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NICOLAS 1er (SAINT)

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monarchique, c’est le droit pour le Siège apostolique de convoquer les synodes et de les approuver. Nulle assemblée épiscopale n’a de valeur que si elle est convoquée, explicitement ou implicitement, par le pape ; nulle décision ne devient légitime que par son approbation.

Administrateur suprême de l’Église, le pape est aussi juge en dernier ressort et juge nécessaire de toutes les causes majeures. Parmi ces causes majeures figurent celles où sont impliqués des souverains temporels, l’histoire du divorce de Lothaire en est un exemple frappant ; de même encore celles qui sont relatives à la déposition des évêques. Sur ce point, il semble bien que Nicolas ait renforcé, en faveur de la primauté romaine, la pratique courante à son époque. Sans doute, nul ne contestait que le pape fût compétent dans les affaires des patriarches, des primats, des métropolitains. La cause de Photius et d’Ignace, par exemple, ressortissait tout naturellement à sa juridiction, celle de Gunther et de Thielgaud semblablement, quoi qu’il en soit de la procédure sommaire et unilatérale qui fut appliquée à leur cas. Ce qui est encore en li-tige, c’est le droit pour le pape d’intervenir dans la cause des évêques ordinaires, soumis à une autorité métropolitaine. Hincmar et les évêques de France, par exemple, sont d’avis que la cause de Rothade, au cas où celui-ci n’aurait pas appelé à Rome ou aurait retiré son appel, est du ressort exclusif du synode provincial ou interprovincial. Nicolas n’en juge pas ainsi. Même s’il n’y avait pas eu appel, cette cause d’un évêque, étant une cause majeure, requiert une intervention du Saint-Siège. En quoi il est conséquent avec son premier principe : que la confirmation des décisions conciliaires lui appartient de piano. Pour urger son droit d’intervenir, il s’appuie encore sur les canons de Sardique qui autorisent en tout cas l’appel au Siège apostolique ; mais, encore une fois, cet appel n’est pas nécessaire. S’il se rencontre ici avec une des doctrines chères au Pseudo-Isidore, cela ne veut pas dire qu’il la lui ait empruntée. Ce renforcement du droit pontifical était en somme dans la logique des choses. Reconnaissons d’ailleurs que Nicolas n’enlève pas toute compétence aux synodes provinciaux ; c’est à eux qu’il appartient de ventiler les questions, mais il est bien entendu que la décision suprême appartient au souverain pontife. Et tout ceci contribue à renforcer dans l’Église une centralisation qui avait déjà commencé à l’âge précédent. Le mouvement est incessant qui mène à Rome de tous les points de la chrétienté, et qui en repart dans toutes les directions. L’affaiblissement du pouvoir des métropolitains en est la conséquence naturelle. Voir ci-dessus, col. 515.

2. Les rapports îles deux pouvoirs. — C’est le point où Nicolas est amené à exprimer les idées les plus neuves, et la date où il les exprime est à remarquer. Cinquante ans auparavant. Charlemagne montrait clairement, par ses paroles et plus encore par sa conduite, qu’il se considérait comme responsable devant Dieu de la bonne marche de l’Église. Au sacerdoce il abandonnait volontiers le soin de prier pour la prospérité de l’empire, mais c’est lui-même qui était préposé, en définitive, à l’administration des choses de Dieu. Le césaro-papisme s’installait en Occident comme il s’était installé en Orient.

Les premières dislocations de l’empire carolingien permettent à l’Église de revenir à une idée plus nette et plus traditionnelle de sa situation. Dès l’époque de Louis le Pieux, les prélats des diverses parties de l’empire renversent les rôles, et tendent à prendre dans la direction de l’Étal une influence prépondérante.

La papauté ne les suit d’ailleurs que lentement (ainsi Grégoire IV dans la guerre civile de 833), trop éloignée

sans doute des points où se traitent les grandes affaires pour y intervenir effectivement. Avec Nicolas Ie’, elle va prendre, durant quelque temps, une plus nette conscience de son rôle et de son pouvoir directif. « Pouvoir directif », c’est le mot qui semble convenir, et cela implique une distinction précise entre Église et État. La conception byzantine et carolingienne tendrait à absorber l’Église dans l’État ; poussée à ses extrêmes limites, la théorie du « pouvoir direct », telle que l’ont formulée les théoriciens du xiv c siècle, ne. tend à rien de moins qu’à absorber l’État dans l’Église. Nicolas, lui. exprime d’une manière très nette l’existence des deux pouvoirs, souverains chacun dans leur domaine. Par quoi, d’ailleurs, il entend surtout que l’État ne s’immiscera pas dans les affaires de l’Église. Ce qu’il a vu dans l’affaire de Photius, c’est moins l’irrégularité qui atteint celui-ci pour sa rapide ascension, le grief d’être un néophyte, que l’intervention abusive du basileus dans la déposition d’Ignace et l’élection de Photius. C’est le point sur lequel il revient le plus fréquemment dans la correspondance relative aux affaires orientales, alors que Photius se justifiait surtout en prétendant que les canons interdisant l’ascension d’un néophyte n’avaient pas cours en son Église. S’il est sévère pour les deux archevêques lorrains, c’est à cause de leur complaisance à se soumettre aux désirs de leur roi Lothaire ; et son antipathie pour Hincmar s’explique en partie par le fait qu’il voit en celui-ci l’agent politique de Charles le Chauve. Même attitude à l’égard des prélats bretons qui se plient aux injonctions de Nominoé. Cf. Jalîé, n. 2708. A la vérité, il n’ose encore parler trop haut à des roi.s qui s’avisent d’agir en despotes à l’endroit de leurs évêques ; mais avec quelle hauteur il s’adresse à un fonctionnaire, le comte Etienne, qui a chassé Sigon, évêque de Clermont, et l’a remplacé ! Jafïé, n. 2706.

Et pourtant, sans se rendre compte du danger qu’il crée par là, il est sans cesse à demander l’aide des souverains pour le bon fonctionnement de l’institution ecclésiastique. Voir les innombrables lettres à Charles le Chauve et à Louis le Germanique pour les amener à faire cesser le scandale de Lothaire ; les lettres à Charles le Chauve dans l’affaire de Rothade. etc. : les divers lettres à Michel dans le conflit Ignace-Photius. A la vérité, ce qu’il demande avant tout, c’est que les souverains ne paralysent pas, par leur intervention, le libre jeu des lois canoniques. Mais cette neutralité bienveillante ne lui s-ufiit pas encore ; il faut une intervention positive des puissances séculières en faveur de l’Église. Sans être encore pleinement arrivé à cette conception que le pouvoir civil est aux mains de l’Église un instrument d’exécution (voir ci-dessus, col. 509), il est sur le chemin qui y conduit. E. Perels a même pu relever chez lui une allusion à la métaphore des deux glaives qui a joué dans la formation des idées théocratiques le rôle que l’on sait. Voir Jafîé, n. 2787 ; P. h., t. c.xix, col. 918 ; Monum. Gam. hist., p. 641 : Beaius Petrw apostoiorum princeps, qui Malchi corpodali abseissa gladio aureinobœdientiamet in Anania et Saphira spirituali verbi mucrone mendacium et avariliam perculil. L’allusion nous paraît fugitive. Mais i ! est un autre texte qui revient à plusieurs reprises, c’est le constitues eos principes super <, mncm terrain (Ps.. xliv, 17)quele pane applique volontiers à la juridiction ecclésiastique. Voir surtout Jafïé, n. 2796 ; Mon. Germ.hist., p. 175-176.

Aussi bien afurme-t-il avec force la primauté du spirituel sur le temporel : Quanto enim spiritus carnem priveellit, lanlo magis ea quee sunt spiritalia carnalibus oportel omnibus anleponi. Jbid., p. 463 ; cf. Jatïé, n. 2814 ; Mon. Germ. hist., p. 535. Mais l’idée n’est pas nouvelle et, dans leurs relations avec les empereurs