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NICOLAS DE CUSA

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des conciles provinciaux ou locaux, et à les présider au nom du pape, à visiter et réformer les monastères, même exempts, à conclure les trêves et à mettre fin aux dissensions. Tous ces pouvoirs furent utilisés par lui avec une activité qui tient du prodige, mais qu’il serait trop long de résumer ici. Dans une large mesure, il réussit à promouvoir la vie chrétienne, insistant sur l’instruction du clergé et du peuple, sur la vie paroissiale, le repos dominical, la discipline du culte, la vraie dévotion. Il lutta à coups de décrets synodaux, aux conciles provinciaux de Salzbourg, de Mayence, de Magdebourg, de Cologne, contre la simonie et l’incontinence des clercs. Par les chapitres qu’il présida et les visiteurs qu’il désigna, il soutint ou provoqua des mouvements de réforme chez les chanoines réguliers, les cisterciens, les bénédictins. Son appui sans réserves étendit, chez ces derniers, l’œuvre de régénération inaugurée par les réformes de Melk et de Bursfeld. Il intervint enfin, non sans succès, dans les conflits qui divisaient évêques et chapitres, archidiacres et officialités, clergé séculier et moines mendiants, paioisses et communes, évêques et princes.

Sa grande légation terminée, Nicolas de Cues vint prendre possession de son évêché de Brixen (aujourd’hui Bressanone, dans le Tyrol italien), au printemps de 1452. Il s’y adonna aveczèle au travail de la prédication, comme à celui de la réforme du clergé et des monastères, mais se heurta à la résistance de certains couvents, surtout de celui de Sonnenburg, dont les religieuses trouvèrent appui auprès du duc de Tyrol, Sigismond. Le conflit s’envenima du fait que l’évêque, nommé contre la volonté du duc, prétendait libérer son Église d’une sujétion injustifiée à l’égard de celui-ci, et assurer son indépendance, par le rachat progressif des fiefs jadis aliénés par elle. On en vint d’une part aux menaces et aux coups de main, de l’autre aux expulsions et aux excommunications. Contraint de quitter son diocèse, le cardinal se rendit à Rome, où Pie II le nomma son vicaire général au temporel, pendant la diète de Mantoue (Il janv. 1459), le chargeant de « gouverner, administrer, réformer la ville de Rome et tout le patrimoine de saint Pierre ; » à quoi Nicolas réussit à merveille. Rentré à Brixen. après un apparent apaisement, il se vit déclarer la guerre par Sigismond ; assiégé dans la forteresse de Bruneck où il s’était réfugié, il fut contraint de capituler.

Tandis que le pape prenait en mains l’administration du diocèse et fulminait contreSigismond l’excommunication majeure, le cardinal sefixait en Italie où il passa les dernières années de sa vie, rédigeant un projet de réforme de la Curie, exerçant les fonctions de camérier du Sacré-Collège, prenant ses dernières dispositions relatives à l’hospice qu’il avait fait construire à Cues, et à la Bursa cusana qu’il voulait voir établir à Deventer en faveur de vingt étudiants pauvres, s’occupant enfin de défendre la ville de Breslau qui refusait de reconnaître l’autorité du roi de Bohême. Il était attendu à Ancône, où devait être rédigée la citation contre Georges de Podiebrad, quand il fut arrêté par la maladie à Todi, en Ombrie. C’est là qu’il mourut le 15 août 1464. Selon sa volonté, son corps repose à Rome dans son église cardinalice où Andréa Bregno lui a dressé un monumen’t, et son cœur a été transporté à Cues, dans la chapelle de’l’hospice Saint-Nicolas.

II. (Euvres. — Le résumé de la vie de Nicolas, de Cues, que l’on vient de lire, ne peut donner qu’une faible idée de son activité intellectuelle. Esprit curieux, pénétrant, personnel, il a su tout ce qu’à son époque on pouvait savoir du passé, réfléchi profondément aux besoins de son temps, posé pour l’avenir quelques jalons qui sont des traits de génie. Il s’est préoccupé surtout, de façon constante, des plus hautes questions

philosophiques et théologiques, les abordant à toute occasion dans ses traités, ses sermons, sa correspondance.

Ses principales œuvres ont été publiées vers 1490, par Martin Flach, à Strasbourg : à Milan, en 1502, chez Stefano Dolci ; à Paris, en 1514, chez Josse Badius, par les soins de Jacques Lefèvre d’ÉtapIes ; à Bàle, enfin, par Henri Pétri, en 1565. Nos références se rapporteront à cette dernière édition qui est la plus complète. Les éditions partielles et les traductions ont été assez nombreuses. On en trouvera le détail dans notre ouvrage Le cardinal Nicolas de Cues, Paris, 1920, p. 468-472 ; nous ne signalerons ici, comme éditions partielles ou traductions, que les œuvres qui n’ont pas trouvé place dans l’édition de Bâle ou dont la parution est postérieure à 1920.

Les écrits de Nicolas de Cues peuvent se diviser en trois catégories : les traités ou opuscules, les sermons et la correspondance.

Les traités.

Ils sont d’ordre politico-religieux,

d’ordre scientifique ou d’ordre philosophico-théologique.

1. Écrits d’ordre politico-religieux.

Nous avons signalé déjà le De concordantia catholica, éd. de Bâle, p. 683-825. L’auteur y étudie la constitution générale de l’Église ; puis, tour à tour, son âme : le sacerdoce, et son corps : le Saint-Empire. Son but est de promouvoir la restauration spirituelle et temporelle de la société chrétienne, dans l’union harmonieuse de l’Église et de l’État. Les idées qu’il énonce et les réformes qu’il suggère constituent un vaste plan d’action, qu’il proposa au concile de Bàle vers la fin de l’année 1433. On peut y voir aussi rétrospectivement un programme, dans le cadre duquel se développera l’activité personnelle de l’auteur.

Par deux fois, Nicolas eut à s’occuper des hussites : d’abord au nom du concile de Bâle ; puis en 1452, comme légat du pape. A ces missions se rattachent les six lettres Ad Bohemos publiées dans les Opéra, -p. 829-861.

La concorde entre chrétiens n’était pas seule souhaitable. Au lendemain de la prise de Constantinople par les Turcs (1453), Nicolas de Cues rêva d’une paix qui mettrait fin aux luttes religieuses dans l’univers entier. Il imagine un congrès des religions tenu à Jérusalem sous la direction du Verbe lui-même, de saint Pierre et de saint Paul. Des sages de toutes les nations, convoqués par les anges, y exposent chacun leurs difficultés et, après discussion, s’accordent à reconnaître que, moyennant une large tolérance au sujet des rites, il sera possible de « sceller la paix dans la foi et la loi d’amour. » Reste à faire passer cet idéal dans la réalité ; chaque sage travaillera à ramener son pays « à l’unité du vrai cuite », puis se fera donner pleins pouvoirs pour assister à un nouveau congrès de Jérusalem et y accepter, au nom de tous, la foi unique. Tel est l’objet du De pace fidei, Op., p. 862-879.

Nicolas manifesta le même esprit pacifique dans la Cribralio Alchorani, p. 879-932 ; Pie II lui ayant demandé les éléments d’une réfutation du mahométisme, il passa au crible le Coran, pour en retenir les points utilisables. Le premier livre est destiné à montrer qu’il est facile, en s’appuyant sur le Coran, de démontrer la vérité de l’Évangile. Le second est essentiellement un exposé de la doctrine catholique. Seul, le troisième contient une réfutation proprement dite de certaines thèses du Coran, où Nicolas découvre des contradictions.

Il faut rapprocher de la Concordantia catholica le De auctoritate præsidendi in concilio generali, publié par Diix, Der deutsche Cardinal Nicolaus von Cusa und die Kirche seiner Zeit, t. i, p. 475-491 ; la lettre à Rodrigue Sanchez d’Arevalo, Op., p. 825-829 ; les divers discours et mémoires, inédits pour la plupart,