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NICOLAS I" (SAINT]


jugé sévèrement cette attitude de Nicolas : « Au fond, dit R. Parisot, Nicolas avait raison : Gunlher et Theutgaud étaient très coupables, tous deux méritaient une punition ; seulement il convenait que celle-ci fui prononcée dans les formes. On reprochait, non sans raison, à Gunther el à Theutgaud d’avoir violé à l’égard de Theutberge les règles de la justice ; en procédant contre eux, il importait de ne pas suivre leurs errements. Le pape eut tort de ne pas le comprendre. » Voir aussi E. Ferels, Papst Nicolaus !.. p. 83, el les auteurs qu’il cite. Il resterait, avant de faire à Nicolas ce grief, à rechercher s’il ne se croyait pas autorisé à procéder de la sorte par des précédents, ei s’il ne puisait pas son droit d’agir ainsi dans une conviction sérieusement assise des prérogatives du Siège apostolique.

Quoi qu’il en soit, les deux condamnés, loin de s’incliner devant la sentence pontificale, entrèrent ouvertement dans la voie de la révolte. Réfugiés auprès de l’empereur Louis II, qui venait de resserrer son alliance avec son jeune frère Lothaire, ils l’excitent contre le pape. En janvier ou février 804, on vit paraître sous les murs de Rome une armée impériale. Louis voulait-il seulement intimider Nicolas ? poussé par les archevêques rebelles, avait-il l’intention d’aller plus loin et de déposer le pape ? Sa tentative, en tout cas, fit long feu. Les bagarres qui turent lieu entre les impériaux et les Romains déterminèrent le pape à quitter le Latran pour aller chercher à Saint-Pierre un asile plus sacré. Ce geste de Nicolas produisit une très vive impression ; finalement l’impératrice Engclberge s’interposa et Louis II se retira, non sans que l’armée eût commis de rudes déprédations. Récit dans Annales Hincmari, an. 86-1, P. L., t.cxxv, col. 1216. Abandonnés par l’empereur, les révoltés essayèrent de liguer contre le pape l’épiscopat lorrain qui, à Metz, s’était compromis avec eux. C’est alors qu’ils répandirent le pamphlet contre le pape, auquel nous avons déjà fait allusion et que nous ont conservé les Annales d’Hincmar (reproduit dans P. L., t. cxxi, col. 377-380). On remarquera le grief trèsgénéral qu’ils font à Nicolas : Domnus Nicolaus qui dicitur papa, et qui se aposlolum inter aposlolos annumerat, totiusque mundi impeiiatorem se jacit, col. 379 A ; plus encore le ridicule qu’ils se donnent en prétendant retrancher le pape de leur communion : Tuam maledictam sententiam. .. nequaquam recipimus, imo cum omni cœtu fraterno quasi malediclum frustra prolatum conlemnimus atque abjicimus. Teipsum quoque, damnatis et anathematizalis sacramque religionem abjicientibus ac contemnenlibus faventem et communicanlem (s’agirait-il d’Anastase et d’Arsène condamnés jadis sous Benoît III et rentrés à la curie depuis quelque temps ?) in nosiram communionem noslrumque consortium recipere nolumus, contenti tolius Ecclesiæ communione et fraterna societate, quam tu arroganter le superexaltans despicis, teque ab ea elationis lumore indignum faciens séquestras. Col. 380 B C. On rapprochera cette attitude de celle de Photius au concile constantinopolitain de 867.

Gunther se trompait lourdement, s’il pensait par de telles invectives et par cette attitude schismalique rallier les sympathies de l’épicopat lorrain. Les uns après les autres, les prélats qui avaient assisté au concile de Metz firent leur soumission au pape. Cf. les lettres de Nicolas, Jaffé, n. 2766-2678. Gunther affecta de braver ; rentré à Cologne, il viola publiquement l’interdit pontifical en consacrant le saint chrême le Jeudi saint de 864. Au contraire Thietgaud se soumit à la sentence de déposition et s’abstint d’exercer les fonctions de sa charge. Bien lui en prit ; il se ménagea ainsi une absolution ultérieure, tandis que Gunther se vit enlever dès ce moment, et, chose curieuse, par

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les soins mêmes de Lothaire, l’administration de 80 diocèse. Réfugié en Italie, il obtiendra un appu relatif de Louis II ; par les soins de celui ci, un concile réuni à Pavie en février 865 demanda, mais vainement, à Nicolas I" de lui pardonner. Mansi, ConciL, l. xv, col. 759.

Cette révolte des archevêques lorrains fait oublier pendant quelque temps l’affaire du divorce qui en avait été le point de départ. Nicolas pourtant ne la perdait pas de vue.

d) Le divorce de Lothaire. La légation d’Arsène. Les démarches de Lothaire auprès du pape. —A la fin de 801, en effet, le pape semble décidé à lancer l’excommunication contre le souverain, si pour le 1° février 865 il n’a pas renvoyé Waldrade. II se refuse d’ailleurs, comme nous l’avons dit, à utiliser, pour aboutir à ses fins, ! ’assistance politique des deux oncles du roi. Ci-dessus, col. 509. Affaire ecclésiastique, la question doit être réglée par des moyens ecclésiastiques. Nicolas songe un instant à la faire étudier à Rome par un concile général, qui d’ailleurs aurait à connaître d’un certain nombre d’autres problèmes. Sur ce point de détail, voir E. Pirels, Ein Herufungsschreiben Papst N ikolaus’I.zur j rùnkischen Heirlxssynode in Rom, dans N’eues Archiv, 1907, t. xxxii, p. 135 sq. Mais ce plan échoua. Nicolas se décida donc à la faire régler sur place par un légat qu’il envoie en France occidentale au printemps de 865. C’est Arsène, évêque d’Horta, qui est chargé de celle mission fort complexe. Il n’avait pas seulement pour but d’empêcher les hostilités entre les oncles de Lothaire et celui-ci, il devait encore régler diverses questions ecclésiastiques, et spécialement l’affaire d’Hincmar dont nous parlerons plus loin ; surtout, il devait ramener Theutberge à son époux légitime, et emmener en Italie, pour éviter tout danger ultérieur, et Waldrade, dont Lothaire devrait se séparer et Engeltrude qui devait être rendue à son mari Boson. Cette mission réussit pleinement, au moins en apparence ; à l’étéde865, Arsène réconciliait Theutberge et Lothaire et, quelques semaines plus tard, il repartait pour l’Italie emmenant Waldrade et Engeltrude. Il est vrai que les deux prisonnières ne tardèrent pas à fausser compagnie au légat, et, dès 866, Waldrade reparaissait dans les États de Lothaire et parvenait à retrouver celui-ci, malgré l’excommunication que le pape avait lancée contre elle, dès le 2 février. Cf. Jaffé, n. 2808 et 2871.

Cette présence de l’ancienne maîtresse ne pouvait que rendre précaire la réconciliation de Lothaire et de Theutberge. Lasse d’une situation qui devenait de jour en jour plus pénible, celle-ci forme le dessein de se rendre à Rome pour demander au pape de vouloir bien annuler son mariage ; elle met en avant le prétexte qui avait déjà servi au concile de Metz : la légitimité de la première union contractée par Lothaire avec Waldrade (lettre connue par deux réponses du pape, Jafïé, n. 2870 et 2873). Le pape ne se fit aucune illusion ; il vit bien que la lettre écrite par Theutberge émanait en réalité de Lothaire ; sa réponse à la malheureuse reine est sévère ; elle a menti, prétend-il, en déclarant que c’était d’elle-même qu’elle renonçait à la dignité royale et à la couche de Lothaire. Défense lui est faite de venir à Rome, si Waldrade n’y est d’abord envoyée avant elle. Jaffé, n. 2870. C’est dans le même sens, et avec plus de sévérité encore, qu’il écrit à Lothaire lui-même. Jaffé, n. 2873. En même temps, il gourmande les évêques de Lorraine de leur inertie dans toute cette atïaire : sous peine d’excommunication, ils devront faire connaître la sentence qui a frappé Waldrade. Jaffé, n. 2871. Quant à Charles le Chauve, qui, pour quelques services à lui rendus, a renoncé à défendre la cause de Theutberge, il est réprimandé à son tour. Jaffé, n. 2872.

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