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NEWMAN (JOHN-HENRY), ŒUVRES ANGLICANES


Biglielto (Ward, t. ii, p. 459-462), il expliqua, avec la dignité et la simplicité qui lui étaient éminemment propres, quel avait été le leit-motiv de sa vie, et révéla ce qu’il y avait en lui de plus profond. C’était là, comme l’écrivit Pusey, « le vieux John-Henry Newman qui disait la vérité en toute franchise, sans blesser un seul cœur. » La vie de l’homme, disait-il, était un combat sur la terre ; il avait eu pour sa part à lutter contre le libéralisme dans la religion, c’est-à-dire contre la théorie qu’il n’y a pas de vérité positive en religion, et contre la conclusion qui s’ensuit, à savoir que la religion est une affaire d’opinion personnelle, qu’elle est non objective, mais subjective, non une révélation, mais un sentiment ou un goût. La société, jadis chrétienne, ne l’était plus aujourd’hui. Telle était la grande « apostasie » du siècle, contre laquelle il avait élevé la voix. Mais dans le passé déjà, le caractère chrétien de la société avait été en péril de mort ; il n’y avait donc pas lieu de perdre confiance : « L’Église n’a jamais rien d’autre à faire que de s’acquitter de son propre office, dans la confiance et dans la paix ; elle n’a qu’à demeurer elle-même et à regarder Dieu accomplir son œuvre de salut. » Lorsque Newman revint de son voyage à Rornè, Punch lui souhaita la bienvenue sur le ton badin qui convenait à un journal humoristique, mais ses paroles n’en étaient pas moins significatives : « Très vénérable cardinal Newman, votre Éminence a bien gagné son chapeau rouge. C’est vous — et le pape doit vous en remercier — qui avez amené à Rome ceux des convertis anglais qui savent penser. Tout homme réfléchi, si l’un des dogmes que vous professez lui paraît absurde, se demandera naturellement laquelle des deux choses est la plus probable : que vous accordiez créance à une absurdité, ou que lui-même soit un âne. » Ces phrases donnent la note qui convient ; car c’est à Newman, plus qu’à aucun autre homme ou groupe d’hommes qu’est due la renaissance intellectuelle du catholicisme en Angleterre, comme aussi l’estime qu’il s’est acquise auprès des Anglais.

Manning à Westminster, Newman à Edgbaston, tous deux cardinaux — l’Église n’avait-elle pas ainsi marqué de son sceau la maxime sur laquelle insistait Newman, In necessariis imitas, in dubiis iiberlas, in omnibus caritas. Newman ne devait plus écrire beaucoup. Les quelques années qui lui restèrent à vivre, après que les controverses du milieu du siècle eurent atteint leur terme, furent comme l’été de la Saint-Martin d’une vie orageuse. Ce furent des années où peu à peu, doucement, sa figure s’effaça du monde pour s’enfoncer dans l’invisible. Sa longue et généreuse vie prit fin le Il août 1890. Partout où l’on parle anglais, les hommes sentirent « qu’ils venaient de perdre quelque chose, qu’une étoile lumineuse venait de s’éteindre, qu’un signal avait disparu, que le siècle s’était appauvri, qu’une grâce lui avait été retirée. » Un homme qui tenait dans leur estime une place absolument unique, venait de passer exumbris et imaginibus in veritatem.

IL Œuvres et doctrines. — Newman fut un écrivain extrêmement fécond. Philosophie religieuse, questions proprement théologiques, histoire de l’Église, patristique, problèmes d’actualité, il est intervenu dans ces domaines si divers avec une incontestable maîtrise. Le caractère un peu dispersé de cette production rend difficile, néanmoins, une présentation d’ensemble de ses idées en matière de théologie et de philosophie, et l’on a mis un peu de hâte, en divers milieux, à abriter sous son nom des théories générales auxquelles il n’avait peut-être pas songé. L’étude suivante vise à donner un aperçu aussi objectif que possible de la production littéraire de ce fécond et génial écrivain. Elle fournira une énu DICT. DE THÉOL. CATH.

mération aussi complète que possible des écrits de Newman, en relevant, à l’occasion, les points de vue nouveaux que fait apparaître un examen plus attentif de quelques détails.

Cette analyse comprend tout naturellement deux parties : les œuvres de la période anglicane, et celles de la période catholique (col. 371)’; un paragraphe spécial sera consacré à la (Irammaire de l’assentiment, à cause de son importance particulière (col. 385).

I. LES ŒUVRES DE LA PÉRIODE ANQUCA.NE. — Nous bornerons ici notre attention, à ceux des écrits anglicans de Newman, qu’il crut assez importants pour les faire réimprimer par la suite, et qui figurent dans l’édition d’ensemble de ses œuvres (Longmans, Londres, 18(58-1881). Dans l’avertissement placé en tête des Essays crilicat and hislorical (1871), et de nouveau dans la préface de la Via média (1877), Newman nous dit les raisons pour lesquelles il croit devoir rééditer tant de pages hostiles au catholicisme. Un auteur ne peut détruire ce qu’il a jadis fait paraître ; il peut craindre qu’on ne publie après sa mort certains de ses ouvrages, afin de soutenir une cause qu’il a lui-même répudiée depuis. Pour prévenir un tel danger, Newman ne voyait qu’un moyen : c’était de rééditer lui-même le texte primitif, « en y ajoutant des notes, pour expliquer en quoi ce texte avait cessé de satisfaire son jugement. » Ces » additions », malgré leur titre modeste, ont souvent la plus grande valeur, tant pour l’apologiste catholique que pour le biographe de Newman.

1° Parochial and plain sermons (Sermons paroissiaux et simples sermons) 8 volumes. — Les volumes 1 à 6 furent publiés de 1834 à 1842 sous le titre de Parochial sermons (Sermons paroissiaux) ; les volumes 7 et 8 représentent la part de Newman dans une collection intitulée Plain sermons, by conlribulors lo the Tracts for the times (Simples sermons, par des collaborateurs aux < Tracts pour le temps présent » ). L’ensemble fut réédité en 1868 par un clergyman anglican, Copeland, qui avait été le vicaire de Newman à l’église Sainte-Marie d’Oxford. En moins de six mois, on vendit plus de trois mille cinq cents exemplaires du premier volume.

Ces sermons occupent une place unique dans l’histoire de la prédication. Ils avaient été lus par un homme qui ne levait jamais les yeux de son manuscrit, et dont la voix, bien qu’elle charmât par sa douceur et sa clarté, était d’une force au-dessous de la moyenne ; ils étaient aussi dépourvus de rhétorique, qu’il est possible à un monologue de l’être. Et cependant ils prennent rang parmi les sermons qui ont au cours des temps exercé le plus d’influence. Leur effet sur l’auditoire a souvent été décrit par des témoins. Church leur attribue (Oxford movement, p. 129) une influence encore plus grande que celle des Tracts for the times. Le lecteur d’aujourd’hui fera bien d’en retenir les dates (Sermons on subjects oj the day, p. 411-417) car ils ont souvent une réelle importance biographique. Ces sermons ne sont pas des œuvres de controverse ; ils ne portent pas, en général, sur les doctrines dont les tractariens se faisaient les défenseurs. Le parti « évangélique » n’y est jamais nommément désigné ; mais de temps à autre, il y est pris indirectement à partie pour le caractère subjectif de sa religion.

Les doctrines suivantes sont à noter. 1. Dans le cas d’un péché commis avec pleine délibération, le prédicateur ne faisait aucune distinction entre ce qui est véniel et ce qui est mortel. 2. Il ne croyait pas que l’âme des justes atteindrait à la vision béatifique avant le jugement dernier. 3. Il ne reconnaissait pour les péchés commis après le baptême, aucune absolution garantie (comme dans le sacrement de pénitence).

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