bonaventure, In IIum Sent., dist. XXII, q. i.

2° Dans le second cas, les termes employés sont consécutifs à une connaissance de Dieu, obtenue soit pur voie de raisonnement en partant des choses créées, soit par le moyen de la révélation. En conséquence l’homme a la possibilité de désigner la substance ou les attributs divins par des termes qui expriment la vérité, quoique d’une manière imparfaite.

Il est certain que, par le raisonnement, nous pouvons naturellement parvenir à une connaissance des attributs divins, voir ce mot, t.), col. 2223, soit par la voie de la causalité, en remontant des effets à la cause première, soit par la voie d’éminence ou d’excellence, voir Éminence (Méthode d'), t. iv, col. 2422, soit par la voie d’exclusion, en affirmant de Dieu une perfection qui exclue les imperfections créées. Voir Attributs divins, t. i, col. 2226. Souvent même sinon toujours, c’est en unissant les trois voies que nous parvenons à « nommer » Dieu. S. Thomas, De potentia, q. vii, a. 5, ad 2um. Dans le texte indiqué, saint Thomas donne comme exemple la sagesse. Par la voie de la causalité, nous affirmons de Dieu qu’il est sage, puisqu’il cause la sagesse dans les êtres créés. Par la voie d’exclusion, nous disons que Dieu n’est pas sage à notre manière, puisqu’en lui la sagesse n’est pas un attribut s’ajoutant à la nature. Et, puisque cette négation est justifiée par la suréminente sagesse, qui en Dieu ne fait qu’un avec la divinité, nous pouvons, par la voie d’éminence, affirmer de Dieu qu’il est supersapiens. Plus simplement les attributs connus par la voie de négation, par exemple, l’incorporéité, l’immutabilité, l’infinité, sont dits attributs négatifs.

Par la révélation, nous arrivons à la connaissance non seulement des attributs divins, mais encore, dans une certaine mesure, de la substance même de Dieu. Nous savons que cette substance est l’être par luinunie subsistant. Sur la révélation du nom propre de Dieu, Exod., iii, 13-14, voir Dieu, t. iv, col. 954. Nous savons aussi que l’unique substance divine est en trois personnes égales et distinctes, la seconde procédant de la première par voie de génération, la troisième procédant des deux autres comme d’un seul principe. Et ainsi, à Dieu, connu dans sa vie intime, nous appliquons les notions de nature, d’essence, de personne, d’hypostase, de relation, de procession. Nous désignons le mode de procession par des termes empruntés au monde créé : génération et spiration. Nous appelons la première personne : Père, Principe, Inengendré, la seconde : Fils, Verbe, Image du Père, la troisième : EspritSaint, Amour, Don. Nous plaçons en Dieu des actes par lesquels se développe la vie intime de la Trinité, et qui nous font connaître l’origine des personnes, et par là nous nommons les notions et les propriétés qui nous permettent de distinguer une personne de l’autre. Voir Notion, col. 802. Toutes ces façons de parler montrent bien que notre intelligence entend exprimer la vérité qu’elle peut atteindre relativement à Dieu.

Cette expression, évidemment, est déficiente, car aucun langage humain ne pourra jamais traduire parfaitement les réalités divines. Néanmoins, il faut admettre que, malgré leur imperfection, les termes humains employés pour désigner les choses divines, expriment la vérité. Cette affirmation résulte de la possibilité de connaître Dieu par le raisonnement et par la révélation, possibilité qui a été démontrée ailleurs, voir Agnosticisme, t. I, col. 603 ; Dieu, (Connaissance naturelle de), principalement § ix et xi ; Mystère, t. x, col. 2594, et qui a été définie au concile du Vatican, sess. ni, c. il et iv, et canons correspondants. Denz.-Bannw., n. 1785-1786 ; 1795-1796 ; 1801-1816.

II. La signification des termes dont nous nous servons pour désigner Dieu et ses perfections.

Ici encore nous devons distinguer l’ordre de la connaissance naturelle et celui de la connaissance surnaturelle.

Dans l’ordre de la connaissance naturelle.

1. Les différentes solutions. —

La discussion s’établit ici entre trois solutions, celle des nominalistes, celle des scotistes, celle de l’école thomiste.

Pour sauvegarder l’absolue simplicité de Dieu, les nominalistes, reprenant l’opinion du juif Maimonide, placent la vérité des « noms divins » en ce que l’objet qu’ils expriment se trouve en Dieu virtuellement, c’est-à-dire comme en la cause première de toutes choses. Mais, à ce compte, la corporéité devrait se trouver en Dieu au même titre que la spiritualité. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. xiii, a. 2. Parla, tous les noms divins seraient purement synonymes ; il n’y aurait, par exemple, entre la justice divine et la miséricorde qu’une distinction de mots, distinction de raison raisonnante, purement subjective, sans fondement dans la réalité. Au dire de saint Thomas, cette opinion est contraire à la foi, De potentia, q. vii, a. 5 ; cf. Sum. theol., loc. cit., et a. 5. Ne détruit-elle pas, en effet, toute connaissance rationnelle de Dieu ? « Nous ne saurions de Dieu que des paroles vaines, et toute démonstration de Dieu serait sophistique, propter fallaciam sequivocationis. « De potentia, q. vii, a. 7. Aussi l’Église a-t-elle condamné les propositions 23 et 24 d’Eckart, (lequel est, d’ailleurs aux antipodes du’nominalisme) visées par Jean XXII, Denz.-Bannw., n. 523-524. Voir Eckart, t. iv, col. 2063-2064 ; et Dieu (Connaissance naturelle de), t. iv, col. 767-771 ; Attributs divins, t. i, col. 2232.

A l’opposé, et pour éviter cet agnosticisme, Duns Scot a cru devoir poser en Dieu une multiplicité actuelle-formelle d’attributs et de perfections. C’est sa fameuse distinction formelle ex natura rei qui commande cette solution. Voir Attributs divins. col. 2233, et Duns Scot, t. iv, col. 1875. Parla, en Dieu, la distinction des attributs exprimés par les noms divins serait antérieure à notre conception de ces attributs. Mais les thomistes font observer qu’il y aurait là un commencement d’anthropomorphisme qui rappelle le réalisme exagéré de Gilbert de la Porrée, condamné au concile de Reims et que voulait éviter Scot. Cf. Garrigou-Lagrange, Dieu, son existence et sa nature, Paris, 1927, p. 517. Sur le réalisme de Gilbert de la Porrée, voir t. vi, col. 1353 ; Dieu, t. iv, col. 11651167 ; Attributs divins, t. i, col. 2232. Ainsi, pour les nominalistes agnostiques, la seule vérité répondant aux noms divins est la déité suréminente à toute dénomination, et qui, par là, demeure inconnaissable ; rien ne convient, même de façon simplement analo-