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NICOLAITES


mais en recherchant d’autres. C’est ici que, sans aucune transition, l’évêque de Salamine bloque tous les renseignements qu’il possède sur les gnosliques, adorateurs de Barbelo, de Jaldabaoth, etc. Et il semble croire tout ce monde contemporain de l’apôtres Jean, qui a réfuté dans l’Apocalypse les conséquences immorales qu’ils tiraient de leur mythologie.

Saint Augustin est très bref à son habitude. De luvres., 5, P. L., X. xlii, col. 26. Pour Nicolas lui-même il l’excuse ; l’anecdote sur son désintéressement conjugal a été mal comprise par une secte honteuse qui préconise la communauté des femmes (mus indifferens feminarum) et la licéité de certaines pratiques idolâtriques. Mais, ajoute Augustin qui dépend ici d’Épiphane, la secte a bien compliqué tout ceci d’une mythologie plus ou moins fantastique : Intelliguntur etiain isti non Deo tribuere creoturam sed quibusdam potestatibus quas mirabili vel fin y uni vanitate vel credu.nl.

Chose curieuse, Théodoret, presque à la même époque, rend sensiblement le même son. Hærctic. fabul., III, i, P. G., t. lxxxiii, col. 401. Après avoir raconté l’anecdote rapportés par Clément, et l’avoir interprétée dans le bon sens, il ajoute que certains en ont pris prétexte pour justifier la communauté des femmes, alors qu’au contraire Nicolas avait vécu fort chaste. L’évêque de Cyr nereproche d’ailleurs aux nicolaïtes aucune aberration doctrinale, ce qui est d’autant plus étrange qu’il se réfère à Irénée et à Hippolyte.

Reste, deux siècles plus tard, Jean Damascène, De lueres., 25, P. G., t. xciv, col. 692, en parfaite dépendance d’Épiphane et dont le témoignage n’apporte absolument rien de nouveau.

6. Certains Pères enfin font à nos hérétiques de brèves allusions. L’auteur des Constitutions apostoliques, t. VI, c. viii, P. G., t. i, col. 928, attache aux nicolaïtes l’épithète de tJjsuSwvuji.oi, voulant sans doute indiquer qu’il ne les considère pas comme la descendance authentique du diacre antiochien. Même note, et sans doute pour la même cause, dans la recension longue des épîtres ignaciennes. « Fuyez, est censé dire Ignace, les impurs nicolaïtes, toùç ^cjSwvÙ[jI.ouc, toùç çlXtjSôvouç, toùç auxocpdcvTaç. » Ad Troll., 11. P. G., t. v. col. 796.

Saint Jérôme, par contre, croit à la culpabilité du diacre Nicolas : Tarn turpia et nefanda commentiis est, ut nicolailarum heeresis ex illa radiée nascatur, écrit-il dans la lettre à Héliodore. Episl., xiv, P.L., t. xxii, col. 353. Voir aussi Episl., cxxxiii, ad Ctesiphontem, col. 1153 ; Episl., cxlvii, ad Sabinianum lapsum, col. 1198.

Cassien". lui, sait que la question est au moins contreversée et propose, comme solution, d’attribuer à un autre personnage de même nom l’origine de l’erreur nicolaïte : Licet hune Nicolaum quidam asseranl non illum fuisse qui ad opUs minislerii ab apostolis est eleclus, nihilominus tamen eum de Mo discipulorum fuisse numéro negare non possunt, quos omnes taies tanique per/eclos in lempore Mo fuisse manifestum est quales nunc perpaucos Dix in cœnobiis inuenlmus. Collai., XVIII, c. xvi, P. L., t. xlix, col. 1121.

Somme toute donc, Etienne Gobar, au vi c siècle, résumait assez bien l’état de la question quand, dans le livre analysé par Pholius, cod. 232, P. G., t. ciii, col. 1104 D, il classait ainsi les opinions en présence : Nicolas a été énergiquement condamné par Hippolyte et Épiphane ; au contraire Ignace, Clément, Eusèbe, Théodoret, tout en condamnant l’hérésie des nicolaïtes, déclarent que Nicolas n’en était point, y.r toioûtov elvoa.

IL Classement et critique des documents. — Le classement d’Etienne Gobar est néanmoins suscep tible de quelque précision. La lecture attentive des documents ci-dessus énumérés montre qu’ils se répartissent en trois catégories.

L’opinion occidentale.

 C’est celle qui est représentée

par Irénée et Hippolyte. D’une part, elle fait des nicolaïtes une secte qui remonte à Nicolas, le diacre d’Antioche. D’autre part, elle attribue à la secte non seulement la justification de pratiques immorales (qui ne sont guère précisées) et de gestes idolâtriques, mais encore des spéculations théologiques et cosmologiques, apparentées au dualisme qui fait le fond des spéculations gnostiques. Or, il est bien évident qu’ici, comme en beaucoup d’autres endroits. Hippolyte copie simplement Irénée. Cela fait donc un seul témoignage.

Que vaut-il’.' Les aberrations morales des nicolaïtes, Irénée les connaît d’après l’Apocalypse. Pour ce qui est des spéculations gnostiques, il nous paraît qu’Irénée ne les connaît point par témoignage direct. Il n’y avait plus de nicolaïtes à son époque, et c’est, par conjecture que l’évêque de Lyon fait de certaines sectes gnostiques qu’il connaît des rejetons de ces premiers hérétiques. Peut-être y a-t-il été amené par ce mot de l’Apocalypse qui attribue aux « nicolaïtes » de Thyatire une connaissance, dont ils se vantaient, des « profondeurs de Satan ». Apoc., ii, 24. C’est bien peu pour appuyer tout le système que l’on prête aux sectaires combattus par l’Apocalypse. Tertullien se montre beaucoup plus réservé.

L’opinion orientale.

Elle est représentée sous sa

forme la plus pure par Clément d’Alexandrie (Eusèbe) puis par Théodoret, et par le rédacteur des Constitutions apostoliques (identique, semble-t-il, au renia nieur des lettres ignaciennes).

Tous ces auteurs innocentent personnellement Nicolas, et expliquent l’appellation donnée aux sectaires de l’Apocalypse par le contresens fait sur un geste et sur un aphorisme de l’honnête diacre. Pour ce qui est des doctrines de la secte, ils semblent ignorer les spéculations gnostiques dont elle aurait été responsable : et quant aux aberrations inorales dont ils prétendent qu’elle cherchait une justification, elles se ramènent, semble-t-il, à la théorie de la communauté des femmes.

Tout cela remonte en définitive à Clément et à son anecdote, dont il est absolument impossible de contrôler la valeur. On sait la prédilection de Clément pour ces traditions secrètes, sur l’authenticité desquelles on ne peut se prononcer. Clément, selon toute vraisemblance, n’a pas plus inventé celle-ci que d’autres fort touchantes qu’il rapporte. Mais l’anecdote peut avoir été imaginée antérieurement, pour concilier le fait que les nicolaïtes sont sévèrement repris dans l’Apocalypse, alors que, dans les Actes, le diacre Nicolas auquel on était tout naturellement tenté de rapporter l’origine des nicolaïtes, figurait, sans aucune remarque spéciale de l’auteur, parmi les autres diacres « hommes remplis d’esprit et de sagesse », dignes compagnons d’Etienne « rempli de foi et de l’Esprit-Saint ». Act., vi, 3, 5.

Contamination des deux opinions.

 Épiphane. a

connu les données de Clément et celles d’Irénée et les a mélangées. Mais il fallait pour cela donner un autre tour à l’anecdote rapportée par le maître alexandrin. Ainsi fut fait. Moine du IVe siècle, Épiphane, se représente les conditions de l’Église primitive à l’image de ce qui commence à être la règle autour de lui ; il voit en somme en Nicolas un moine transfuge et qui manque à ses vœux. Rien d’étonnant, d’ailleurs, que la perversion morale ait entraîné chez lui les déviations de l’intelligence. Les abominations que l’évêque de Salamine a connues en quelques couvent icules gnostiques de son temps, il les met au compte du malheu-