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NICOLAITI.S


Logos, lils du Monogène. Irénée ne marque aucun lien entre les aberrations morales et les spéculations proprement théologiques. Rien n’indique d’ailleurs que les nicolaïtes en question existent encore à l’époque d’Irénée. — Il reste enfin qu* Irénée fait expressément remonter les origines de la secte à Nicolas, le prosélyte d’Antloche, l’un des sept diacres ordonnés par les Apôtres. Ad., vi, 6.

2. Les renseignements, fournis par Clément d’Alexandrie sont postérieurs de quelques années, niais ils sont loin de recouvrir exactement ceux que fournit Irénée.

En deux passages des Stromates, dont le second est ilonné par l’auteur comme un addendum au premier, Clément s’explique sur les rapports entre les nicolaïtes et le diacre Nicolas. Il a connu, dit-il, t. II, c. xx (118), P. G., t. viii, col. 1061, un chef d’une secte gnostique qui professait que le meilleur moyen de combattre la volupté, c’était encore de s’y abandonner, semblable en cela à Aristippe de Cyrène, semblable aussi aux nicolaïtes : « Ceux-ci prétendent suivre. Nicolas, apportant un adage de cel homme célèbre : to Seîv rcocpaxp^a 0ai (= ou bien « faire mauvais usage > ou bien « sévir contre » ) tt} aocpxi. Or cet homme si noble voulait dire qu’il fallait retrancher les plaisirs et les désirs, et que cette ascèse réduirait à néant les impétuosités et les assauts de la chair. Eux au contraire, lascifs comme des boucs, s’abîment dans les plaisirs, sous prétexte de mépris du corps. » Et revenant sur la question, t. III, c. iv (25), col. 1129-1132, et sur les prétextes doiït usent les hérétiques pour se donner toute licence, Clément raconte en détail l’anecdote qui aurait donné naissance au mot, si fâcheusement interprété, de Nicolas. I) était marié à une femme fort jolie, dont il était trop jaloux. Repris de ce chef par les apôtres, il amena sa femme au milieu de l’assemblée chrétienne et déclara en faire le sacrifice : » Qui la veut, l’épouse », s’écria-t-il. On rapprocha plus tard cette action hardie de la fameuse parole 7tapaxp ?)aacj60a -f t aapxi Seï, et, sous prétexte de suivre et son exemple et son conseil, ceux qui suivent son parti (ol tt)v aïpeow aùxoG (iSTiév-reç) se livrent sans pudeur à la fornication (comme si Nicolas avait enseigné, en somme, la communauté des femmes). Clément n’en croit rien. A son estimation, Nicolas a vécu au contraire de façon exemplaire, il a élevé admirablement ses enfants. Son geste était en définitive un exemple, un peu surprenant, de parfait renoncement ; il appuyait sa parole : « Il faut savoir sévir contre la chair. » — La même anecdote est transcrite par Euscbe, qui l’emprunte à Clément, H. E., III, xxix, P. G., t. xx, col. 276 sq.

Ainsi le maître alexandrin ne reproche aux nicolaïtes que leurs aberrations morales, aberrations que ceux-ci justifient par un mot et un geste mal interprêtés de Nicolas, l’un de sept diacres. Mais celui-ci est personnellement à l’abri de tout soupçon.

3. Tertullien, presque au même moment, parle des nicolaïtes, mais ignore Nicolas. Au De præscriplione, 33, P. L., t. ii, col. 55, il indique très clairement que les nicolaïtes appartiennent au passé : leur attitude à l’endroit des idolothytes et de l’impureté (idolothyla edentes et stupra commitlenles), se retrouve chez des hérétiques d’aujourd’hui, écrit-il : sunt et nunc alii Xicolailic, Gaiana hæresis dicitur.

Le texte de l’Ado. Marciomm, i, 29, ibid., col. 306, ne parle, lui non plus, que d’aberrations morales : aliqui Sicolaitse, assertores libidinis atque luxuriæ. Et quant au De pudicitia, 19, col. 1071, il n’a d’intérêt que par l’interprétation qu’il donne d’Apoc, ii, 20 : « La femme.lézabel, dont il est question à cet endroit, répandait dans l’Église l’enseignement des nicolaïtes. Pour grave qu’elle fût, sa faute était, moyennant

repenlance, susceptible de pardon ; ce n’aurait pas élé le cas, si dans la réalité elle avait eu des amants. »

4. Hlppolyte est à peine postérieur de quelques années, mais son témoignage, l’hilosoplt., VII, xxxvi, édit. Wcndland, p. 223, se rapprocherait plutôt de celui d’Irénée. Dans le défilé d’hérétiques qui font l’objet de ce livre VII, Nicolas vient à la suite de Basilide, Salornil, Ménandre, Marcion, Carpocrate, Cérinthe, des Ébionites et des deux Théodotes, comme un chef de file des gnostiques. De ceux-ci les enseignements sont divers, « le responsable est Nicolas, l’un des sept qui furent ordonnes diacres par les apôtres, et qui, s’étant écarté de la voie droite, enseigna que la conduite et les aliments n’avaient point d’importance morale, àSiocçopîav ptou te xal pptoæwç. Ses disciples qui outragent le Saint-Esprit sont accusés par Jean, dans l’Apocalypse, de forniquer et de manger des idolothytes. »

Le fragment syriaque Sur la résurrection, ajoute un trait que nous n’avons pas encore trouvé. Nicolas, l’un des sept diacres, aurait déclaré que la résurrection était déjà arrivée, entendant par là la régénération reçue dans le baptême ; en d’autres ternies, il niait au sens propre la résurrection de la chair ; et plusieurs prirent occasion de cela et fondèrent des sectes entre autres celle des gnostiques. Édit. de Berlin, Hippolytus Werke, 1. 1 b, p. 251.

Ainsi donc Hippolyte ne reprochait pas seulement à Nicolas une doctrine morale condamnable, mais encore des spéculations qui auraient trouvé écho chez les gnostiques. Il devait développer cette accusation plus abondamment dans son Syntayma, car les trois auteurs qui en dépendent, Épiphane, Philaslre et le Pseudo-Tertullien décrivent avec quelques détails un système philosophico-théologique qui s’apparente aux spéculations gnostiques. A la vérité, il n’est pas aisé de voir ce qui était directement attribué par Hippolyte à Nicolas, et ce qui était le fait de ces gnostiques qu’il en faisait dériver. Nos trois auteurs embrouillent quelque peu tout cela. I.e plus clair est encore Philastre, Hæres., 33, P. L., t.xii, col. 1148 ; entre autres erreurs dont Nicolas se serait rendu coupable, il aurait enseigné la pluralité des puissances (créatrices) : virtutes esse plurimas ; et c’est à partir de là que les gnostiques auraient développé leur mythologie aux noms étranges (Barbelo, Noria, Jaldabaoth, Cavlacav, etc.). Pseudo-Tertullien met résolument tout ceci au compte même de Nicolas. De prsescript., 46, P. L., t. ii, col. 78. Et quant à Épiphane, Hæres., 25, P. G., t. xli, col. 320-329, qui a connu d’autres renseignements, il est ici plus embrouillé encore que d’habitude ; à le lire, il n’est pas facile de voir ce qui revient, à Nicolas lui-même, ce qui revient aux gnostiques. Il nous semble que le Syntayma faisait la distinction entre le diacre anliochien et la postérité plus ou moins authentique qu’il lui attribuait ; Nicolas aurait posé les principes dont le ? gnostiques en question auraient tiré les conséquences.

5. Les hérésiologues postérieurs ne feront plus que répéter et combiner les données < ; ue leur fournissaient les anciens.

C’est Épiphane qui en sait le plus long. Il débute par une anecdote sur la femme âj Nicolas qui rappelle un peu celle que racontait Clément, bien qu’elle soit orientée dans un sens tout différent. Le diacre, qui ; urait fait vœu de continence, n’aurait pas su résister par la suite aux charmes de son. épouse, aurait repris la vie conjugale et aurait émis, pour se justifier, cet aphorisme que sans l’exercice de l’acte du mariage on ne saurait être sauvé : eL jat) ~iç y.a6’éxàaT7]v Y]txépav XayveÛT), Çcoîjç iay) Suvaaôat LiETÉ/siv TÏjç atcovîou ; plus tard, il serait même tombé plus bas, ne se contentant plus des jouissances selon la nature,