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NICOLAS 1er (SAINT)

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ou moins les unes sur les autres et que parfois elles interfèrent. Suivons la politique ecclésiastique du pape en Orient d’abord, en Occident ensuite.

1° Rapports avec l’Orient. L’affaire photiennc. — Nous serons très brefs sur ce point ; la question devant être reprise aux art. Photius et Schisme oriental. Nous décrirons seulement la courbe générale que dessinent les événements.

La fin de la querelle inonoclaste (843), l’accession au trône patriarcal de saint Méthode et de saint Ignace avaient rétabli entre l’Ancienne et la Nouvelle Rome des relations cordiales. La substitution, en 858, par l’empereur Michel III de Photius à Ignace va faire naître au contraire, entre Constantinople et Rome, une tension qui aboutit finalement à un schisme, passager il est vrai, mais d’énorme conséquence pour l’avenir.

Ce n’est pas que Photius ait cherché, au début, la rup’.ure avec Rome ; tous ses efforts vont au contraire à obtenir du Siège apostolique la reconnaissance de son élection. C’est le refus de Nicolas I er de passer outre aux graves défauts qui ont vicié son accession, qui va progressivement jeter Photius dans la révolte ; et d’autant plus que les prétentions de Rome à rétablir son autorité patriarcale, sur les Bulgares récemment convertis, semblent au patriarche byzantin une atteinte aux droits que son siège s’est acquis en cette région.

Nicolas I er, dans la question photienne, ne prit parti qu’à bon escient. C’est en 860 seulement qu’il en est saisi, et non pas par Ignace dont l’appel ne lui avait pas été transmis, mais par Photius qui, expliquant les choses à sa manière, demande à Rome la reconnaissance habituelle. Sur quoi, le pape décide l’envoi à Constantinople de deux légats, Radoald évêque de Porto et Zacharie évêque d’Anagni, en qualité de commissaires enquêteurs (septembre 860 ; Jatïé, n. 2682, 2683). Mais les légats romains, soigneusement isolés et chapitrés, en passent par les exigences des Byzantins, assistent à un concile réuni en mai 861, et s’associent à toutes les mesures de rigueur prises contre Ignace et ses adhérents.

Nicolas, dans un synode romain de mars 862, commence par blâmer ses légats d’avoir outrepassé leurs pouvoirs ; des lettres fort vives à l’adresse de l’Orient déclarent que, jusqu’à plus ample informé, Rome tient Ignace pour l’évêque légitime. Jaffé, n. 2690-2692. Puis, l’appel d’Ignace étant enfin parvenu à Rome, le pape, plus complètement éclairé sur les agissements de ses légats, instruit l’affaire en un concile romain d’avril 863. Convaincu de prévarication, Zacharie est déposé (Radoald, pour lors en mission à Metz, aura son tour en novembre 864) ; Photius est anathématisé comme intrus ; Ignace et ses partisans sont restaurés sur leurs sièges. Jaffé, p. 350 ; Mansi, Concil, , t. xv, col. 178 sq. ; 245 sq. ; P. [.., t. cxix, col. 850.

Avisé de cette sentence par une lettre qui ne s’est pas conservée (la lettre Jaffé, n. 2736, n’est pas adressée à l’empereur Michel, mais peut-être à un prince d’Arménie), le basileus réagit avec violence. Non seulement il se refuse ? à écarter Photius, mais il expédie à Rome une vigoureuse protestation « pleine de b’asphèmes et d’injures » (pas conservée). Nicolas n’y répondit que lu 28 septembre 805. Sous des apparences énergiques, cet interminable document (P. L., t. exix, col. 926-962) marquait un recul du pape ». Sans doute Nicolas y revendiquait avec force le droit divin de l’Kglise romaine, mais il revenait en somme sur les solutions péremptoires d’avril 863, et proposait de soumettre à un nouvel examen, qui aurait lieu à Rome, le conflit pendant entre Ignace et Photius. Jatïé, n 2796. C’est la même solution qu’il

donne en une série de lettres rédigées en novembre 860. Jaffé, n. 2813-2821.

Cette solution n’avait, en somme, rien d’ignominieux pour Photius ; mais à ce moment même se pose la question bulgare, qui va raidir le patriarche dans son attitude de rébellion (voir t. ii, col. 1177-1182, et t. viii, col. 604, où l’on rectifiera ce qui est dit de Michel ; Michel est le nom chrétien de Boris). Évangélisée depuis quelques années par des missionnaires grecs envoyés par Photius, la Bulgarie s’ouvre d’abord à l’influence de Constantinople. Mais, en 866, le roi Michel Boris, irrité de la lenteur des Grecs à répondre à ses demandes, se tourne vers Rome ; une ambassade bulgare y arrive en août implorant du pape l’organisation d’une mission latine. Heureux de soustraire à l’emprise déjà schismatique de Constantinople cette terre bulgare, dont une bonne partie avait relevé jadis du patriarcat romain, Nicolas répond avec empressement à l’initiative du roi Boris. Paul de Populonie et Formose de Porto reçoivent mission de partir en Bulgarie, porteurs des célèbres réponses Ad consulta Rulgarorwn. Jaffé, n. 2812 ; P. L., t. exix, col. 9781016. Ils ne partent pas seuls ; à eux se joint l’autre légation qui doit porter à Constantinople le volumineux courrier dont on a parlé ci-dessus.

Mais Photius a eu vent des démarches faites à Rome par les Bulgares ; fort irrité, il fait arrêter à la frontière de l’empire grec la légation romaine. Puis, prenant l’offensive, il essaie de soulever contre les « empiétements » de Rome tous les patriarches d’Orient. L’encyclique qu’il leur adresse prend comme point de départ la concurrence faite en Bulgarie par les Latins aux Grecs ; elle énumère ensuite toutes les pratiques répréhensibles, tant au point de vue du dogme qu’à celui de la morale, que les nouveaux missionnaires ont introduites dans un pays jusque là acquis à l’orthodoxie ; elle fait prévoir enfin la réunion d’un concile oriental, où seraient examinés tous ces griefs qu’elle accumulait contre les Latins. P. G., t. en, col. 721-742.

Cette encyclique doit être du début de 867 : le concile dont elle presse la réunion, et sur lequel on est renseigné de manière fort contradictoire, a pu se tenir à l’été de cette même année. Il aurait porté une sentence de déposition contre la personne de Nicolas, et une menace d’excommunication contre ceux qui demeureraient en rapport avec lui. Photius cherchait en même temps des alliés en Occident, parmi les évêques qui se croyaient victimes des procédés autoritaires du pape ; il sollicitait l’appui de l’empereur Louis II, qui à diverses reprises avait eu à se plaindre de Nicolas.

Le pape eut-il connaissance de tous ces événements’.' on ne saurait le dire ; il se rendit compte néanmoins que quelque chose se tramait à Constantinople. En août 867, les clercs d’Hincmar de Reims, venus à Romepour les affaires de leur maître, trouvent Nicolas fort préoccupé : Jam valde infirmatus et in conlentione contra Gnecorum imperatores, Michælem et Basilium, sed et contra orientales episcopos magnopere laborans. Annales Hincmari, an. 867, P. L., t. cxxv, col. 1235 C. Malgré sa mauvaise santé, le pape ne renonçait pas à la lutte : contre les entreprises des Grecs il voulait mobiliser tous les théologiens de l’Occident, et les clercs d’Hincmar remportaient à Reims une lettre datée du 23 octobre que l’archevêque devait communiquer à tout le clergé du royaume de Charles le Chauve, JatTé, n. 2879 : Les divers métropolitains convoqueraient d’urgence leurs sutïragants, pour étudier les réponses qu’il convenait d’opposer aux prétentions insensées des Grecs ; ils transmettraient ces consultations au Saint-Siège. Le roi était prié de favoriser de tout son pouvoir ces réunions. Jatïé, n. 2882. Nicolas écrivait dans le même sens aux évêques du