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    1. NOMINALISME##


NOMINALISME. SIGNIFICATION DES UNIVERSAUX

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Nous avons vu que les universaux étaient encore des sermones : simplicium sermonum quidam universales. Éd. Geyer, p. 16, 1. 23-24. Abélard ajoute que la définition de l’universel oppose sa simplicité à la complexité du discours, simplicitatem sermonis ad discrelionem oralionum, ibid., 1. 34. L’opposition oralio-simplices sermones paraît aux premières lignes des glossir super Pnvdicamenta Aristotelis : Cum logica ratio sit disserendi, hoc est discretio argumentandi, argumenlationes vero propos itioni bus jungantur, propositiones vero ex dictionibus et constitutionem suam et significationem contrahant, ita singuta diligenler tractavit, ut prius, simplicium sermonum significationem.., aperiret… Éd. Geyer, p. 111, 1. 5 à 9. C’est l’ordre classique des logiciens, qui va des parties au tout : les termes, les propositions, les raisonnements. D’où la traduction possible de sermo simplex : « terme », « partie du discours » ; cf. de parlibus orationis, id est simplicibus sermonibus, Ibid., p. 309, 1. 15-16. Sermo paraît bien proche de nomen ; nous allons les voir synonymes et préciser leur sens dans la logique Nostrorum petilioni sociorum, contenue dans un manuscrit de Lunel, que Rémusat avait utilisé, Abélard, t. ii, p. 98 sq., et dont Geyer a publié des fragments, dans Beitràge zur Gesch. der Philos, des M. A., Festgabe zum 60. Geburtslag Clemens Bæumker, p. 116 sq.

3. L’opposition vox-sermo dans la logique « Nostrorum petitioni sociorum ».

Dans la logique Ingredientibus, nous ne trouvons pas l’opposition vox-sermo, attestée par Jean de Salisbury ; cf. supra, 1°, 3. Elle apparaît dans la logique Nostrorum petitioni sociorum, ouvrage postérieur, où Abélard est préoccupé de séparer sa doctrine de celle de Roscelin, Ueberweg-Geyer, Grundriss der Geschichte der Philosophie, t. ii, 11e éd., p. 215 et 217. Analysons le fragment publié par Geyer, dans le Festgabe ci-dessus mentionné, p. 116-119.

a) La doctrine des sermones est distinguée du réalisme et de la sententia vocum : Est alia de universalibus sententia rationi vicinior, quæ nec rébus nec vocibus communitatem attribuit, sed sermones sive singulares sive universales esse disserit. Loc. cit., p. 116, 1.20-32.

b) Sermo et nomen sont termes synonymes : nomen sive sermo. Loc. cit., p. 116, 1. 28.

c) La notion de sermo se tire de la définition : universale est quod est natum prædicari de pluribus, id est a nativitate sua hoc contrahit, prædicari scilicet. Quid enim aliud est nativitas sermonum sive nominum quam hominum instilutio ? Loc. cit., p. 116, 1. 24-27. La définition aristotélicienne du nom était vox significaliva secundum placitum et la logique Ingredientibus présentait l’universel comme habile ex inventione sua prsedicari ; cf. supra, 4°, 1 et 2. D’une logique à l’autre, nous trouvons seulement une interprétation plus approfondie de la définition aristotélicienne de l’universel. La nature du sermo universalis, c’est sans doute d’être, comme prédicat, « terme » possible de plusieurs propositions.

d) Mais venons-en à l’opposition sermo-vox. Hoc enim quod est nomen sive sermo, ex hominum institulione contrahit, vocis vero sive rei nativitas quid atiud est quam naturie creatio, cum proprium esse rei sive vocis sola operatione naturx consistât. Loc. cit., p. 116, 1. 27p. 117, 1. 3. C’est le lieu de rappeler que la notion de vox nous place, pour l’essentiel, en physiologie : Vox est aeris per linguam percussio… Le « son proféré », comme tel, est une institution de la nature : voilà vox ; le « nom » ou le « terme », dont le propre est de signifier, est une institution de l’homme : voilà nomen et sermo. « Nom » et « terme » n’en sont pas moins pour cela des « sons proférés » : la diversité dans l’institution n’empêche pas l’identité dans l’être. -1 laque in nativitate vocis et sermonis diversitas, etsi penitus in essentia identitas. Loc. cit., p. 117, I. 4-5. Lorsque, dans une pierre, les hommes voient une image, la pierre et l’image restent une seule et même chose, qui doit à la nature d’être pierre, aux hommes d’être image : Cum idem penitus sit hic lapis et hsec imago, alterius tamen opus est iste lapis et alterius hac imago. Constat enim a divina substanlia stalum lapidis solummodo posse conferri, statum vero imaginis hominum comparatione posse formari. Loc. cit., p. 117, 1. 6-9.

On notera comparatione hominum : Abélard aurait-il le sentiment d’une activité de l’esprit dans l’usage des signes ?

e) L’opposition voces-res devient sermones-res, les voces passant du côté des res. Abélard écrit : voces sive res nullatenus universales esse. Loc. cit., p. 117, 1. 12. II rappelle sa critique du réalisme : si enim aliqua res de pluribus pnedicaretur, utique eadem in pluribus reperiretur. Loc. cit., 1. 13-14. Le drame se joue toujours entre la définition aristotélicienne de l’universel et une intuition de l’individualité radicale de toutes choses, y compris les sons proférés. Ce qui fait ie « mot » universel, ce n’est pas son être de « son » singulier comme tout être, c’est sa signification de « terme ». Cette signification, comment la concevoir ?

4. La signification.

La pensée d’Abélard s’est avancée de vox à sermo, c’est-à-dire vox innuens institutionem non simpliciler essentiam vel prolationem, sed significationem. Loc. cit., p. 119, 1. 1-2. L’essentiel du terme c’est son institution par les hommes, comme signe. Reinersa marqué l’importance de la significatio chez Abélard, mais il veut qu’on la conçoive objectivement comme proprielas vocis ; cf. supra, col. 719. La logique Ingredientibus oblige d’écarter cette interprétation. Si nous faisons de l’universalité des genres et des espèces une propriété du son proféré, il faut nous demander comment genres et espèces demeurent, alors que le son disparaît, aussitôt né :  ! e son, qui ne subsiste pas, n’est pas le sujet de propriétés réelles, mais nous considérons par l’esprit qu’une fois institué, le nom dure toujours, avec son universalité, qui le fait genre ou espèce : experimur… voces… nunquam subsislere nec vera accidentia in se habere, sed sicut semper attenduntur voces existenles, postquam sunt semel impositie, ita earum proprietates, quasi vere existant, cogitantur. Éd. Geyer, p. 39, 1. 4-7. Nos paroles s’écoulent sans cesse et ne prennent un sens qu’achevées, quand elles ne sont plus : tune significare oratio videtur, quando lola prseteriit ac jam oratio non est. Ibid., p. 175, 1. 34-35. Voici donc le sens de « signifier » : cum dicitur orationem significare, non sit sensus ut oratio significationem habeat, sedpotius ut anima alicu jus, per eam quæ jam non est, intellectum habeat. Ibid., 1. 36-38. La parole est significative : cela ne veut pas dire que la parole possède un sens, comme la substance porte un accident, mais que, par le son que nous venons de proférer, nous avons, comme âme, une intellection. Voilà donc le sens de la comparaison qui éclaire la différence vox-sermo ; cf. col. 725 au bas ; que la pierre soit image, cela ne tient pas à son être, mais lui est donné comparatione hominum ; le sens d’une parole n’en est pas une propriété physique, il vient de l’âme. La signification qui fait le terme implique un rapport à la chose qui s’établit par une intellection. Nous allons vers une psychologie.

La signification des universaux.

Les termes, noms et verbes, ont deux significations, que nous appellerons réelle et intellectuelle : Nomina et verba duplicem significationem habent, unam quidem de rébus, alteram de intellectibus. Voici la signification réelle, où ne paraissent pas seulement le terme et la chose, mais encore l’intellection : Res enim significanl constituendo intellectum ad eas pertinentem, hoc estnaturam aliquam earum vel proprielalem attendentem. Cette