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NICETAS DE MARONEE

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Ionique un troisième Nicétas, qu’il ignore, précisément Nicétas de Maronée, contemporain de Manuel Comnène. L’hypothèse, quoique fort risquée, n’est pas absolument invraisemblable, vu la doctrine de Nicétas de Maronée sur la procession du Saint-Esprit. Les rédacteurs du Synodieon de 1439 auraient, dans ce cas, expulsé du catalogue des archevêques de Thessalonique un prélat qui avail osé enseigner la doctrine qu’on venait de définir à Florence, à savoir que les Pères latins et les Pères grecs s’entendent, sous La diversité des formules, à enseigner que le Saint-Esprit tient son existence du Père et du Fils comme d’un seul principe.

Nicétas de Maronée est, en effet, célèbre dans l’histoire de la théologie byzantine par ses six Dialogues entre un Latin et un Grec sur la procession du Saint-Esprit, Aôyoi 81dc<popoi TTpoç SiâXoyov èox/jfiaTiCT(jévot Ttspi T/jç èx7TOpsiia£co< ; toû àytoo Yl~jeuy.ot.zoc. Ta TCpôtTCûTca - rpaixôç xal AaTÎvoç.- Il y soutient une thèse originale, inouïe jusque-là dans la polémique antilatine de Byzance et cadrant bien avec les vues unionistes de l’empereur Manuel Comènne. Alors que les polémistes, ses prédécesseurs, se montrent peu au courant de la théologie latine, accusent les Occidentaux de confondre mission et procession, et n’ont pas encore approfondi la formule des Pères grecs a Paire per Filium, Nicétas fait preuve d’une connaissance remarquable des arguments des Latins. Après les avoir battus en brèche avec tous les sophismes de Photius et avoir écouté les réponses de son interlocuteur latin, il se tourne vers les Pères grecs pour leur demander la solution d’une question qui dépasse l’intelligence humaine, et ne peut être dirimée que par voie d’autorité. L’examen loyal des textes l’oblige à convenir que les Pères grecs, avec leur 81, à toû ïloû, n’ont pas voulu dire autre chose que les Pères latins avec leur Filioque. Mais après avoir consenti à cette grosse concession, et comme pour se la faire pardonner de ses compatriotes, il demande au Latin de respecter l’intégrité matérielle de l’antique formule de foi, de n’y rien ajouter et, par conséquent, de supprimer l’addition du Filioque. Telle est la conclusion des Dialogues. Si les Grecs avaient voulu poursuivre la discussion sur cette base, il est fort probable qu’on serait arrivé au compromis qui fut admis tacitement aux conciles unionistes de Lyon et de Florence : Les Latins auraient continué à chanter le Credo avec le Filioque, les Grecs n’auraient pas été obligés à l’addition, mais seulement à la profession du dogme qu’elle exprime. Des six Dialogues du théologien les quatre premiers seulement ont été édités jusqu’ici ; le premier avec quelques extraits des autres, par Hergenrôther dans P. G., t. cxxxix, col. 169222 ; les trois autres par N. Festa, dans le Bessarione, fasc. 119-134 (1912-1916). On trouve les deux derniers qui traitent : le cinquième des divers sens des mots éxîrops’JsaOx !., sx7c6pei>ffiç, le sixième de la doctrine des Pères grecs dans le Vatic. gnec. 1115 du xvie siècle et le Laurent, grsec, plut, xxxi, 37.

Les dialogues sur la procession du Saint-Esprit paraissent être le seul ouvrage théologique qui nous soit parvenu de Nicétas. Certains auteurs, cependant, comme A. Palmieri, Niceta di Maronea ei suoi dialoghi sulla processione dello Spirito Sancto, dans le Bessarione, série III, t. ix, 1912, p. 88, veulent lui attribuer une série d’anathèmes contre le philosophe Jean Italos, condamné au concile de Constantinople de 1182. Ces anathèmes, qui énumèrent les erreurs théologiques du philosophe byzantin, sont contenus dans le Vindobon. théologiens gnec. 77, sous le titre suivant : KscpâXaia rapt ôpOoSo^aç auvrcGÉvra racpà Ntx/JTa àpyiSiaxôvou ttjç èv Kci>va7avn, vo>j7r6À£i, fi.£yâXtjç 'ExxX'/jaôaç xal /apToep’jXaxoç xaTà'IciNxvvou çiXo aécpou Toû'IraXoû, ote ê)cevocp(i>vei xarà ty ; ç Èvaâpxoo olxovouiaç. Cf. Lambecius, Commentarii de bibliotheca cœsarea Vindobonensi, t. m. Vienne, 1776, p. 400-409. Ils ont été publiés par Th. Ouspenskij. Le Synodieon du dimanche de l’Orthodoxie (en russe), Odessa, 1893, p. 14-18. Identifier le Nicétas dont il est ici question avec le Nicétas de Maronée nous paraît fort aventureux, à moins d’accorder à ce dernier une longévité peu ordinaire. L’hypothèse, cependant, mérite considération et n’est pas absolument invraisemblable.

Nicétas s’est fait connaître aussi comme canoniste, du temps surtout où il était chartophylax de la GrandeÉglise. On a publié sous son nom trois séries de réponses canoniques. Lue première réponse, ayant trait au mariage rituel des esclaves, fut éditée par E. Bonnefoy, Juris orienlalis libri 1res ab Enimundo Boneftdio digesti ac notis illustrait eum latina interprétation, Paris, 1573, p. 203-206, sous le titre : Nixtjtoc toû ii, ï]Tpo7TOXtTou 0£aaaXovtx7)ç àrcàycpiGiç Tîpôç ttjv àvocpopâv tivoç |j.ova/oû KaTriraSôxou BaatXsîou. Elle est datée du mois de septembre 1132. C’est cette réponse que Leunclavius, op. cit., p. 345-346 a mise sous le nom de Nicétas le Mitylénien. Bonnefoy, op. cit., p. 207-216, a de même publié un autre document canonique intitulé : 'EpedT7)aE(.ç xal àiroxplasiç Siâcpopoi, Ysv6[i, svat. Tiapà 8t, acp6po)v àpyispÉcov npbç tÔv /apToepùXaxa x’jptov Ni.xT)Tav, tov ysyovÔTa àpy_(.£7Ûaxo7TOV rrjç fXY)TpoTc6X£a>ç ©EaaaXovîxYjç. Une troisième série de réponses a été découverte dans deux manuscrits de la bibliothèque synodale de Moscou (cod. 33 et 445) par le canoniste russe A. Pavlov et publiée par lui dans le Vizantiiskij Yremennik, t. ii, 1895, p. 378-387. La suscription du Mosquensis est particulièrement précise pour l’attribution à notre Nicétas : 'EpcùT^aEtç Siâcpopoi. rtpôç iôv X a P~ ToipùXaxa xùp Nixyjxav, tôv GcjTEpov 0£aaaXovtx7)ç àpyispsa, xal ànoxplessiç lie' aurait ;.

Une série de pièces hiagographiques sont portées dans les mansucrits sous le nom d’un Nicétas, archevêque de Thessalonique. Ce sont : 1° Un remaniement de la version grecque du Poème de l'âme, que Max Bonnet a publié d’après un ms. remontant probablement à la première moitié du xie siècle, Analecta bollandiana, t. xx, 1901, p. 159-164. 2° Un remaniement des Acta sancti Thomie, dont le canoniste russe Bénéchévitch a publié le prologue dans la Description des manuscrits grecs du monastère de Sainte-Catherine au Sinaï, t. i, Petrograd, 1911, p. 190-191, texte déjà édité par Max Bonnet, dans des Acta Thomse, Leipzig, 1883, p. viii-ix. 3° Une refonte des Acta sancti Joannis Evangelistæ du pseudo-Prochorus, contenue dans le Seldenus 46 (3383) de la bibliothèque Bodléienne d’Oxford, fol. 61-95, fin du xiie siècle, sous le titre : Eîç xàç TtEptoSouç xal Tcpà^Eiç toû àylou, èvSô^ou QsoXôyou 7rp6Xoyoç, wç ànb cpwvTJç NixY]Ta, àpyiETuaxorcou @EaaaXovix7)ç. Cf. Coxe, Calalogi codicum manuscr. bibl. Bodteiamr, t. i. Oxford, 1853, p. 603. 4° Un recueil de miracles de saint Démétrius de Thessalonique contenu dans le Baroccianus 131, fol. 532536 v°, en partie illisible : NixTjTa, àp-/ 1£— i.ax67T0'j 0£aaaXovîx7]ç eiç Ta OaùpLaxa toû àylou [X£yaXou, âpTopoç AyjpiYjTplou. Faut-il attribuer toutes ces pièces à Nicétas de Maronée, comme le fait A. Palmieri, loc. cit. ? C’est ici, croyons-nous, qu’il faut se souvenir que le Synodieon de Thessalonique distingue deux archevêques du nom de Nicétas, séparés l’un de l’autre par un siècle environ. Comme les mss contenant les pièces hiagographiques, ne parlent que de Nicétas, archevêque de Thess(doniquc, sans ajouter les mots chartophylax ou de Maronée, on est fondé à penser que le Nicétas hagiographe a vécu dans la première moitié du XIe siècle, et doit se distinguer du théologien et canoniste du xiie siècle.