polémiques, des explications, des protestations. Faute d’un terrain où s’exercer, elle se tourne vers la critique biblique, ou vers la philosophie des « preuves ». Les formules s’achèvent en elles-mêmes, sans se développer, parce qu’elles ne sont que des mots. Elles sont stériles, parce qu’elles sont mortes. » Il en va de même pour les huit autres exemples de la « continuité dans les principes » ; chacun d’entre eux a été dès le début et reste encore aujourd’hui un caractère distinctif du christianisme catholique. Remarquonsle en passant, si l’on a mal interprété les Universilij sermons, on a aussi mal compris, et pour les mêmes raisons, ce que nous dit Newman sur le second principe. C’est le principe de la suprématie de la foi, d’après lequel « la croyance au christianisme est moralement supérieure à l’incroyance ; la foi, bien qu’elle soit un acte intellectuel, est morale dans son origine ; … quant aux raisons de croire, elles ne sont pas en général explicitement perçues, et n’ont besoin que d’être faiblement reconnues par l’esprit qui en subit l’influence, etc. » Les critiques de Newman lui ont prêté des idées qui n’étaient pas les siennes. Nous n’avons pas a répéter ici ce qui a été dit plus haut au sujet des Sermons. Retenons seulement ceci : d’après Newman, l’Église a toujours admis que la foi, bien qu’elle fût un acte intellectuel, était à la portée d’hommes sans instruction. On ne prescrit pas aux enfants du catéchisme, avant qu’ils fassent un acte de foi, de chercher la vérité dans l’Écriture, ou d’étudier sans parti pris les preuves de la religion naturelle ou révélée. En un mot, lorsque Newman parle du « principe de la foi », il ne parle pas du « principe de la théologie ».
Il nous reste à dire un mot d’une autre question : dans quelle mesure doit-on s’attendre à ce que les décisions doctrinales de l’Église s’appuient sur des témoignages historiques ? Newman nous a suffisamment fixés sur ses idées à ce sujet dans l’Essay (c. iii), lorsqu’il y parle de l’ensemble des témoignages, et aussi lorsqu’il fait allusion à la « tradition prophétique » ; celle-ci ne saurait jamais, du fait même de sa nature, être complètement enregistrée dans des documents morts, si complets qu’ils puissent être. Dans sa Letter to the Duke of Norfolk (voir plus bas), Newman eut à s’occuper des savants distingués qui avaient rejeté la définition du concile du Vatican pour des raisons d’ordre historique, et fut amené à faire connaître sa manière de voir d’une manière plus directe. C’est Dôllinger, sans aucun doute, qu’il avait surtout en vue : « Je n’élèverai jamais la voix contre ces hommes érudits et distingués… Qu’ils nous aient quittés, c’est un événement tragique, et pour eux, et pour nous-mêmes… Je crois qu’ils ont eu entièrement tort dans ce qu’ils ont fait et dans ce qu’ils font ; et de plus, je suis aussi peu d’accord avec leur conception de l’histoire qu’avec leurs actions… Ils me semblent attendre de l’histoire plus qu’elle ne peut fournir ; ils ont trop peu de confiance dans les promesses divines et dans la Providence, qui guide et détermine les déclarations des papes et des conciles. .. Pour ma part, j’avoue tout simplement que, dans aucun cas, des témoignages historiques ne suffisent à prouver sans doute possible une doctrine de l’Église ; mais aussi que dans aucun cas ils ne suffisent à prouver le contraire. Les témoignages historiques, invoqués comme preuve des doctrines catholiques, vont plus ou moins loin, suivant les cas ; souvent ils suffisent presque à eux seuls ; parfois ils n’ont qu’une valeur d’indication ; parfois aussi il y a simplement absence de témoignages contraires ; et même il se peut que les témoignages historiques semblent contredire la doctrine en jeu, et il faut alors expliquer le désaccord. Mais, dans tous les cas, il reste une marge
où peut s’exercer la foi que nous accordons à la parole de l’Église. Croire aux dogmes de l’Église, uniquement parce qu’on les établit en raisonnant sur des preuves historiques, c’est à peine être catholique. Le vrai catholique a foi dans l’Église, lorsqu’elle fait un usage dogmatique de l’histoire ; mais elle utilise aussi d’autres sources d’information, l’Écriture, la tradition, le « sens ecclésiastique » ou çpôvrjfxa, et un pouvoir subtil de déduction, qui est, dans son origine, un don de Dieu. » Diff., t. ii, p. 311-313.
5° Two essays on miracles (Deux essais sur les miracles). — 1. The miracles of Scripture compared wilh those reported elsewhere as regards their nature, credibilily, and évidence (Les miracles de l’Écriture comparés avec ceux qui sont rapportés ailleurs, en ce qui concerne la nature, la crédibilité, et les preuves). Article écrit en 1825-1826 pour V Encyclopedia melropolitana, où il faisait suite à un autre article de Newman sur Apollonius de Tyane (réimprimé dans Hisiorical skelches, t. i) et commençait par ces mots : « La vie d’Apollonius nous a amenés à un sujet, dont il nous faut maintenant poursuivre l’étude dans toute son étendue, en comparant les miracles de l’Écriture avec ceux dont nous trouvons ailleurs le récit, etc. »
Newman avait principalement pour but d’établir que les miracles de l’Écriture étaient a priori croyables, en arguant de leur caractère et de leur objet. Il relève le défi de Hume. « Puisque la Divinité, nous dit celui-ci, se découvre à nous par ses œuvres, nous n’avons aucun motif rationnel pour lui prêter des attributs ou des actions qui ne s’accordent pas avec ce que nous révèlent ses œuvres. » P. 16. Cette objection, réplique Newman, n’est valable que si l’on admet que Dieu se découvre à nous uniquement dans l’univers physique ; mais elle s’évanouit du moment où l’on admet l’univers moral, car on y trouve bien des choses, qui rendent une révélation probable, et une révélation ne peut se manifester que par le miracle. L’objection de Hume, pour qui les miracles sont improbables a priori, se trouve ainsi écartée ; il n’y a plus qu’à peser des témoignages ; or ceux-ci, dans le cas des miracles chrétiens, ont assez de poids pour ne laisser place à aucun doute. Le P. Pesch adopte la manière de voir de Newman et cite sa réponse à Hume, dans son Glaubenspflichl und Glaubensschwierigkeiten, Theolog. Zeiifrag., n. 5, Fribourgen-B. , 1908.
2. The miracles of ecclesiastical hisiory compared wilh those of Scripture, as regards their nature, credibilily and évidence (Les miracles de l’histoire ecclésiastique comparés avec ceux de l’Écriture, en ce qui concerne la nature, la crédibilité et les preuves). Essai écrit en 1842-1843, comme préface d’une traduction partielle de l’Histoire ecclésiastique de Fleury.
L’objet de cet essai se trouve décrit en détail au premier chapitre de Y Apologia, auquel nous renvoyons le lecteur. Newman y écarte d’abord l’argument qui veut rendre les miracles improbables a priori ; puis il examine les témoignages relatifs à neuf des miracles les plus fameux, parmi ceux que rapporte l’histoire des premiers siècles de l’Église. Certains critiques, de ceux-là pour qui « les miracles ne peuvent arriver », ont pris prétexte de cet ouvrage pour porter de folles accusations de crédulité contre la mémoire de Newman. Celui-ci ne partage pas leurs idées préconçues, mais se guide d’après les preuves historiques. Si les témoignages, sans être concluants, semblent indiquer nettement qu’il s’est passé un événement miraculeux, il penche à croire plutôt qu’à ne pas croire, sans toutefois prétendre qu’il y ait certitude. Cet essai est, dans une certaine mesure, la rétractation du précédent, où Newman tendait à jeter le discré-