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NICOLAS 1er (SAINT)

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Telle quelle, celle accusation est injuste, et la réponse doit être beaucoup plus nuancée. Elle est donnée au mieux par P. Fournler, dans son Élude sur les « Fausses Décrétâtes », parue dans la Revue d’histoire ecclésiastique, t. vu et vin(190<iet 1907). Entre les deux opinions adverses, celle de A. V. Millier (Nettes Archiv, t. xxv, ]>. G52 sq.), suivant qui Nicolas a eu connaissance en 864 par Rothade des Fausses Décrétâtes, s’est appuyé sur elles, et a modifié sous leur influence ses concepts canoniques antérieurs, et l’opinion de Schrôrs (Hist. Jahrbuch, t. xxv et xxvi) qui prend le contre-pied de ces affirmations, le canoniste français suit une voie moyenne. Il reconnaît que Rothade a apporté à Rome en 864 la fameuse collection, quiavait pris naissance au Mans vers les années 850, et qu’au moins dans la lettre aux évêques de France de janvier 865 (Jafïé, n. 2785) on perçoit l’influence de la compilation apocryphe : « De ce document, écrit P. Foui nier, se dégage un certain parfum isidorien, ’soit parce que le pape développe un argument familier à Isidore, quoique ce ne soit pas Isidore qui en ait fourni le germe à Nicolas I er, soit parce qu’il se fonde principalement sur les décrétales qui constituent une niasse dont il n’exclut pas les apocryphes isidoriens. » Loc. cit., t. viii, p. 39. A partir de cette date, on voit assez facilement aussi intervenir dans les documents pontificaux certaines idées, tout spécialement l’Exceptio spolii, chères au Pseudo-Isidore, mais on ne relève aucun emprunt littéraire proprement dit. Et, par ailleurs, sur certains points importants de la discipline ecclésiastique Nicolas semble tout à fait indépendant de l’auteur apocryphe : c’est le cas, par exemple, dans la question des chorévêques, dans la restitution des lapsi, dans la translation des évêques. Et P. Fournler de conclure qu’en définitive « l’influence exercée sur Nicolas I er par les Fausses décrétales n’a pas été considérable. Probablement, le pape s’est implicitement appuyé sur les textes isidoriens pour établir le droit, qu’il avait d’ailleurs toujours réclamé, de connaître des causes des évêques ; sans doute, les textes isidoriens ont contribué au temps de Nicolas I er au développement de la règle : Spoliatus anle omnia rcslituendus, dont ils ont consolidé le fondement, en même temps qu’ils introduisaient une précision plus grande dans son application. A cela se réduit leur influence. » Ibid., p. -49. Et d’ailleurs l’auteur est porté à croire que les textes isidoriens ont été présentés au papes partiellement sous forme d’extraits ou de séries d’extraits à l’occasion du procès de Rothade. Nous sommes très loin, comme on le voit, de la massive accusation portée par H. Bohmer.

2. La part d’Anastase te Bibliothécaire dans la rédaction de la Correspondance. — Si personnel que soit un pape, il ne laisse pas de dépendre jusqu’à un certain point, pour l’expression de sa pensée, des gens qu’il emploie à la rédaction de sa correspondance. L’influence d’un secrétaire peut être considérable, surtout quand ce personnage est doué d’une puissante individualité.

Or, c’est justement le cas du trop fameux Anaslase, dont il est certain qu’il a joué auprès de Nicolas I er un rôle des plus importants. Pour le détail, voir l’art. Anaslase le Bibliothécaire du Dict. d’histoire et de géographie ecclés. Il n’y a plus aucun doute, à l’heure présente, sur son identité, et l’on a pu reconstituer à coup sur son curriculum vitæ. Cardinal-prêtre de Saint-Marcel, sous Léon IV, il s’est vu condamné par celui-ci : il a créé les pires difficultés à Benoît III au moment de son élection (septembre 855), et a été antipape pendant quelques jours. Sous la pression impériale, Benoît III lui a pardonné et l’a admis à la communion laïque ; Nicolas I er, qui a eu besoin de lui, à cause de sa connaissance approfondie de la langue

grecque, lors des premiers démêlés avec Photius, lui a témoigné une véritable faveur. A partir de 862 tout au moins, l’abbé de Sainte-Marie du Transtévère (c’est le titre qu’il avait à ce moment) devient secrétaire intime de Nicolas, en al tendant qu’Hadrien II le fasse bibliothécaire de l’Eglise romaine. Même après le crime commis par lui contre Hadrien en 868, et ly sévère condamnation qui l’a frappée, il parvient à rentrer en grâce, A en 870, il figurera au IVe concile de Constantinople (VIII* œcuménique), comme représentant du pape et de l’empereur Louis IL

Singulier personnage, on le voit, instruit, intelligent, mais dépourvu, semble-t-il, de toute valeur morale ! L’est lui, il nous l’apprend lui-même dans la préface de la traduction des actes du VIII » concile œcuménique, qui a rédigé une bonne partie de la correspondance de Nicolas I er, au moins pour ce qui concerne l’affaire photienne. Cf. P. L., t. cxxix, col. 17 I). La comparaison de nombre de pièces de la correspondance avec les œuvres connues d’Anastase corrobore de tous points cette affirmation.

Mais cette collaboration d’Anastase fui-elle de nature à imposer au pape des manières de voir, des démarches auxquelles il n’aurait pas été porté de lui-même ? On l’a prétendu. Toute la thèse si remarquable du P. Lapôtre, De Anastasio bibliothecario, Paris, 1885, est au fond bâtie sur cette idée, qu’Anastase a gouverné dans la réalité sous le nom de Nicolas. Peut-être y a-t-il, au fond de tout ceci, le désirde faire passer au compte du trop fameux bibliothécaire quelques-unes des mesures contestables, des interprétations tendancieuses, que l’histoire peut reprocher à Nicolas. E. Perels a réagi, avec raison, nous semblet-il, contre cette interprétation passablement arbitraire. Il fait remarquer que, sous Benoît III déjà, Nicolas avait tenu en fait les rênes du gouvernement ; il serait bien peu vraisemblable qu’arrivé au trône pontifical, il ait passé à d’autres l’exercice du pouvoir. Par ailleurs, l’ensemble des actes de Nicolas nous révèle une politique parfaitement cohérente, et cette politique prend fin dès sa mort, bien qu’Anastase soit encore resté, pendant près d’une année, le conseiller d’Hadrien II, et qu’il ait encore exercé de l’influence sous le pontifical suivant. On en conclura que l’aclion et la doctrine, qui se manifestent dans l’œuvre et la correspondance de Nicolas, proviennent directement du pontife lui-même. Pour réaliser ses desseins il a pu utiliser des hommes comme Anastase, comme Radoald, comme Arsène, tous plus ou moins compromis sous le pontificat précédent ; mais aucun des personnages de l’entourage pontifical n’a pu donner à sa correspondance et à sa politique le caractère qui leur est propre. C’est du pape lui-même que l’une et l’autre relèvent en dernière analyse.

2° Principales idées de Nicolas 1°. — 1. La monarchie pontificale. — Ce mot résume assez bien la conception que se fait Nicolas de la situation du Siège apostolique par rapport à l’ensemble de la chrétienté.

A la conception orientale des cinq patriarcats, parmi lesquels Rome n’a guère qu’une primauté d’honneur, il oppose nettement l’idée, fort ancienne à la vérité, mais parfois un peu obscurcie aux âges précédents, de la primauté de juridiction du siège romain sur toutes lesÉglises. La « sollicitude » decelui-ci (ce mot ancien, il l’affectionne) s’étend à toute la terre ; elle est une conséquence directe des promesses faites à, Pierre et par là même à ses successeurs. Cette juridiction, Nicolas l’affirme surtout dans ses lettres relatives aux affaires orientales, qu’il s’adresse au basileus, à Photius ou aux autres patriarches. Voir surtout le long factum adressé à Michel en 865. Jafïé, n. 2796.

Une des manifestations essentielles de ce pouvoir