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    1. NOMINALISME##


NOMINALISME. CONSÉQUENCES MÉTAPHYSIQUES

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parables devant notre pensée et pour la puissance de Dieu ; si la relation se distingue ainsi de ses termes, elle en devient séparable, ce qui conduit à toutes sortes d’absurdités.

3. Le nominalisme de la relation.

Pour échapper à ces absurdités, avouons que la relation n’ajoute pas une réalité nouvelle à la réalité absolue de ses termes. En conséquence :

En dehors des substances et qualités, qui existent absolument, il n’y a point de réalités distinctes : præter res absolutas, scilicel substantias et qualitales, nulla res est imaginabilis née in actu nec in potentia, loc. cit. A critiquer le réalisme de l’universel, nous avons découvert que le réel est individu ; à critiquer le réalisme de la relation, nous découvrons que le réel est absolu.

S’il n’existe pas de réalité relative, il existe des noms relatifs, autres signes des choses que les noms absolus : itlas easdem res diversa nomina diversimode signiflcant, ibid. De même que l’universel, la relation est rejetée parmi les signes.

Comme l’universel encore, la relation est signe du réel. L’universel signifie les individus sans être, d’aucune façon, en eux, une réalité distincte : il suffît que Socrate soit Socrate, il ne lui faut rien de plus pour que je puisse le dire « homme ». De même, la relation signifie ses termes sans avoir, hors de l’âme, aucune réalité propre : l’ordre de l’univers n’est rien de distinct de ses parties, [non est ] ordo vel unitas [universi ] aliquid in re distinctum ab omnibus parlibus universi, 1 Sent., dist. XXX, q. i, S ; il ne faut pas imaginer la relation comme une chose ajoutée à ses termes, à la façon d’un lien matériel, quasi quoddam ligamen ligans corpora, Quodlibeta septem, Strasbourg, 1491, quodl. VII, q. xiii : il suffît que les parties de l’univers soient elles-mêmes, sans rien de surajouté, pour que je puisse les dire « ordonnées ».

Le réel excluant de soi le relatif comme l’universel, le premier, comme le second, relève de la logique, qui . étudie les noms relatifs, tout comme les universaux. Comme le terme écrit ou parlé recouvre un terme pensé, on pourrait se demander, pour la relation, quelle est sa nature de concept : de même façon que pour l’universel.

Tel est le nominalisme de la relation, qui serait d’ailleurs dans la pensée d’Aristote : Occam a cru d’abord que le philosophe tenait la réalité propre de la relation, quanrt [opinionem ] aliquando credidi esse opinionem Aristotelis, sed nunc mihi videtur quod opinio contraria sequitur ex principiis suis, mais il s’est convaincu et veut nous convaincre du contraire : El quod illa opinio (le nominalisme de la relation) sit Aristotelis poiest sic persuaderi, Summa totius logicæ I a pars, c. xlix ; cf. / Sent., dist. XXX, q. iii, A : utrum de intentione Plulosophi fuit ponere quemcumque rcspectum a parte rei distinctum ad omnibus absolutis. Comme celui de l’universel, le nominalisme de la relation se donne pour l’interprétation juste de l’aristotélisme.

La métaphysique du nominalisme.

L’ordre des questions sur les universaux nous a conduit à chercher l’essentiel du nominalisme dans sa métaphysique ; le problème de l’universel, qui se pose à partir d’une logique du langage, nous mène, par l’absurdité du réalisme, à l’idée de l’individu ; le problème de l’universel dépend du problème des distinctions qui commande aussi le problème de la relation ; avec la discussion de ce dernier, la même réalité qui s’était définie comme individu, se définit comme absolu : nous tenons bien une conception de l’être, une métaphysique, dont voici la perspective :

1. Perspective de l’occamisme.

Que savons-nous ?

— Des propositions, composées de termes, qui sont les signes des choses.

Nous reconnaissons la diversité des choses à la contradiction qui éclate entre leurs signes ; cette contradiction est toujours égale à elle-même et il n’y a qu’un mode de diversité intérieur au réel : la distinction réelle qui va d’une chose à une autre, l’une pouvant se séparer de l’autre devant notre pensée et par la toute-puissance de Dieu.

Comment accorder à l’universel une réalité distincte dans le singulier ? — Il n’y a qu’une distinction entre réalités, ’la distinction réelle, qui existe seulement entre individus.

Comment accorder à la relation une réalité distincte de ses termes ? — Il n’y a qu’une distinction entre réalités, la distinction réelle, qui existe seulement entre absolus.

Appuyés sur le rejet de toute diversité intérieure aux choses qui ne serait pas la distinction réelle, nous ne trouvons, sous les noms de matière, forme, substance, qualité, rien de réel qui ne soit un individu et un absolu : en aucune réalité, rien ne peut se distinguer assez pour être à quelque degré universel, à quelque degré relatif.

Toutes les absurdités du réalisme (des relations comme des universaux) semblent nous ramener à une évidence inexprimable de l’unité intérieure de chaque réalité, de son identité avec soi : serait-ce là l’intuition métaphysique centrale du nominalisme, qui manifesterait sa puissance de négation en écartant du réel le relatif et l’universel, en les réduisant à des noms ?

Une métaphysique n’est pas qu’une intuition ; c’est tout autant la technique qui la rend communicable ; cette technique, Occam la trouve dans sa logique, et nous avons mesuré combien la théorie des distinctions, dont tout le reste procède, tient à sa logique.

Intuition et technique : nous tenons une hypothèse sur le nominalisme d’Occam.

2. D’Abélard à Occam. —

Le nominalisme du xive siècle prend figure pour nous. Est-il si différent de celui du xiie ? Nous n’en avons pas eu le sentiment, lorsque nous avons suivi la discussion occamiste du problème des universaux.

Certes, entre Occam et Abélard, il est des faits d’histoire intellectuelle qu’il ne faut pas oublier :

la découverte de l’Aristote de la tradition arabe a donné à l’aristotélisme, texte et commentaires, qui n’était que logique, son aspect physique et métaphysique ; dans l’ordre de la logique même, née au Moyen Age de l’Organon, de Porphyre et de Boëce, les travaux de Lambert d’Auxerre et de Pierre d’Espagne se sont joints à ceux d’Abélard et ont ajouté à la logica antiqua une logica modernorum. Ueberweg-Geyer, Grundriss, p. 455-456 ; les théologiens du xiiie siècle ont apporté tous leurs problèmes et toutes leurs solutions.

Cependant, toutes les ressemblances que nous avons notées reposent sur une identité substantielle : d’Abélard à Occam, nous conservons, comme analyse et technique de la pensée, une logique du langage, où les pensées même sont des signes ; d’Abélard à Occam, le réalisme qui consiste à reconnaître aux choses l’universalité des termes garde la même absurdité, et cette absurdité nous découvre l’unité intérieure de toute réalité. Occam n’a peut-être jamais proposé de l’indivision du réel une formule aussi pleine qu’Abélard : cum res penitus eadem esse concedatur, homo scilicel qui in Socrate est, et ipse Socrates, nulla hujus ab illo difjerenlia est. Nulla enim res eodem lempore a se diversa est, quia quidquid in se habet », habet et eodem modo penitus. Logica « Ingredientibus, éd. Geyer, p. 15, 1. 36-39. Si vous ne posez pas deux choses mais une, cette chose unique ne saurait être, d’aucune façon, autre que soi. Dans la doctrine