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NEWMAN (JOHN-HENRY), L’ESSAI SUR LE DÉVELOPPEMENT


prémisses historiques. » (Schaff, Encyc. of religious Knowledge, cité dans le Oxford english dictionanj au mot evidential, pour en illustrer l’emploi). « Après tout ce qui est dit de la foi dans le Nouveau Testament. ., , si elle n’est à tout prendre qu’une croyance reposant sur des preuves, ou une espèce de conclusion tirée d’un raisonnement, une résolution faisant suite à un calcul, le texte inspiré n’est pas au niveau de l’intelligence d’un lecteur ignorant, il est mal adapté à son degré d’instruction. » (Newman, Univ. serm., p. 179). Le lecteur saisira toute l’ironie de ces dernières paroles, s’il se rappelle le grand principe protestant, que tout homme interprète la Bible par lui-même et pour lui-même.

On peut résumer comme suit l’enseignement des Universily Sermons sur les rapports entre la foi et la raison, ces rapports étant étudiés non dans l’abstrait, mais dans le concret, et tels qu’on les rencontre chez le plus grand nombre des croyants : Si la foi du commun des hommes doit être considérée comme rationnelle, il faut prouver : 1° que ces hommes peuvent raisonner ; 2° qu’ils possèdent la matière sur laquelle peut s’exercer leur raisonnement. Le premier point suppose une distinction entre raisonnement implicite et raisonnement explicite :

Tous les hommes raisonnent…, mais il s’en faut que tous réfléchissent sur leurs propres raisonnements, et plus encore qu’ils réfléchissent d’une manière juste et exacte, « qui fasse honneur à leur propre pensée. » Univ. serm., p. 258-259. D’autre part, « l’expérience de la vie le prouve abondamment, sur des questions pratiques, et lorsque leur esprit s’éveille vraiment, la plupart des hommes ne raisonnent pas mal. » Ibid., p. 211. Leur argumentation est faible et pleine d’inexactitudes dans la pensée et dans l’expression, cependant ils finissent par arriver à une conclusion légitimement tirée des principes dont ils partent. Quant au deuxième point, on peut se demander où le commun des hommes trouve la matière sur laquelle raisonner, dans le domaine de la religion révélée ? Ils la trouveront principalement dans ces vérités de la religion naturelle, que leur conscience leur enseignera, s’ils prêtent habituellement l’oreille à ses avertissements. Si Dieu nous parle par la voix de la conscience, voilà une probabilité antécédente pour qu’il nous accorde une révélation. Il existe donc une présomption, une probabilité a priori, en faveur d’une révélation proprement dite, qui s’harmonise avec les vérités déjà connues grâce à la conscience, et vient s’ajouter à elles. Ainsi les preuves, qui donnent à la croyance de la plupart des chrétiens un fondement rationnel, ont surtout le caractère de présomptions. Voilà, semblet-il, qui s’accorde bien avec les louanges que répand à profusion l’Écriture sur ceux qui sont dsiposés à croire.

De telles présomptions, naturellement, ne suffisent pas par elles-mêmes ; mais pour ceux qui en subissent l’effet, c’est-à-dire ceux qui « sont déjà familiarisés avec les vérités de la religion naturelle, l’existence actuelle du christianisme est à elle seule un témoignage suffisant ; si l’on envisage en même temps les principes qui animent le christianisme, les personnes qui le pratiquent, les effets qu’il produit, (c’est-à-dire les notes de l’Église et les conclusions vraisemblables que l’on peut en tirer), tout cela porte clairement la marque d’une ordonnance divine, tout comme le monde visible nous atteste par lui-même qu’il vient de Dieu. » Ibid., p. 66. Les mots entre parenthèses, furent : ioutés en note en 1871. Cela vaut la peine d’être signalé, car ils sont de Newman catholique ; or, les preuves de la révélation accessibles, à un homme ordinaire, sont beaucoup plus fortes pour les catholiques que pour les protestants. Ces derniers ne peu vent, en somme, considérer comme un témoignage prophétique, la promesse faite par le Christ que son Église ne saurait faillir ; cette preuve est au contraire chez les catholiques familière même aux enfants, et dans bien des pays non catholiques elle agit d’autant plus sur l’imagination, que le catholicisme se rajeunit alors que le protestantisme tombe en ruines.

Si l’on veut se faire une idée des sens différents que prend le mot de « raison » dans les Universily sermons, on fera bien de lire avec soin la préface de la troisième édition, écrite par Newman lui-même. Sur les « dispositions favorables à la foi » produites par la conscience, lorsqu’on a l’habitude de l’écouter, on fera bien d’étudier le cinquième des sermons catholiques intitulés : Sermons on various occasions (ci-dessous, col. 376). On y trouvera formulées sous forme de propositions les idées qui imprègnent les Universily sermons. Non seulement la conscience éveille en nous le sens du péché, mais encore, grâce à elle, l’homme se rend compte qu’il a besoin d’une délivrance, et d’une connaissance de la volonté de Dieu plus claire que celle qu’il acquiert par lui-même. Tout ce qui précède constitue pour Newman ce qu’il appelle la « religion naturelle ». Sa conception de la religion naturelle dépasse de beaucoup la théologie naturelle en faveur à la même époque en Angleterre, laquelle se bornait à tirer de l’univers visible des preuves de la sagesse et de la bonté du Créateur. L’article de W. G. Ward dans la Dublin review, intitulé Explicit and implicit Thought(La pensée explicite et implicite), (dans The philosophy of Theism, t. ii, p. 215-243) constitue une précieuse introduction à l’étude des Universily sermons ; non seulement il parcourt le même terrain que ces sermons, mais encore il révèle comment ils étaient compris par un contemporain. Remarquer aussi la comparaison que fait cet auteur entre les Sermons universitaires de Newman et le célèbre ouvrage du P. Kleutgen La philosophie scolastique. Ward insiste sur la ressemblance « frappante » de pensée qu’il découvre « entre ces deux grands penseurs, dont le développement philosophique a été si entièrement différent ». Ibid., p. 222.

On peut remarquer que dans ces sermons le mot évidences ne s’applique pratiquement qu’aux preuves historiques de l’origine miraculeuse du christianisme. C’est bien dans ce sens que l’a toujours entendu le lecteur anglais. Mais ce terme a beaucoup embarrassé les traducteurs français.

Plusieurs des idées simplement indiquées ici par Newman seront reprises et développées dans la Grammaire de l’assentiment, voir col. 385.

4° An essay on Ihe development of Christian doctrine (Essai sur le développement de la doctrine chrétienne), Première édition, 1845 ; deuxième, 1846 ; troisième (souvent réimprimée) 1878. Trois traductions françaises : par L. Boyeldieu d’Auvigny, Paris, 1847 ; par J. Gondon, Paris, 1848 ; par H. Bremond (partielle), Paris, 1905. Une traduction allemande par J. A. M. Brùhl, Schafihouse 1846 ; une autre plus récente par Th. Hæcker, Munich, 1922. Newman remania la troisième édition, et en modifia par endroits le texte ; mais ses corrections furent faites de telle sorte que le livre ne perdît en rien son caractère primitif. Il ne devait pas cesser d’exprimer ce que l’auteur avait pensé au moment où il l’avait composé. Dans son exemplaire personnel de cette édition, Newman écrivit ce qui suit : « Ce livre est l’ouvrage philosophique d’un écrivain qui n’était pas catholique, et qui n’avait pas la prétention d’être théologien, ouvrage destiné à des lecteurs qui eux non plus, n’étaient pas catholiques. » Nous croyons donc nous conformer aux désirs de l’auteur lui-même en faisant figurer VEssay on development parmi les