Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/392

Cette page n’a pas encore été corrigée

765

    1. NOMINALISME##


NOMINALISME. LA PUISSANCE DIVINE

766

on peut opposer ce principe d’économie : si non necessario requiritur caritas creata, ergo totaliter super/luum, sed nihil superfluum est in divinis actibus, etc., / Sent., dist. XVII, q. iii, D. Occani écarte l’objection : fréquenter facit Deus mediantibus pluribus quod posset facere mediantibus paucioribus, nec ideo mate facit quia, eo ipso quod ipse vult, bene et juste factum est, ibid., F. Si nos explications humaines sont tenues de respecter le principe d’économie, l’action divine s’en moque, en des points essentiels ; cf. infra col. 769 et col. 775 : Dieu n’est assujetti à aucun principe d’ordre, pas même celui de ne rien faire en vain.

b. Pas d’ordre intérieur au vouloir divin. — Cette volonté première, identique à l’essence divine et principe de l’ordre, est un acte simple, aussi rebelle à l’analyse qu’à l’explication : ayant exclu tout ordre antérieur, on pourrait admettre cependant un ordre intérieur au vouloir divin. Le Docteur Subtil applique à Dieu ce principe : ordinate volens finem et ea quee sunt ad finem, prius vult finem quam aliquid eorum quæ sunt ad finem et propler finem vult alia. Occam répond, une fois de plus, à cet essai de psychologie divine : non videtur bene dictum quod Deus velil prius finem quam illud quod est ad finem, quia non est ibi lalis prioritas acluum nec sunt ibi talia instantia qualia ponit, I Sent., dist. XLI, q. i, D, E. Toujours la simplicité radicale et la perfection absolue de Dieu : ce sont elles qui nous empêchent d’assigner une raison aux décrets divins, et même d’y trouver un ordre.

c. Un ordre postérieur au vouloir divin. — Dans nos propositions, nous trouvons une double nécessité, duplex est nécessitas, scilicet absoluta et ex supposilione, Nécessitas absoluta est quando aliquid simpliciter est necessarium ita quod ejus opposilum esse verum incluait contradiclionem, et sic hsec absolute est necessaria : homo est risibilis, Deus est, et hujusmodi, quia contradiclio est quod hsec sint falsse et contradictorise veræ. Nécessitas ex supposilione est quando aliqua condilionalis est necessaria quamvis tam antecedens quam consequens est contingens, vel quando aliqua talis consequentia est necessaria, tune dicitur nécessitas ex supposilione. Quodl., VI, q. ii. Il y a des propositions en matière nécessaire et en matière contingente : les unes ont une nécessité absolue, les autres une nécessité hypothétique. L’ordre institué par Dieu ne s’exprime point par les premières, mais par les secondes : supposé que Dieu ait établi telle loi, il suit que… Comme, identique à Dieu et absolument parfaite, la volonté divine est immuable, les lois qu’elle pose sont choses stables. D’après Biel, leur nécessité hypothétique est une nécessité d’immutabilité, nécessitas immutabilitatis, Collect., II, dist. XXVII, q. i, a. 3, dub. 4, O.

S’il y a des lois de la nature et de la grâce, ce n’est pas qu’il y ait un ordre antérieur ou intérieur au vouloir divin, c’est que l’immutabilité de ce vouloir assure la stabilité de l’ordre créé : voilà ce que devient toute loi quand le monde apparaît comme l’œuvre d’un Dieu absolument parfait et simple, qui est volonté et liberté, mais entendement aussi et raison, Deus est rationabiliter operans. Au principe de la création et de son ordre, il y a un choix.

c) Le sens du possible.
Un choix suppose un horizon de possibilités : Occam concède que l’entendement juge du possible avant que la volonté décide de le créer, intellectus divinus prius judicat creaturam creabilem quam volunlas velit esse creabile, I Sent., dist. XXXVI, q. i, CC ; l’entendement précède la volonté pour autant que l’entendement ne connote pas et que la volonté connote la réalité de la créature. C’est le lieu de rappeler que la créature n’a qu’un seul mode d’être : l’existence réelle, qu’il n’existe ni intelligibles ni idées ; cf. supra, 2°, 1, (col. 759). Aussi faut-il admettre une connaissance du possible sans imaginer un monde des possibles : nous croyons que Dieu n’ignore pas les possibles, ni même l’impossible, factibilia et infactibilia, (col. 761), mais nous ne pouvons dire comment.

Pour Duns Scot, le possible est un intelligible, qui a son principe dans l’entendement divin, primo intellect lus divinus producit rem in esse intelligibili in primo instanti naturæ, ’et secundo instanti naturæ habet seipso formaliter esse possibile ; des choses possibles séparément sont parfois impossibles ensemble : ce sont des incompossibles ; l’impossible paraît alors au regard divin, sicut Deus producit possibile in esse possibili, ita producit utrumque incompossibilium quai includuntur in impossibili, in esse formaliter possibili, et illa producta seipsis formaliter sunt incompossibilia ; de cette incompossibilité devant l’entendement procède l’impossibilité d’être réalisé, qui vaut pour toute puissance, même celle de Dieu, islam incompossibilitalem eorum sequitur incompossibilitas respectu cujuscumque agentis, 1 Sent., dist. XL III, q. ii, D. L’entendement divin produit des intelligibles ; ces intelligibles définissent du possible et de l’impossible ; le possible et l’impossible sont la loi de la puissance divine, qu’ils précèdent.

Pour Occam, le possible et le posse facere, l’impossible et le non posse facere sont des corrélatifs dont l’un ne saurait précéder l’autre, neutrum est magis causa alterius quame converso, loc. cit., D. Chercher au possible comme tel une cause ou un principe, cela n’a point de sens, car être possible n’est, en soi, rien, quicquid creatura habet reale tanquam aliquid sibi inhærens habet a Deo tanquam a principio, sed non quicquid sibicompetit principaliter a Deo, nisi illomodo quo habet taies prsedicationes a Deo, quia taies prædicationes quando sunt in actu et realiter, tune sunt a Deo, loc, cit. F, le possible n’a de réalité que dans le jugement où il entre, ce n’est rien qu’un prédicable, esse possibile competit creaturæ ex se, non realiter tanquam aliquid sibi inhærens, sed vere est possibilis ex se, sicut homo ex se est non asinus, loc. cit., F. Quand je dis : « L’homme est un non-âne », « non-âne » n’est pas une détermination réelle de l’homme, mais seulement un prédicat qui lui convient. Pas plus que l’universel, ou l’attribut de Dieu, le possible ne possède une entité propre. Ce nominalisme du possible doit cependant expliquer que nous jugions non seulement des réalités, mais encore des possibilités. Voici l’explication :

Pour que l’horizon du possible se découvre au regard de l’esprit, il suffit de considérer les choses de potentia Dei absoluta. Nous les pensons alors comme contingentes, pouvant être autres qu’elles ne sont, ce qui est opposer un possible au réel : comme la puissance divine s’étend à tout ce qui ne fait pas contradiction, en tout point où la réalité présente une distinction : l’unique distinction réelle ; cf. supra, II, 4° ; nous concevons comme séparables les choses qu’elle unit. Pour faire paraître le possible, il suffit d’une analyse du réel, du’point de vue de la toute-puissance : le réel, ce sont des choses ensemble ; le possible, c’est l’une sans l’autre ; cf. infra, col. 767 sq. ; 774 sq. Une pensée, qui part d’un Dieu tout-puissant et règle son mouvement sur la théorie des distinctions découvre le possible à partir du réel.

Nous connaissons le possible ; Dieu aussi le connaît ; mais nous ne pouvons dire comment. Devant Dieu, le comment n’a pas plus de sens que le pourquoi : la perfection de Dieu et la théorie des distinctions nous interdisent de trouver dans les choses divines un principe ou un processus quelconque. Pour comprendre le Dieu tout-puissant que confesse le Credo, les théologiens avaient multiplié les analyses de l’être divin. Occam les refuse toutes : Dieu connaît par cela même qu’il est Dieu ; Dieu veut par cela même qu’il est Dieu ; nous sommes ramenés à la déité, deilas, que sa simplicité fait incompréhensible.