Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/356

Cette page n’a pas encore été corrigée
693
094
NOMBRES (LIVRE DES). ORIGINE


sacerdotal F, dans la répartition des sources du livre des Nombres, les trois quarts environ. Ses caractéristiques, tant au point de vue du vocabulaire qu’à celui des idées, s’y reconnaissent aisément, aussi bien dans les récils historiques que dans les textes législatifs. Jahvé, tout en se révélant à son peuple, se tient dans un lointain transcendant ; la solennité de l’histoire sainte s’étend même aux scènes de révolte du peuple ; les ordonnances divines, non motivées, sont l’expression de la volonté absolue de Dieu. Il est donc facile de déterminer la part de P dans les Nombres ; par contre, il ne l’est pas du tout de faire le départ entre ce qui est l’œuvre fondamentale P= et ce qui est additions plus récentes P s et d’en marquer les dates respectives ; ces additions, en effet, n’ont pas un seul auteur comme P8, mais plusieurs dont l’activité est à situer entre les années 500 et 300 où même 250. Quelques éléments sont encore à distinguer qui, sans être de P", ne sont pas cependant d’époque plus récente, on les désigne par le sigle P x. Le problème littéraire de P est, on le voit, assez complexe ; sa solution complète, remarque Gray, devrait donner : 1. l’étendue exacte de PS ; 2. les éléments, s’il y en a, contenus dans Ps et qui antérieurement étaient déjà fixés par écrit ou n’existaient que sous forme de traditions orales ; 3. les éléments P x dont la teneur était déjà fixée, antérieurement à Pe, mais ne lui furent incorporés (ou à JEDP) qu’après son achèvement ; 4. les éléments P s d’origine plus récente que Ps ; 5. les dates enfin auxquels les éléments ci-dessus mentionnés ont été composés puis incorporés dans P, Numbers, p. xxxiv. Faut-il ajouter que la solution du problème ainsi envisagé sous ces divers aspects est loin d’être complète et définitive ? Voici celle que propose Binns, le dernier en date des commentateurs du livre des Nombres, utilisant d’ailleurs largement les travaux de ses nombreux devanciers, ceux surtout de Carpenter-Harford et les commentaires de Gray, Holzinger et Bântsch, The Book of Numbers, Londres, 1927, p. xxv-xxxviii.

Les chap. i-x, 10, proviennent d’écrivains de l’école sacerdotale, comme le prouvent le sujet, le style, le vocabulaire, la notion du sacerdoce, des sacrifices et tout ce qui caractérise le culte tel qu’il était censé pratiqué par les Israélites dans le désert. Les quatre premiers chapitres sont tout-à-fait dans la manière du Code sacerdotal, soucieux de statistiques et de listes généalogiques ; à l’écrit fondamental maintes additions ont été faites et l’ensemble a été remanié par un rédacteur ; parmi ces additions, on range ordinairement le relevé détaillé du chiffre des membres de chaque tribu, i, 20-54 ; les prescriptions minutieuses concernant les campements et les marches, ii-iii, 4 ; Fénumération des fonctions des lévites durant les marches, iv. Dans les deux chapitres suivants, les différentes lois dont ils se composent, proviendraient d’une collection d’ordonnances plus anciennes que P lui-même, mais de date incertaine. L’énumération des offrandes des princes au c. vii, qui logiquement se rattache au récit de l’érection du tabernacle, Ex., xl, est tenue pour élément secondaire ; seul le ꝟ. 89 proviendrait de Pe. Secondaires également les deux chapitres suivants, à l’exception de viii, 11, 15 b -26, œuvre durédacteur ; ix, 1-14, considérant la Pâque comme un repas est en contradiction avec Ps dont relèvent les dix premiers versets du c. x.

Avec le c. x, 11, commencé la seconde partie du livre, constituée à l’aide d’éléments provenant destrois principaux documents du Pentateuque. Ce qui n’a pas été attribué à JE dans la répartition faite précédemment échoit au Code sacerdotal, à ses éléments secondaires pour x, 13-28 et à son texte primitif pour xiii, l-17 a, 21, 25-26°, 32 ; xiv, 1-2, 5-7, 10,

26-29, 24-38. L’ensemble du c. xv est de source sacerdotale ; sa section finale, 37-42, est d’origine plus ancienne que PB ; son style et ses idées l’apparentent à la Loi de Sainteté, Lev., xvii-xxvi et la font attribuer volontiers à ce document, tandis que les versets qui la précèdent immédiatement, 32-36, sur la violation du sabbat, passent pour une addition de date probablement très tardive. Dans l’histoire de Coré, Dathan et Abiron, les données concernant Coré proviennent de F, c’est-à-dire xvi, l a, 2 b -ll, 16-24, 35-50. Le c. xvii, qui raconte la floraison de la verge d’Aaron en vue d’établir la supériorité des prêtres sur les lévites ordinaires, est tout entier de P ; il en est de même du suivant qui traite des droits et des devoirs de la tribu sacerdotale. Le c. xix, le rite de la vache rousse ou de l’eau de purification, bien que d’origine sacerdotale manifeste, serait cependant antérieur, surtout 14-22, à la rédaction du Code. Les incidents relatés au c. xx, 1°, 2, 3 b -4, 6-13, 22-29 et au c. xxi, 4°, 10-11, sont attribués à P.

Dans la troisième partie du livre, le Code sacerdotal prédomine comme dans la première. Si l’on excepte, en effet, l’histoire de Balaam, xxii, 2-xxiv, 15 ; l’incident de Béelphégor, xxv, 1-5, et l’établissement des tribus à l’est du Jourdain, xxxii, 39-42, qui sont de JE, tout le reste de ces chapitres xxii à xxxvi provient de l’école sacerdotale et pour une part de son activité la plus récente. Sont à regarder en effet, comme éléments secondaires, P s, surtout xxvi, 8-11 ; xxvii, 1-Il et dans leur ensemble les c. xxvin-xxxr, avec leurs prescriptions détaillées sur les fêtes et les solennités religieuses, les vœux, l’emploi et le partage du butin à propos de la campagne victorieuse contre les Madianites. Les c. xxxii-xxxiii, 49, soulèvent nombre de problèmes, surtout xxxii, dont l’analyse, malgré les essais des critiques, n’aboutit pas à des conclusions bien certaines ; les éléments anciens qui s’y trouvent ont été remaniés, l’éditeur ne s’étant plus contenté, comme il le fait souvent ailleurs, de reproduire simplement le texte de ses sources. Sans essayer de préciser davantage on attribue à JEP : l-17, 20-27 ; àP : 18-19, 28-32, et à JE : 33-42. Le catalogue circonstancié des campements du peuple hébreu dans son voyage d’Egypte en Canaan au c. xxxiii soulève des problèmes analogues, car lui aussi est le résultat de la combinaison d’éléments provenant de JE, de P et d’autres documents d’origine incertaine. « Cet intéressant document, incorporé par P dans son œuvre, paraît avoir une origine à part et ne s’harmonise complètement avec aucun des récits que nous possédons sur le séjour au désert. » L. Gautier, Op. cit., p. 80. Les diverses ordonnances qui terminent le livre, xxxm-50, xxxvi, 13, sont ou de P, c. xxxiv ou de P s, c. xxxv-xxxvi.

Par le récit qu’il fait de l’institution des lévites, par le recensement des tribus et l’établissement d’un ordre de campement avec les lois s’y rapportant, le Code sacerdotal poursuit bien, dans les Nombres, le récit de l’érection du tabernacle et de l’institution des prêtres qui figurent dans l’Exode et le Lévitique. Son histoire du peuple de Dieu se continue par l’indication des préparatifs en vue du départ du Sinaï et la mention de quelques épisodes, avec énoncé de diverses ordonnances s’intercalant dans la trame du récit.

A côté des trois documents principaux du Pentateuque qui se partagent le livre des Nombres, une place, bien petite, serait à faire au Deutéronome ; quelques versets en dériveraient : xxi, 33-35 ; cf. Deut., i, 1-3, et xxxiii, 5-53 et 55-56.

Ainsi analysé en ses divers éléments, le livre des Nombres apparaît, dans sa forme actuelle, comme le résultat d’un développement progressif, où trouvent place des matériaux qui remontent à des époques