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NOMBRES (LIVRE DES). VALEUR HISTORIQUE


Ibid., p. 280. Le site de’aïn Qedeis d’autre part ou la région de ce nom avec lesquels on identifie le Cadès biblique s’adapte fort bien aux différentes données des textes des Nombres ou du Deutéronome concernant ce lieu du séjour prolongé des Hébreux. « Là, en effet, nous sommes au sud du Négeb ; àl’extrémité du plateau de Tih ou du désert de Pharan ; à l’entrée d’un nouveau désert nettement distinct du précédent et qui doit être le désert de Sin ; à peu près à égale distance de la pointe sud de la nier Morte et de l’embouchure de l’ouàdy el-’Arich ou torrent d’Egypte… Les Israélites durant les trente-huit ans du séjour à Cadès ont dû errer un peu partout dans les environs (de’aïn Qedeis) promenant leurs tentes autour des principaux points d’eau. La nature du pays convenait assez bien à ce séjour prolongé de tribus semi-nomades comme étaient alors les Hébreux. Ils avaient dans la contrée de l’eau et des pâturages pour leurs troupeaux et ils pouvaient en même temps se livrer en beaucoup d’endroits à la culture de la terre. » M. R. Savignac, La région de’Ain Qedeis, dans la Revue biblique, 1922, p. 79-8L Cf. Lagrange, Aïn Ked-eis, ibid., 1896, p. 440-451 ; R. Tonneau, Excursion biblique au Négeb, ibid., 1926, p. 583-604 ; A. Barrois, art. Cadès, dans Pirot, Supplément au Dictionnaire de la Bible, t. i, col. 992-997. A la détermination du site de Cadès se rattache la question de la tentative de pénétration en Canaan par le Sud, question qui se rattache elle-même à l’hypothèse déjà ancienne de l’entrée de Juda, Siméon et des clans adventices par le Sud ; les autres tribus seules ayant fait le grand détour par les plaines de Moab. Cf. Steuernagel, Die Einwanderung der isrælilischen Stàmme in Kanaan, Berlin, 1901. La théorie a pour point de départ les ꝟ. 1-3 du c. xxi des Nombres (J) : « Le Cananéen, roi d’Arad, qui habitait le Négeb, apprit qu’Israël venait par le chemin d’Atharim. Il lui livra bataille et lui fit des prisonniers. Alors Israël fit un vœu à Jahvé en disant : si vous livrez ce peuple entre mes mains, je dévouerai ses villes à l’anathèmc. Jahvé entendit la voix d’Israël et livra les Cananéens ; on les dévoua à l’anathème, eux et leurs villes, et ce lieu fut appelé Horma. » De ce texte il faut rapprocher Num., xiv, 40-45 (JE), et Jud., i, 1-17 (J). S’agit-il dans ces trois passages de trois événements distincts : tentative malheureuse d’entrer en Palestine par le Sud ; nouvelle tentative, heureuse cette fois, mais non suivie d’occupation ; conquête enfin de la montagne d’Hébron et du Négeb par les tribus de Juda et de Siméon venues de Jéricho avec les Calébites et les Cinécns ; ou bien des différentes phases d’un seul et même épisode ? Sans entrer dans l’exposé et la discussio des hypothèses émises à ce sujet (cf. Touzard, art. Moïse et Josué, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. iii, col. 806-81 0), retenons seulement les conclusions. Et d’abord les deux passages des Nombres ont trait à un même événement. Horma, lieu de la défaite, racontée Num., xiv, 40-45, et rappelée Num., xxi, 1, n’a reçu ce nom qu’à l’occasion de la bataille de revanche dans laquelle Juda et Siméon prirent la ville et la vouèrent à l’anathème, Jud., i, 1-17. Si, dans Num., xxi, 3, Israël s’attribue le succès, c’est que la défaite, ici comme en d’autres cas, a été colorée par la victoire postérieure et le nom douloureux de Scphat, remplacé par le nom glorieux de Horma. « C’est du moins, a-t-il été justement remarqué, la seule façon de faire concorder les textes et c’est ainsi que l’a compris Deut., i, 14-46, qui explique par cette défaite le long séjour à Cadès et (n, 1) le détour par Asion-Gaber. S’ils avaient pu forcer le passage à Sephat, rien ne les eût empêchés de poursuivre leur route et d’arriver en Canaan par le Sud. » R. Tonneau, Excursion biblique au Négeb, dans la Revue biblique, 1926, p. 592. Sephat-Horma reste donc le point le

plus avancé atteint par les Isréalites venant de Cadès et ce n’est qu’après la séparation dans les plaines de Jéricho que Juda et Siméon, ayant jusqu’alors suivi le sort commun des tribus d’Israël, vengèrent l’ancienne défaite en détruisant cette ville qui leur avait été attribuée, Jos., xix, 4.

Il n’est pas jusqu’à l’histoire de Balaam qui ne reçoive quelque précision des découvertes de l’exploration des pays bibliques. La présence de nombreux monuments mégalithiques, de dolmens, dans la Transjordane et plus spécialement dans la Moabitide a suggéré ce curieux rapprochement avec les autels de pierre dont Balaam demande l’érection pour y sacrifier des victimes, Num., xxiii, 1, 14, 28-29. « Quand les Hébreux devenus un peuple organisé durant un long stage dans les steppes du Sinaï et aux oasis du Négeb, Qedeis, Qeseimeh, Ruheibeh, etc., viennent tenter d’emporter de vive force ce pays que les Cananéens ont fait le leur, ils trouvent sur leur route, par de la le Jourdain, les mégalithes érigés par les Cananéens maudits qu’il s’agissait de déposséder pour les exterminer ensuite. Ce que représentèrent les dolmens par exemple dans la pensée des Israélites d’alors, il faut apparemment s’en faire l’idée par cette histoire de Balaq et de Balaam si pittoresque dans le récit biblique. Au moment où le prophète mandé par le prince moabite pour jeter un mauvais sort sur Israël doit rendre l’oracle divin, à trois reprises il demande qu’on lui érige des autels de pierre où il offrira des sacrifices préalables. Ces trois groupes d’autels localisés par le récit à Bâmoth Ba’al, à Sophîm sur la crête du Pisgah et au sommet du Pe’or ont bien l’air de coïncider avec les divers centres mégalithiques les plus importants d’el-Mekhegît, du Siâgha et du Nébo, sites qui représentent dans l’ensemble les localités bibliques, au témoignage de la géographie la plus accréditée. Que Balaq et Balaam aient ou non bâti vingtet-un autels de pierres, c’est affaire aux historiensexé ^ètes de le discuter ; il est difficile de ne pas voir, au simple point de vue archéologique, une relation entre les dolmens et ce récit hébraïque, le récit s’inspirant des monuments pour en produire une interprétation et les rattacher par un lien tel quel à un événement de l’histoire nationale. » H. Vincent, Canaan d’après l’exploration récente, Paris, 1907, p. 423-424. Cf. A. Barrois, art. Canaan, dans le Supplément au Dictionnaire de la Bible, 1. 1, col. 1009.

Les quelques remarques qui précèdent ne résolvent pas sans doute tous les problèmes littéraires et historiques soulevés par l’étude du livre des Nombres, elles permettent du moins de reconnaître que l’histoire d’Israël pour la période étudiée, là où elle présente des points de contact avec les anciens documents, en reçoit confirmation de sa valeur historique. « Il y a certes des obscurités dans nos récits, des dissonances malaisées à mettre d’accord. Mais est-ce un motif suffisant pour y substituer des constructions de pure fantaisie ? Alors surtout que les faits essentiels restent singulièrement invariables parmi les heurts apparents des détails accessoires. Et il faut ajouter qu’il s’y trouve çà et là des données occasionnelles, parfois exprimées par simple allusion, qui par elles seules parleraient déjà très haut en faveur de l’historicité de l’Hexateuque. .. Quel historien ou archéologue israélite du neuvième siècle serait allé découvrir, parmi de vagues traditions orales, et aurait signalé avec de fines nuances l’irrémédiable décadence des aborigènes de Palestine à l’époque de l’Exode, le flottement et le resserrement récent des frontières de Moab, l’affaiblissement notable de ce petit royaume au moment où Israël venait lui donner de nouveaux sujets d’alarme ? etc., etc. » J. Calés, Bulletin d’exégèse de l’Ancien Testament, dans Recherches de science religieuse, 1920, p. 112-113.