Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/187

Cette page n’a pas encore été corrigée
359
360
NEWMAN (JOHN-HENRY), L’ESSAI SUR LE DEVELOPPEMENT


œuvres non catholiques antérieures à sa conversion. Nous nous abstiendrons autant que possible de répéter ici ce qui a été déjà dit dans le présent dictionnaire, t. iv, col. 1630 sq.

Lorsqu’il parle de développement de la doctrine, Newman, il est à peine besoin d’y insister, n’entend pas dire que le Deposilum fîdei légué à l’Église par les Apôtres, s’est accru au cours des temps ou qu’il a changé de sens. Cf. DifJ., t. i, p. 394-395 ; t. ii, p. 32 ; Essay, t. i, p. 288 ; Idea of Univers, p. 223, 441. Au début de sa vie anglicane, l’objection qu’adressait Newman à l’Église catholique, c’est qu’elle avait ajouté aux vérités de foi. Mais cette objection, il finit par le reconnaître, ne reposait sur aucun fait ; et il put alors d’un cœur tranquille se soumettre à l’Église. Comment il finit par en arriver là, c’est ce qu’il nous a expliqué dans Diff., t. i, p. 394-395.

A peine eut-il commencé à lire les Pères, qu’il aperçut dans les premiers siècles de l’Église, la doctrine en train de se développer, et cela « suivant certaines lois, comme tout ce qui vient de Dieu. » Par la suite — citons ses propres paroles — « au cours de mes lectures, une vérité se fit jour graduellement dans mon esprit, mais d’une manière si insensible que je ne puis retracer pas à pas le travail qui s’opérait en moi. Cette vérité, - c’est que les décrets des conciles les plus récents, décrets que les anglicans qualifient de corruptions romaines, étaient tout simplement des applications de cette même loi qui gouvernait la doctrine dans l’histoire des premiers temps de l’Église. »

On voit cette idée se manifester pour la première fois chez lui, bien qu’il y passe outre tout aussitôt, dans un dialogue écrit en 1836, Rome thoughls abroad (Pensées de chez nous écrites à l’étranger) réimprimé dans Discussions and arguments, sous le titre de How to accomplish il ? (Comment y parvenir ?). L’un des interlocuteurs y soutient que le projet d’une Via média anglicane est chimérique, et se hasarde jusqu’à suggérer que les soi-disant corruptions romaines pourraient n’être après tout qu’un développement ; il s’en produirait inévitablement un semblable dans « un anglicanisme devenu réalité, si jamais une telle chose était possible » (p. 19). Dans V Apologia, p. 197, Newman nous dit aussi qu’il avait de bonne heure reconnu le principe du développement. Il l’avait introduit dans son Histoire des ariens, écrite en 1832, et ne l’avait plus jamais perdu de vue dans ses spéculations. A la fin de 1842, il commença à la creuser, et au mois de février de l’année suivante, prêcha son sermon devant l’université d’Oxford sur The theory of developments in religious doctrine (La théorie du développement dans la doctrine religieuse).

Il prit comme texte les paroles suivantes de l’Écriture : Maria autem conservabat omnia verba hœc conferens in corde suo, Luc, ii, 19, « Marie symbolise pour nous, disait Newman, non seulement la foi des ignorants, mais aussi celle des docteurs de l’Église, qui doivent rechercher, et peser, et définir. » Univ. serm., p. 313. Ceux à qui l’histoire du mouvement d’Oxford est familière, se rappelleront aussitôt Hampden et ses partisans, en lisant le passage où se définit le but du sermon. Il est dirigé contre ceux « qui déprécient les formules doctrinales, et en particulier celles qui ont trait à la Sainte-Trinité et à l’Incarnation ; tendance particulièrement répandue de notre temps. » (P. 319). Les formules auxquelles le prédicateur pensait étaient sans doute les définitions des quatre premiers conciles généraux, et les « symboles », en y comprenant le symbole de saint Athanase.

La portée de ce sermon est évidemment limitée, si on le compare à VEssay on development. Il se borne

à envisager ce que VEssay appelle des « développements métaphysiques », c’est-à-dire « ceux qui consistent simplement à analyser une idée, afin d’arriver en fin de compte à en faire exactement et complètement le tour. » Dev., p. 52. La fin du sermon n’a rien à voir avec la théorie du développement. Il y avait deux objections formulées contre les symboles et les définitions. La première était qu’ils dépassaient la lettre de l’Écriture ; c’est à quoi répondait la théorie du développement. La seconde tranche la racine de toute connaissance du « Surnaturel » et substitue à celle-ci, au premier stage l’émotion, le sens religieux, pour aboutir finalement à l’agnosticisme pur et simple. Elle nie, en effet, qu’il y ait une commune mesure entre les vérités surnaturelles d’une part, et de l’autre les idées et les images d’ordre humain, à l’aide desquelles les formules doctrinales tentent de les exprimer. Cette objection, d’ailleurs, s’applique à la sainte Écriture. Newman y répond en admettant le caractère analogique ou « économique » de la connaissance que nous fournit la révélation ; mais il insiste en même temps sur son absolue vérité, encore que cette vérité nous parvienne d’une manière proportionnée à notre condition, tant que nous voyons per speciem, in œnigmate. Cette vérité absolue il faut l’affirmer, parce que cette connaissance vient de Dieu. — Newman n’a rien trouvé à modifier dans cette partie du sermon, quand il le réimprima en 1870, sauf en un point de détail qu’il avait soulevé par manière d’illustration, à savoir le caractère « substantiel » de la connaissance que nous fournissent les sens. Il ne revint pas sur l’ensemble de ce sujet quand il composa l’Essai sur le développement, parce qu’il n’avait rien à faire avec le développement. Le lecteur peut comparer ce qui est dit dans le sermon avec les passages sur le « langage économique » dans Saint Athanase, t. ri, p. 31-35 et « sur la Sainte-Trinité dans l’unité ». Ibid., p. 15 sq.

Arrivons-en maintenant à l’Essai lui-même. Nous n’avons pas à répéter ici, ce qui a déjà été dit à l’article Dogme du présent dictionnaire, et nous nous bornerons à examiner une seule question : qu’étaitce exactement pour Newman que le Deposilum fidei ou, pour employer un terme plus vague et moins technique, que l’héritage de vérités religieuses légué par les apôtres à l’Église ? Nous ne pourrons, dans notre réponse, nous en tenir uniquement à la lettre de VEssay ; d’autres écrits de Newman, sans être consacrés principalement au « développement de la doctrine », nous permettront de tirer quelques déductions ; aussi bien, dans les lignes qui suivent, ne nous hasarderons-nous pas à prononcer définitivement.

Dans son Prophetical office of the Church (première édition 1837, réimprimé dans V. M., t. i), Newman met en regard deux sortes de traditions, toutes deux également apostoliques par leur origine, mais différentes par la manière dont elles se sont transmises. Il donne à la première le nom de « tradition épiscopale », à la seconde celui de « tradition prophétique ». La première est représentée par le symbole qui figure dans la liturgie du baptême (V. M., t. i, p. 218). Celui-ci est « une collection d’articles précis, mis à part dès le début, transmis de main en main, répétés et confessés au baptême, confiés par chaque évêque à son successeur, imposés à l’attention de chaque chrétien, et qui, par conséquent, exigent et obtiennent que l’on en fournisse une explication adéquate. On les accepte en vertu de ce qu’on peut justement appeler, s’il faut un nom, la tradit’in épiscopale. En outre, l’Écriture elle-même délmit dans ses grandes lignes et sanctionne cette confession de foi, qu’elle appelle « Hypotypose », c’est-à-dire « esquisse des vérités » (forma sanctorum verborum,