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NICOLAS 1er (SAINT]

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Incapable de résister ouverl émeut aux sommai ions pontificales, Lothaire, qui venait de se rapprocher de Louis le Germanique, feignit de prendre à l’égard de Nicolas une attitude soumise : il avait, disait-il, l’intention de se rendre à Rome pour y confondre ses accusateurs et même, auparavant, il allait envoyer des ambassadeurs qui le justifîera’ent ; les bruits que l’on avait fait courir sur ses nouvelles relations avec Waldrade étaient mensongers. Texte dans Baronius, Annales, an. 866, n. 36-42 ; Mon. Germ. hist., Epist., t. vi, p. 230-238. En même temps, Louis le Germanique s’entremettait et, tout en plaidant la cause de son neveu, soulevait à nouveau la question des deux archevêques déposés. Nicolas ne se laissa pas fléchir, bien qu’il n’ait pas d’ailleurs positivement excommunié Lothaire. Cf. E. Perels, dans Neues Archio, t. xxxii, p. 143-119. Trois lettres dictées le 30 octobre, quinze jours avant sa mort, expriment au roi de Germanie le point de vue dont il est bien résolu à ne pas se départir : il ne recevrait pas Lothaire à Rome, à moins qu’il n’y envoyât d’abord Waldrade et qu’il ne restituât à Theut berge ses droits ; et quant aux deux métropolitains de Cologne et de Trêves, ils avaient commis des fautes trop énormes pour qu’il fût possible de songer à leur rétablissement. Jaffé, n. 2884-2886. Cette fin de non-recevoir serait la dernière intervention de Nicolas en cette pénible affaire-Il appartiendrait à son successeur Hadrien II de trouver les solutions miséricordieuses qui, en lais, sant intactes les questions de principes, pourvoiraient aux questions de personne.

Pour Nicolas I or, il avait cru nécessaire d’affirmer, en la circonstance, et le droit souverain de l’Église à s’occuper des affaires matrimoniales et l’autorité suprême du Siège apostolique, et le soin jaloux que doit prendre la société ecclésiastique de ne rendre en ces délicates matières aucun jugement de complaisance. Canonistes et théologiens reviendront souvent, par la suite, sur les principes qu’il a pour lors affirmés et sur la fermeté avec laquelle il a su les appliquer.

2. Nicolas Ie’el les grands dignitaires ecclésiastiques.

— L’affaire du divorce nous a déjà montré la manièrer dont Nicolas envisage les rapports du Saint-Siège avec les grands dignitaires ecclésiastiques. Depuis que la renaissance carolingienne avait rendu un nouveau lustre à la vieille institution métropolitaine, il ne manquait pas de prélats de cet ordre qui considéraient trop volontiers leurs fonctions comme supérieures à tout contrôle. Nicolas va leur montrer que, pour importante qu’elle soit, leur fonction ne repose, en dernière analyse, que sur une concession du Siège apostolique. C’est là une vieille idée de saint Léon le Grand, qu^ reprend avec lui toute sa vigueur.

Ce n’est pas à dire que Nicolas veuille systématiquement rabaissser le rôle des métropolitains, comme divers souverains ont entrepris d’annihiler le pouvoir des grands vassaux. Il est le premier à revendiquer pour les métropolitains l’exercice de leur juridiction. Au détriment des droits d’Hincmar, archevêque de Reims, l’évèché de Cambrai a été pourvu directement par le roi Lothaire. Nicolas proteste contre cette violation des privilèges de Reims. Voir les trois lettres Jaffé, n. 2730-2732 adressées aux évoques lorrains, à Lothaire, et à Hilduin nommé par celui-ci à l’évèché en question. Dans toutes les grandes affaires qu’il a à traiter, c’es 1 par l’intermédiaire des métropolitains que le pape s’ad r csse au clergé des divers royaumes. Voir par exemple, entre beaucoup d’autres, Jaffé, n. 2674, 2684, 26 !)7, 2749, 2757, 2764. A Nominoé, le roi breton qui s’est insurgé à la fois contre Charles le Chauve et contre la juridiction de la métropole de Tours, il rappelle énergiquement les droits de cette dernière. Jaffé, n. 2708. Mais, s’il entend faire respecter

les privilèges des métropolitains, il entend aussi que ces derniers, se tenant à leur juste place, n’empiéteront ni sur les droits des simples évêques, leurs subordonnés, ni sur le pouvoirsupérieur du siège apostolique. Deux affaires retentissantes mettent fort bien eu lumière cette idée : celle de Jean de Ravenne et celle d’Hincmar de Reims.

a) L’affaire de Jean de Ravenne. — On sait que les archevêques de Ravenne, longtemps appuyés par l’exarque byzantin dont leur ville était la résidence, avaient toujours témoigné de quelque indépendance par rapport au Siège apostolique. Depuis 850, le Siège était occupé par Jean VIII, frère du duc Grégoire, commandant militaire de la ville, et en fort bons termes avec l’empereur Louis IL Déjà, sous Léon IV, des plaintes avaient été portées à Rome contre lui : il tyrannisait ses subordonnés, lésait les droits de propriété que le Saint-Siège, en vertu des donations carolingiennes, possédait dans l’exarchat, brimait des ressortissants de l’État pontifical. Léon IV avait protesté et menacé, Jaffé, n. 2628, mais vainement. De nouvelles plaintes arrivèrent à Nicolas vers l’année 860. Sommé par trois fois de comparaître à Rome, Jean est jugé par contumace et excommunié. Mansi, Concil., t. xv, col. 658 (voir L. Duchesne, Le Liber pontiftealis, t. H, p. 168, n. 17-21). Il se rend alors à Pavie pour solliciter la protection de l’empereur, qui le fait accompagner à Rome par des missi impériaux. Sans se laisser émouvoir, le pape le somme de comparaître en novembre de cette même année 860. Fort de l’appui de Louis, Jean refuse de se soumettre. Sur nouvelles plaintes qui lui viennent de l’Emilie et sur la demande même des victimes de l’archevêque, Nicolas se transporte de sa personne à Ravenne pour juger le coupable. Mais celui-ci a pris la fuite vers Pavie, où il sollicite une nouvelle intervention de l’empereur. Mal lui en prend ; irrité contre lui, Louis II lui fait sentir qu’il n’a pas d’autre parti à prendre que la soumission. Ainsi fut fait, en un concile qui se réunit à Rome en noveimbre 861 ; Jean dut y lire une rétractation et jurer qu’il observerait à tout jamais les promesses qui y étaient contenues ; sur quoi le pape lui rendit sa communion. Le lendemain, les évêques d’Emilie apportèrent leurs plaintes rédigées par écrit, il y fut fait droit et des restrictions importantes furent apportées aux prétentions de l’archevêque de Ravenne. Voir le texte dans Liber pontifie, t. ii, p. 157-158, et la lettre par laquelle Nicolas avertit de ses décisions les suffragants de Ravenne, Monum. Germ. hist., Epist., t. vi, p. 613 sq. On remarquera les considérants donnés par le pape : Tarn perniciosa gravamina et tam malam consuetudinem eliam ipsi in Ecclesia Dei tirannicc pullulasse dolentes… ne aliis metropolitanis episcopis talia

PR.ESUMENDI OCCASIO REMANERET et EcclesisB Dei

tali inficerentur e.vemplo, statuimus, etc. Ibid., p. 616. Cette affaire de Jean de Ravenne est donc, dans la pensée du pape, un avertissement donné aux autres métropolitains.

b) Les démêlés avec Hincmar de Reims. — De ces métropolitains le plus considérable, à l’époque, était certainement Hincmar de Reims, qui, grâce à l’influence qu’il avait prise à la cour de Charles le Chauve, jouissait, dans la France occidentale, d’un pouvoir qui dépassait de beaucoup les limites de son ressort archiépiscopal. Déjà, l’empereur Lothaire I er avait voulu lui faire attribuer le titre de vicaire du pape dans les Gaules, c’est-à-dire en réalité la primai ie sur l’épiscopat de cette région. Le plan avait échoué, mais Hincmar n’en avait pas moins dans le royaume de Charles une situation toul ; ’: fait prépondérante. Fort pénétré du sens de ses devoirs, désireux de faire respecter les règles canoniques, jaloux de travailler an